Avec THE Julien COULON, founder de CEDEXIS, viré par ses actionnaires, devenu investisseur...
Julien Coulon, founder de Cedexis, est une star au pays des entrepreneurs. En 2009, il lance Cedexis, concurrent d'Akamai, son précédent employeur, en mieux. En 2018, Cedexis passe sous le contrôle de Citrix pour 100 millions. La reprise vire au cauchemar avec les nouveaux investisseurs... Julien claque la porte, auto-viré par ses VC's. Il a déjà raconté tout cela ici dans My Own Leadership de Yaniro (épisode 08 : Exit à 100 millions avant, pendant, après : Cedexis). Il revient ici pour nous parler people, RH, humain… et nous donner ses conseils précieux.
PARCOURS DE JULIEN COULON
En 1992, il démarre son premier site internet, puis création des premières applications, conception, création, hébergement de sites internets…
Ensuite pendant 9 mois, il fait son service militaire, détaché à France Télécom à New York sur des fusions-acquisitions ;
Puis il a co-lancé une start-up qui s'appelait Langage Virtuel et qui faisait de la vidéo synchronisée avec des slides. Elle a été revendue à Genesys Conferencing ;
En 2002, il a travaillé au lancement d'Akamai en Europe du Sud (une boîte américaine par excellence), qu’ils ont fait passer de 100000 à 35 millions d'euros en 7 ans.
En 2009, il co-fonde Cedexis, le stéréotype de la start-up en hypercroissance, qui se définit comme l'aiguilleur du net, le Waze de l'Internet, dans un environnement très cloud, infrastructure etc. Mais en termes RH, c’était une vraie famille pour Julien. L’entreprise a été revendue à Citrix en 2018 pour 100 millions d’euros. Avec Citrix ça s’est bien passé pendant la période de vente, mais pas avec les investisseurs. Il n’a donc pas souhaité rester et s’est alors “auto-licencié”.
N’ayant pas le droit de travailler pendant un an, et étant autodidacte (avec un peu ce syndrome de l’imposteur), il a décidé de faire un Executive MBA à HEC. L’annonce de la vente finale de Cedexis ayant eu lieu pendant un cours, on lui a demandé de raconter l’histoire de Cedexis.
C’était tellement riche en enseignements qu’on lui a demandé de devenir intervenant vacataire à HEC sur des sujets d’entrepreneurship. À l’époque, l’entraide entre entrepreneurs était moins présente qu’aujourd’hui, on trouvait moins de podcasts, de conseils sur internet permettant d'avoir une vue différente des problématiques. Il a donc essayé de créer des conférences sur sa vie d'entrepreneur, pour éviter que d'autres entrepreneurs fassent les mêmes erreurs que lui.
Il a voulu pousser encore plus loin son aide aux entrepreneurs, et a donc décidé de passer du côté des investisseurs en prenant la direction générale du Crédit Mutuel et du CIC sur tous les investissements start-up. Il avait 250 millions à déployer, et sa mission était de “secouer le cocotier sans rentrer dans le moule”. Ils ont fait de très beaux investissements comme AB Tasty, Planity…
Puis le Covid est arrivé, et donc le télétravail… Pour continuer à travailler, il a mis en place les outils nécessaires (il a créé un CRM, des channels Slack, des WhatsApp, des drives pour récupérer les bonnes informations, etc). Cela permettait de travailler, selon les cas, soit en intelligence collective avec ses collègues, soit en one to one par tchat. Mais à la reprise en présentiel en fin de Covid, l’informatique de la banque lui a dit qu’il n’avait pas le droit de travailler avec ces outils, qui lui facilitaient pourtant beaucoup le travail, et devait se servir uniquement d’Excel et Skype Entreprise. Pour Julien, ce n’était plus possible de revenir comme cela en arrière, il se sentait redevenir médiocre et ça ne correspondait plus au sens de sa mission… Il a donc préféré laisser la main à quelqu’un d’autre, avec un an de transition pour terminer les accompagnements avec ses entrepreneurs.
