La vision RH, sans fard, du DRH de L'Oréal
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La vision RH, sans fard, du DRH de L'Oréal

  • Alexis & Philippe
  • il y a 3 heures
  • 11 min de lecture

Avec Jean-Claude Le Grand, Directeur des Relations Humaines chez L'Oréal



Jean-Claude Le Grand est le Directeur des Relations Humaines chez L'Oréal, leader mondial de la beauté, depuis 37 ans. Entré dans l'entreprise en 1995, il a gravi les échelons pour prendre les commandes des RH du groupe il y a 8 ans. Trente ans dans le même immeuble, comme il le dit : "pour moi c'était hier et c'était déjà il y a 30 ans."


L'Oréal, née en 1907, compte aujourd'hui 95 000 collaborateurs dans le monde. Le groupe s'est bâti sur une culture entrepreneuriale forte et des valeurs humaines solides qui ont permis de conquérir des marchés et d'innover continuellement.


Dans cet épisode exceptionnel du Human Factor de Yaniro, Jean-Claude nous livre sa vision des vraies tendances RH, la vision RH, sans fard, du DRH de l'Oréal, et ça peut décoiffer dans le petit monde des startups habituées de notre podcast...


Fini les concepts éphémères, place à ce qui fonctionne vraiment ! "La mode c'est ce qui se démode", lance Jean-Claude. Alors que beaucoup courent après la dernière tendance RH, lui préfère miser sur des fondamentaux solides. Plutôt que de céder aux effets d'annonce, il défend la diversité, investit massivement dans la formation et maintient une exigence managériale sans compromis. Une approche directe qui tranche avec certains discours convenus du monde RH actuel.


I. SE MÉFIER DES EFFETS DE MODE ET VISER LE LONG TERME


Jean-Claude pose d'emblée sa vision à contre-courant : être à la mode, c'est précisément ce qu'il faut éviter. À l'image des grandes marques de L'Oréal comme Lancôme, qui fête ses 90 ans cette année, il faut penser pérennité plutôt que tendance :

"C'est comme la mode de la rue. C'est une vieille phrase de Jean Cocteau : la mode c'est ce qui se démode. Donc faut faire attention de surtout pas être à la mode, rester intemporel."

Cette philosophie, il l'applique à toutes les tendances RH qu'il a vu défiler. Les Chief Happiness Officers ? Il n'y a jamais vraiment cru. Le full remote ? Une mode passagère à ses yeux, qu'il n'a jamais cautionnée.


  1. L'intemporalité au cœur du succès


Pour Jean-Claude, la vraie réussite ne tient pas à une victoire ponctuelle, mais à une excellence durable. L'Oréal est leader mondial de la beauté depuis 37 ans - un record qui s'explique par cette approche du temps long :

"C'est une chose de gagner une fois. L'idée n'est pas d'avoir un titre une fois, c'est d'en avoir 38 de suite. L'Oréal n'est pas né leader mondial, il l'est devenu à coup de conquête de part de marché, d'ouverture de nouveaux pays, de lancements réussis, d'innovations venant de nos laboratoires."

Cette vision du long terme imprègne toute sa conception des RH. Plutôt que de sauter sur la dernière tendance du moment, il préfère construire patiemment des fondations solides qui traverseront les années, voire les décennies.


  1. Le télétravail : oui, mais avec modération


Sur le télétravail, Jean-Claude a une position claire : la flexibilité a du bon, mais "pour travailler, il faut être ensemble et vouloir être ensemble." L'Oréal n'a pas attendu le Covid pour proposer des formules flexibles puisque le groupe avait mis en place des accords de télétravail dès 2012.


La crise sanitaire a simplement permis de rebattre les cartes. L'entreprise a opté pour un modèle 3 jours/2 jours, mais sans céder à tous les excès :

"Il y a déjà un an et demi, on a dit : ça ne sera pas tous les vendredis. Il ne faut pas non plus quand trop exagérer et tirer sur l'oreillette. Les AirPods, il faut les utiliser avec modération, le vendredi ils chauffent un peu trop... Le vendredi, on a aussi besoin des gens !"

Pour lui, l'idée que l'on puisse travailler efficacement sans les autres, derrière des écrans, avec les problèmes de connexion habituels ("je t'entends pas, je te vois pas, ça a coupé") - on a tous connu ça - ne tient simplement pas la route.


