top of page

Comment créer un système de rémunération ?

Avec Maxime Le Bras, responsable du recrutement chez Alan


 Maxime Le Bras, responsable du recrutement chez Alan
 Maxime Le Bras, responsable du recrutement chez Alan

Maxime Le Bras est responsable du recrutement chez Alan, "the" mutuelle santé et dans cet épisode, il nous partage un sujet essentiel :


Comment créer un système de rémunération alliant culture d'entreprise et séduction des top talents ?


Lancé il y a 8 ans, Alan est devenu un game changer de l'assurance santé, connu pour sa mutuelle qui rembourse rapidement et son service client premium. La scale-up a également développé des programmes de prévention (mal de dos, santé mentale, gestion du stress...) et compte aujourd'hui 620 Alaners répartis dans 4 pays : France, Espagne, Belgique et Canada.


Avant de prendre en charge la rémunération chez Alan, Maxime s'est d'abord concentré sur la compétitivité salariale. Le sujet proposé par Maxime Le Bras, "comment créer un système de rémunération alliant culture d'entreprise et séduction des top talents ?", est particulièrement intéressant car Alan se démarque par des choix qui vont à contre-courant : pas de variable, une seule grille pour tous les pays, des offres non négociables... Un système qui tient la route depuis 4 ans malgré une forte croissance, et qui reflète parfaitement l'ADN de l'entreprise : transparence radicale, primauté du collectif et vision long terme.


Dans un marché où les top talents sont âprement disputés et où la tendance est à la surenchère salariale, l'approche d'Alan intrigue : comment réussir à attirer et garder les meilleurs profils du top 10 avec des salaires positionnés au top 30-40 ? La réponse se trouve peut-être dans leur vision du "good enough" et leur focus sur les motivations intrinsèques plutôt que sur la rémunération pure.


N’hésitez pas à écouter les autres épisodes sur ce sujet, en particulier ceux de Virgile Raingeard de Figures, et d’Adeline Bodemer de Gorgias.


UNE PHILOSOPHIE DE LA RÉMUNÉRATION UNIQUE CHEZ ALAN


Alan n'a pas peur de bousculer les codes de la rem en tech. Exit les packages négociés et la course au plus offrant : l'entreprise a développé un système unique, basé sur la simplicité et le collectif. Une approche d'autant plus remarquable que le business model d'Alan, centré sur la complémentaire santé, génère de faibles marges.


Les principes fondateurs


Pour comprendre le système de rémunération d'Alan, il faut d'abord saisir les convictions fortes qui le sous-tendent. Une philosophie construite dès le départ par les fondateurs et les premiers employés.


  • La simplicité avant tout : Alan refuse la complexification inutile. Pourquoi créer des systèmes alambiqués quand on peut faire simple ? Cette volonté de simplification va à contre-courant des pratiques du secteur, mais elle permet une meilleure lisibilité et équité pour tous.

  • Une transparence radicale : la transparence chez Alan atteint un niveau rarement vu en entreprise. Rien n'est caché, tout est accessible. Cette approche crée un climat de confiance unique, même si elle génère parfois du stress car "il y a des choses qu'on aimerait moins savoir parfois".


L'accent sur le collectif : Alan refuse tout ce qui pourrait encourager les comportements individualistes. "On met vraiment l'accent sur le collectif et la mission collective, pour inciter au faire ensemble", explique Maxime. La réussite doit être partagée, pas individuelle.


Le système de rémunération Alan en pratique


Cette philosophie se traduit par un système concret qui a fait ses preuves malgré la forte croissance. Comme le souligne Maxime : "Il y a eu très peu d'itérations sur cette manière de payer sur les quatre dernières années parce qu'aujourd'hui notre système est assez robuste et a fait l'épreuve du scale".


  • Des salaires transparents et publics


La transparence radicale chez Alan va bien au-delà d'une simple communication des salaires. Chaque Alaner peut accéder non seulement aux rémunérations de tous ses collègues, mais aussi aux discussions stratégiques avec le board via un doc éditable. Cette transparence s'étend même aux discussions stratégiques de fin d'année, où les équipes ont accès au plan de l'année suivante, avec tous les scénarios envisagés, qu'ils soient positifs ou moins positifs. Même les réflexions sur l'évolution potentielle des grilles salariales sont partagées avec l'ensemble des équipes.