  1. La semaine de 4 jours : "démagogie appliquée au monde de l'entreprise"


Quand on évoque la semaine de 4 jours, Jean-Claude est tout aussi franc : pour lui, c'est de la "démagogie appliquée au monde de l'entreprise".

"Si l'idée c'est de dire aux gens : tu vas faire en 4 jours ce que tu devais faire en 5 ... On est piégé en France par un débat idéologique."


  1. Résister aux sirènes des raccourcis et des shortcuts


Cette vigilance face aux modes s'étend à toutes les sphères. Jean-Claude prend l’exemple de ce phénomène récent des applis de course à pied où certains utilisent des "lièvres" pour améliorer artificiellement leurs statistiques, ou encore l'utilisation de médicaments comme le Wegovy détourné pour maigrir… Pour lui, tous ces comportements reflètent une même tendance :

"C'est de la nature de l'homme, c'est d'aller à la facilité, c'est trouver des shortcuts pour éviter de faire un effort réel"


Cette philosophie traverse sa vision des RH : pas de solution miracle, pas de raccourci - juste un travail rigoureux et constant pour bâtir une organisation solide sur le long terme, capable de traverser les cycles et les modes.


II. DES PRIORITÉS RH NON-NÉGOCIABLES


Face à un monde incertain et en perpétuelle évolution, Jean-Claude a des convictions fortes sur ce qui compte vraiment en matière de RH. Au-delà des modes passagères, il défend des priorités qui ont fait leurs preuves et qui continuent de porter L'Oréal.


  1. La diversité : un pilier non négociable


La diversité n'est pas une simple case à cocher pour Jean-Claude, c'est une obsession et un levier stratégique essentiel : "Je suis obsédé par ça, parce que je pense que c'est très important pour une équipe, pour la société avec un grand S, et pas uniquement de mes petits, entre guillemets, intérêts particuliers."

Dans un contexte mondial incertain, il refuse de renoncer à cette valeur fondamentale :

"Personne ne sait la façon dont l'histoire va se terminer ou commencer, on voit bien que c'est hyper compliqué. Par contre, chacun d'entre nous peut décider de quel côté de l'histoire il veut être."

Pour lui, la diversité n'est pas qu'une question d'image ou de conformité à des normes externes. C'est un choix délibéré qui permet à L'Oréal de bénéficier d'une richesse de perspectives et d'éviter l'entre-soi :

"La diversité c'est une clé, une ouverture aux autres qui fait que tu ne fais pas que reproduire."

  1. La formation : un investissement stratégique massif


Pour Jean-Claude, la formation des collaborateurs représente un enjeu fondamental. Chez L'Oréal, cet engagement se traduit par un projet ambitieux de cartographie et développement des compétences :

"On vient de faire une révolution sur les compétences, qui a démarré il y a plusieurs années et il nous a fallu du temps pour le faire. Et aujourd'hui L'Oréal c'est 578 compétences identifiées pour 95 000 personnes."

Ce chantier monumental a nécessité un important travail d'alignement et de courage managérial. Au départ, comme dans beaucoup d'entreprises, chaque département voulait ses propres compétences spécifiques. Le travail a consisté à identifier les points communs et à structurer une vision cohérente :

"On a dit : non, les amis, on va pas en faire une pour 5 salariés, on va voir ce qu'on a en commun. Donc en gros on a 50% des compétences qui sont transverses, 50% qui sont propres à des métiers."


Cette approche s'accompagne d'investissements massifs :

  • 120 millions d'euros d'investissement en formation,

  • 100% des collaborateurs formés,

  • 35 heures en moyenne par collaborateur, soit "presque deux fois plus que les autres".

Jean-Claude s'inspire notamment d'expériences passées qui l'ont marqué. Il cite par exemple l'opération "1000 pour 1000" menée par Merlin Gérin (aujourd'hui chez Schneider Electric) qui avait reconverti 1000 électromécaniciens en informaticiens alors qu'ils auraient pu se contenter de leur dire "désolé les petits amis, vous êtes dépassés'."


Pour lui, cette capacité d'adaptation et de réinvention est inscrite dans l'ADN de L'Oréal. Il évoque les usines du groupe, où les ouvriers sont passés d'un travail manuel répétitif à des postes de pilotes de chaîne grâce à la formation :

"Ils ne sont pas en train de visser des pots de crème L'Oréal Paris sur une chaîne, ils sont des pilotes de chaîne. Ils ont appris de la technologie, ils se sont complètement réinventés, et donc valorisés. On peut, oui et je vous le dis, tirer les gens vers le haut."


  1. La révolution des compétences à l'ère de l'IA


Face à l'explosion de l'intelligence artificielle, Jean-Claude considère que l'enjeu est avant tout humain. L'objectif n'est pas tant de développer la technologie que de permettre aux collaborateurs de l'apprivoiser :

"Plus tu développes de l'intelligence artificielle, plus il faut s'assurer que les gens sont prêts à absorber, comprendre la vague de l'intelligence artificielle, et pas de la redouter."

Cette conviction se traduit par un programme ambitieux : 44 000 personnes déjà formées à l'IA, avec un objectif de 60 000. Au lieu de laisser les collaborateurs craindre d'être remplacés ("ça y est je suis cuit, je suis dépassé, mon job est terminé"), L'Oréal mise sur leur capacité à intégrer ces nouvelles technologies dans leur travail quotidien.


Pour Jean-Claude, l'important n'est pas la technologie en elle-même, mais la façon dont elle est abordée : avec confiance plutôt qu'avec peur, comme une opportunité plutôt que comme une menace. Cette approche s'inscrit parfaitement dans sa vision à long terme, où l'humain reste au centre malgré toutes les évolutions technologiques.


III. L'EXCELLENCE MANAGÉRIALE À LA SAUCE L'ORÉAL


L'Oréal est réputée pour ses pratiques managériales exigeantes et la qualité de ses managers. Jean-Claude nous livre sa recette pour maintenir ce niveau d'excellence, avec une philosophie qui ne laisse pas de place à la médiocrité.


  1. L'exigence comme moteur : "fort avec les forts, faible avec les faibles"


Sa philosophie managériale est claire : "Ma politique c'est d'être fort avec les forts, faible avec les faibles." Plus on monte dans la hiérarchie, plus l'exigence est élevée, avec un focus sur les résultats et la performance. Contrairement à d'autres entreprises, chez L'Oréal, pas de "placard doré" pour les dirigeants :

"Il n'y a pas de petit truc où on fait tranquillement dodo parce qu'il y a un certain moment on a atteint une position, un niveau qui fait qu'on se sent totalement protégé, où serait hors du système."


Cette exigence se traduit notamment par un renouvellement significatif au sein des équipes dirigeantes : sur 300 dirigeants clés, 90 ont quitté L'Oréal ces cinq dernières années !

Attention, cette exigence ne signifie pas brutalité. Jean-Claude insiste sur l'importance de l'élégance dans la gestion des départs : "Tu peux aussi être élégant dans la façon d'aider des gens, ou à partir dans de bonnes conditions à la retraite, ou à se réinventer."


  1. Le courage managérial : une denrée rare


Pour Jean-Claude, le véritable défi du management est le courage - une qualité qui "ne s'achète ni sur Amazon ni sur Temu…"


Ce courage consiste à dire les choses, à faire des feedbacks directs mais sans humilier : "Il faut faire des feedbacks puissants, dire les choses aux gens sans les humilier. Tu n’es pas obligé de les humilier, tu n’es pas obligé de te dire : Tu es nul."


Il s'oppose à la tendance du "tout va bien madame la marquise" et à la culture du petit train-train.

Pour lui, l'exigence, c'est "rêver grand, c'est se dépasser soi-même, c'est de se fixer des objectifs beaucoup plus ambitieux que le petit train-train."

  1. La vision du travail : intensité et passion comme moteurs


Jean-Claude défend une vision du travail qui demande de l'intensité et de l'investissement. "Souvent je dis : je travaille à l'ancienne, c'est-à-dire que je travaille !" Pour lui, dans la vie professionnelle, il faut "beaucoup travailler et pour beaucoup travailler, il faut faire les choses avec patience."


Il n'encourage pas pour autant le présentéisme vide de sens. Au contraire, il recommande à ceux qui n'ont pas envie de s'investir de changer tout simplement de travail.