  • Une offre non négociable basée sur deux critères :


Le système repose sur une formule simple mais efficace. Chaque offre est calculée selon deux variables uniquement :

  • le niveau d'impact (noté de 1 à 10)

  • et l'expérience totale, tous secteurs confondus.

Pour l'expérience, Alan adopte une approche unique. Comme l'explique Maxime : "On peut envoyer une offre niveau 3 pour le service client à quelqu'un qui a 15 ans d'expérience et qui n'a jamais travaillé en service client. En étant cuisinier pendant 5-6 ans, il y a sans doute des choses qui sont transférables". Cette approche non négociable évite les discussions interminables et garantit une vraie équité entre collaborateurs.


  • L'absence totale de variable


Alan a fait un choix radical en supprimant toute forme de rémunération variable. Pas de bonus, pas de commission, même pour les profils commerciaux – ce qui peut sembler contre-intuitif dans le secteur.

Et pourtant, ce choix s'avère gagnant. Comme le note Maxime : "Une personne qui gagnait 60 plus 40K de variable avant, quand on leur propose 65 ou 70 de fixe, ils disent oui". Plus impressionnant encore : "la majorité d'entre eux qui se sont peut-être assis sur 20 000 euros de commission, en fait, sont encore là après 2-3 ans". Une preuve que la stabilité et le collectif peuvent l'emporter sur l'attrait immédiat du gain individuel.


  • Les BSPCE : l'actionnariat au service du collectif


Le système de BSPCE chez Alan n'est pas un simple avantage mais un véritable outil stratégique. Chaque collaborateur devient actionnaire de l'entreprise, ce qui permet d'aligner les intérêts individuels avec la réussite collective et de projeter les équipes sur le long terme.

Pour les high performers, Alan a même mis en place un système de "refreshers" : des BSPCE supplémentaires accordés après plusieurs cycles de très bonne performance. Une façon de récompenser l'excellence sans passer par du variable classique.


  • Une grille unique sans exception géographique


Alan applique la même grille de salaires dans tous ses pays d'implantation (France, Espagne, Belgique). Pas d'ajustement au coût de la vie local, pas de différence Paris/province, pas de coefficient géographique.

Ce choix audacieux crée des défis, notamment en Espagne où "il y a des jobs et des métiers qui sont vraiment bien moins payés qu'en France, comme les jobs en service client". Mais les bénéfices de cohérence et de simplicité compensent largement ces complications.


  • Priorité aux motivations intrinsèques :


Alan refuse consciemment la course à la surenchère salariale, un choix en partie dicté par son business model : "Notre business, c'est un business de complémentaire et d'assurance santé où les marges sont extrêmement réduites".

L'entreprise mise plutôt sur des motivations plus profondes :

  • L'autonomie sur son scope

  • L'apprentissage permanent au contact de collègues impressionnants

  • Une mission qui fait sens

  • Des responsabilités croissantes

  • Le droit à l'échec


  • L'Experience Update : valoriser automatiquement l'ancienneté


Le dernier pilier du système est une augmentation automatique pour chaque année passée chez Alan. Ce mécanisme reconnaît que l'expérience accumulée augmente naturellement l'impact d'un collaborateur, tout en évitant les frustrations liées aux augmentations arbitraires.

Paradoxalement, ce système est parfois victime de son succès : "Après trois, quatre ans chez Alan, on observe que les gens ont totalement oublié qu'ils ont été augmentés de 7, 8, 9% en cumulatif". C'est d'ailleurs un des points que l'entreprise réfléchit à faire évoluer.


ATTIRER LES TOP TALENTS : AU-DELÀ DU LEVIER SALARIAL


En regardant les chiffres, l'équation semble impossible : comment Alan arrive à attirer les meilleurs profils du marché avec des salaires volontairement bridés ? Comme l'explique Maxime : "notre challenge tous les jours, c'est d'aller chercher les personnes dans le top 10 avec un salaire qui est dans le top 30 ou top 40".


Une approche brutalement honnête du recrutement


Alan n'essaie pas de vendre du rêve. Au contraire ! "On donne aux gens plein d'opportunités de fuir Alan", affirme Maxime. Une approche contre-intuitive qui se traduit par :

  • Une communication cash sur la réalité du job : "nos contenus disent c'est super mais aussi regarde toutes les zones d'ombre et tout le côté face de la pièce"

  • Un processus de sélection volontairement exigeant : "on a plusieurs étapes de recrutement, on en a cinq parfois six pour limite décourager les gens"

  • Aucun enjolivement de la réalité : "il y a très peu de différences entre ce qu'on raconte à l'extérieur et la réalité de ce que c'est que travailler chez Alan"

Cette transparence radicale porte ses fruits : les candidats qui rejoignent l'entreprise le font pour les bonnes raisons, même si cela implique parfois un pay cut.


Les dangers de la surenchère salariale


Alan a tiré des leçons des effets pervers observés chez d'autres acteurs lié au fait de sur-payer :

  • Le syndrome belge : "Ce qui me frappe avec le marché belge, c'est que les boîtes tech ne sont pas du tout sexy, les gens n'ont pas envie de travailler dans les boîtes tech". Le talent pool pour un petit pays étant beaucoup plus restreint, les gens préfèrent aller dans de grandes entreprises, qui les sur-payent pour les garder. Mais à force de surpayer, les entreprises créent des environnements où "les gens n'ont plus l'habitude d'être challengés". Bref, confort maximum, innovation minimum


  • Le paradoxe Google : Malgré des salaires parmi les plus élevés du marché, "quand on demande la satisfaction des Googlers sur leur paye, seuls 54% d'entre eux ont déclaré être satisfaits". Un exemple parfait de la déconnexion qui s'installe avec des rémunérations trop généreuses. "Certains Googlers sont dans un placard doré sans s'en rendre compte", note Maxime, citant l'anecdote de la "tireuse à Prosecco" (ils se plaignaient qu’elle avait été retirée - un drame…) qui montre comment les priorités peuvent dévier avec trop d'argent.


  • Le piège de l'employabilité : Les hauts salaires peuvent devenir une cage dorée. Maxime alerte : "À trop jouer à ce jeu-là, en fait, l'employeur détruit l'employabilité de la personne à la fin". Les personnes surpayées se retrouvent coincées, incapables de retrouver ailleurs des conditions équivalentes.


  • Un positionnement salarial qui cible les bons profils

Alan a choisi de positionner ses salaires de manière très précise : au top 30-40 du marché, soit environ au 60e percentile. Ce positionnement, légèrement au-dessus de la médiane du marché, permet à Alan de :

  • Rester compétitif pour attirer des profils de haut niveau (dans le top 10)

  • Maintenir un modèle économique viable malgré des marges faibles

  • Éviter le piège de la surenchère salariale.

L'entreprise attire ainsi des profils très spécifiques. Selon Maxime : "On attire un certain type de personnes, des gens très curieux, des gens ambitieux, des gens qui ont envie d'apprendre, des gens qui aiment travailler dur. Ces patterns-là, ce sont souvent des gens qui coûtent un peu plus cher et c'est surtout des gens que tout le monde s'arrache".

L'entreprise parie sur le fait que les vrais talents choisiront Alan malgré des offres plus alléchantes ailleurs : "Comme mon driver à moi, c'est la croissance personnelle, l'ownership, ou peut-être même la curiosité de travailler chez Alan, je vais quand même choisir Alan".

Cette stratégie fonctionne : beaucoup de candidats acceptent même de baisser leur salaire pour rejoindre l'aventure. Pour Maxime, c'est la preuve que leur approche attire les bonnes personnes pour les bonnes raisons. D'ailleurs, quand des Alaners partent pour un meilleur salaire ailleurs, l'entreprise voit ça comme un signal positif : ils n’étaient pas là pour le projet, mais plutôt pour l'argent.


FAIRE ÉVOLUER LE SYSTÈME : DÉFIS ET PERSPECTIVES


Si le système de rémunération d'Alan a prouvé sa robustesse, il nécessite tout de même une surveillance constante et des ajustements réguliers. Pour Maxime, l'objectif n'est pas d'optimiser en permanence (ils ne sont pas du tout dans cet état d’esprit), mais plutôt de s'assurer que "le système n'est pas cassé".