La philosophie est claire : trouver ce pour quoi on est fait pour pouvoir s'y investir pleinement, avec passion. Plutôt que d'attendre le vendredi ou de gagner au Loto pour dire à son boss qu'on se barre, mieux vaut chercher un job qui nous fait vibrer.

"Moi je viens tous les jours, je m'éclate, et les gens disent maintenant : oui, c'est parce que tu es le patron. Mais pas du tout. Je m'éclatais tout autant quand je l'étais pas."


  1. Aider chacun à trouver sa place et rester passionné


Comment maintenir cette exigence tout en gardant des équipes motivées ? Jean-Claude mise sur la mobilité interne et le développement des talents. Chez L'Oréal, on réalise "des milliers de mobilités tous les ans" et on donne "le plus possible sa chance aux gens".

Il défend une approche qui laisse le temps aux collaborateurs de faire leurs preuves : "Je dis toujours : il faut revenir. Tu lances une idée, un projet, faut donner aux gens 2 ans avant de revenir pour dire : il ou elle a échoué, ou réussi'."


Cette vision repose sur une conviction forte : chacun est bon à quelque chose, il faut juste l'aider à le trouver. Jean-Claude raconte comment sa propre approche du recrutement a évolué :

"Il y a très longtemps j'essayais de juger ou d'évaluer, pour jauger, pour dire : bon, pas bon, bien... c'est fini. Je fais plus ça. Je dis à quoi les gens peuvent être bons."


Plutôt que de chercher des candidats parfaits, il s'attache à identifier ce à quoi chaque personne peut exceller, que ce soit chez L'Oréal ou ailleurs : "Je suis tellement persuadé qu'on est bon à quelque chose, la question c'est quel chemin on prend pour le trouver."


  1. L'importance de la culture d'entreprise


Fort de son expérience personnelle avec un père qui n'aimait pas son travail et une mère passionnée par le sien, Jean-Claude insiste sur l'importance de trouver un métier qui nous passionne :

"Ce qui les passionne, c'est la chance qu'ils ont de s'exprimer. Tu peux être beaucoup plus passionné par la culture de l'entreprise, par une aventure en commun, par les valeurs, que nécessairement par la tâche en elle-même."


Pour lui, les conditions de travail et la culture d'entreprise sont essentielles pour permettre cette passion. Chez L'Oréal, cela passe par "cette idée de la liberté d'être toi-même, la liberté de dire non, la liberté d'avoir ta propre personnalité et pas d'être mis dans un petit moule où tout le monde se ressemble."


La métaphore sportive revient souvent dans son discours. Il compare L'Oréal à un club de football en Ligue des Champions : "Tout le monde n'est pas fait pour jouer au Real Madrid" Si ce niveau d'exigence ne convient pas, "pas de problème, va faire autre chose."


Ce n'est pas une question d'élitisme, mais de clarté sur les attentes : pour jouer en Ligue des Champions, il faut accepter le rythme et l'intensité que cela implique. Et comme en sport, l'important n'est pas seulement d'arriver au sommet, mais d'y rester : "C'est déjà dur d'atteindre ses objectifs, mais c'est encore plus dur de les reproduire."


Que retenir de la vision RH, sans fard, du DRH de L'Oréal ?


À l'heure où beaucoup courent après les dernières tendances RH, Jean-Claude nous rappelle l'importance de revenir aux fondamentaux. Plutôt que de chercher la solution miracle dans le full remote, la semaine de 4 jours ou le dernier gadget RH à la mode, pourquoi ne pas investir dans ce qui a fait ses preuves : la diversité, la formation et l'exigence managériale ?


Son message est un appel à l'action pour tous les professionnels RH : osez ramer à contre-courant quand c'est nécessaire, investissez dans le développement à long terme de vos équipes, et cultivez le courage managérial. N'ayez pas peur de l'exigence, mais veillez à l'exercer avec élégance.


Et si votre entreprise n'a pas les moyens d'un géant comme L'Oréal, rappelez-vous que beaucoup de ces principes sont applicables quelle que soit votre taille. La passion, la diversité des profils et le développement des compétences ne sont pas l'apanage des grands groupes - ils sont à la portée de toutes les organisations qui décident d'en faire une priorité.

Alors, êtes-vous prêt à jouer en Ligue des Champions ?


Vous pouvez contacter Jean-Claude sur LinkedIn


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