Le monitoring via 4 indicateurs clés


Pour mesurer la santé de leur système de rem, Alan suit chaque trimestre 4 KPIs précis :

  • Le taux d'acceptation des offres : l'objectif est d'atteindre 90% d'offres acceptées

  • Le positionnement par rapport aux attentes des candidats : combien d'offres dépassent le salaire demandé au screening

  • Le nombre de refus liés à la compensation : via leur ATS, ils analysent les raisons exactes qui les ont poussés à arrêter le process

  • Les signaux du marché : retours des RH, professionnels de la rémunération, et discussions avec des CFO.

Ces indicateurs sont publiés chaque trimestre à tous les Alaners, dans un souci de transparence totale.


Une approche collaborative des ajustements


Alan a mis en place un cycle annuel d'évaluation de sa grille.

Au Q3, ils font un bilan complet :

  • Analyse des 4 derniers trimestres d'indicateurs

  • Évaluation des besoins d'ajustement

  • Discussion ouverte avec tous les employés

Les décisions peuvent porter sur :

  • Des changements de structure ou de grille

  • Des ajustements de la rémunération de départ

  • Des modifications des ratios d'augmentation entre niveaux

Pour Maxime, c'est l'occasion "d'associer vraiment l'Alaner à cette décision en rendant public les discussions". Les collaborateurs comprennent ainsi "l'impact d'une augmentation de 1-2% pour tel et tel niveau" et ses conséquences sur le business plan (par exemple, s’ils augmentent les salaires, peut-être qu'ils vont recruter moins. S’ils recrutent moins, peut-être vont-ils moins facilement atteindre leurs objectifs. Ils seront peut-être moins profitables).


Les challenges géographiques et contextuels


La grille unique d'Alan fait face à plusieurs défis majeurs :


  • Le premier défi est d'ordre macro-économique : la grille candidat n'a pas vraiment bougé depuis quatre ans, malgré l'inflation, l'augmentation des revenus minimums dans trois pays. Une situation qui pose question, même si le système n'est pas encore "cassé".

  • S'ajoutent à cela des défis spécifiques par pays :


  • En Espagne, des écarts marqués selon les métiers : "il y a des jobs et des métiers qui sont vraiment bien moins payés qu'en France, comme les jobs en service client, et à l'inverse, des jobs sur lesquels on pense que les boîtes tech espagnoles payent mieux que les boîtes françaises, comme les postes de développeurs". A priori, les entreprises tech espagnoles préfèrent sur-payer leurs développeurs plutôt que de les perdre, et pour compenser, réduisent les salaires dans des métiers moins stratégiques comme le service client.

  • En Belgique, une contrainte légale unique : "le gouvernement belge peut décider d'indexer automatiquement tous les salaires du pays" pour compenser l’inflation. Un vrai challenge pour maintenir la cohérence de la grille !


Les pistes d'évolution à l'étude


Après 4 ans sans changement majeur, Alan réfléchit à plusieurs évolutions possibles :

  • Un mix salaire/equity plus flexible : "On pourrait imaginer demain qu'il n'y ait pas qu'une seule offre pour un niveau, mais trois offres, avec des mix salariaux et equity un peu différents". Par exemple :

  • Une offre conservative : 80% salaire, 20% equity

  • Une offre plus risquée : 50% salaire, 50% equity

  • Une révision de l'Experience Update : "Aujourd'hui, les gens ont totalement oublié qu'ils ont été augmentés de façon automatique". D'où une réflexion sur :

  • La pertinence des augmentations automatiques

  • D'autres façons de récompenser la fidélité, comme plus d'equity

  • Des salary boosts liés à la performance : "on pourrait se dire, lié à la performance d'une personne sur plusieurs cycles, elle pourrait collecter des points, et avoir une sorte de salary boost de 1, 2, 3%". Même si pour l'instant, Alan hésite car "pour nous c'est du variable déguisé". Pour le moment, ils récompensent les performances élevées par des refreshers, c’est-à-dire plus de BSPCE que la personne peut aller vester sur un certain nombre d'années.


Ces réflexions montrent qu'Alan continue d'interroger son système, tout en restant fidèle à ses principes fondateurs.


Vous pouvez contacter Maxime sur LinkedIn


Ressources recommandées par Maxime :


Outils recommandés par Maxime :


Pour découvrir les meilleures pratiques RH des plus belles Startups sans passer par la lecture de 100+ articles, accedez dès maintenant au Yaniro Wiki : CLIQUEZ ICI 








Comments


bottom of page