Avec toute cette expérience acquise, il avait envie de continuer à aider d'autres entrepreneurs, et il a donc co-fondé très récemment un fonds d'investissement qui s’appelle OVNI (seed et pré-seed, donc early stage), très techno dans son fonctionnement. Leur premier investissement a été fait dans la start-up Axeptio (gestion des cookies) avec un accompagnement très fort au service de l’entrepreneur (en bénéficiant d’une base de contacts extrêmement riche et à jour), qui leur a déjà permis de faire un multiple très significatif.
SES PLUS GRANDES ERREURS
Dans tout ce parcours, quel est l'apprentissage people / RH / management / humain qui a été le plus “vaccinant”, ou sur lequel il s’est fait peur, ou s’est complètement planté, et qu’il aimerait transmettre à tous les entrepreneurs qui montent un projet ? Julien en voit deux, un côté perso et un côté pro :
Côté perso : en parler et être d’accord avec sa compagne / son compagnon
Il existe une statistique effrayante : 70% des entrepreneurs divorcent, alors que la moyenne en France est de 44,6%.
Et c’est logique, car la création d’entreprise a un impact phénoménal, potentiellement destructeur, sur la vie perso : on la ramène à la maison, on dort avec elle, on regarde son téléphone portable plutôt que son ou sa conjoint(e), on pense à son entreprise même sous la douche…
Donc quand quelqu’un vient demander à Julien des conseils pour monter son entreprise, la première chose qu’il demande avant tout, c’est :
Est-ce que tu as demandé à ton compagnon / ta compagne / ta femme / ton mari, est est-ce qu’il ou elle est d’accord ?
Si non, tu vas rentrer dans le phénomène des 3D : Dépression - Divorce - Dépôt de bilan…
Pour cela, il faut vraiment avoir une discussion en toute transparence avec son ou sa conjoint(e), et recevoir une vraie autorisation de sa part, car son soutien sera très précieux. Il ne faut pas essayer d’enjoliver les choses, mais montrer les aspects négatifs :
Pas de salaires pendant X mois ou années,
Dormir parfois 4h au lieu de 8h par nuit, ce qui immanquablement aura des répercussions sur l'humeur (irascibilité…),
Être plus souvent absent, donc moins voir les enfants, avoir une logistique au cordeau à la maison, etc.
Les implications sont donc importantes, et il faut bien avoir conscience que même si on ne le veut pas, l’entreprise va passer devant la famille. Et que les personnes de la start-up vont aussi faire partie de la famille, il va falloir s’en occuper… Au moment de la vente de Cedexis, Julien considère qu’il avait une famille de 75 personnes ! Et même aujourd’hui, il a toujours des nouvelles de ses Cedexis people.
Côté pro : respecter les règles fixées avec les équipes
Une fois, Julien n’a pas respecté les principes qu’il s’était fixés et qui étaient validés avec les équipes, et il s’en est mordu les doigts. Cela concerne le recrutement.
D’habitude, voilà comment se passait un recrutement chez Cedexis :
Le candidat rencontrait celui qui était en poste pour s'assurer que les compétences étaient au rendez-vous.
Ensuite, Julien voyait la personne pour vérifier la partie compétences également, mais aussi le salaire, les stock-options, et surtout il validait le fit avec la culture d'entreprise : est-ce que la personne est vraiment dans l'esprit d'une intelligence collective ? Pour aider à cela, Julien conseille vraiment la lecture du livre Reinventing Organizations de Frédéric Laloux.
En dernier lieu, il y avait un entretien de groupe avec l’ensemble des collaborateurs (donc potentiellement jusqu’à 20 personnes si c'était sur le bureau parisien), mais auquel Julien ne participait pas (donc sans la pression du big boss). Bien sûr, ça pouvait être angoissant pour le candidat, mais l'objectif était vraiment que le candidat et les personnes avec qui il allait travailler fassent connaissance, et de permettre aux équipes de lui poser toutes les questions qu’elles souhaitaient. À la fin, il y avait un vote à bulletin secret, ce qui permettait d’avoir des avis impartiaux, et la décision se prenait selon le résultat suivant :
0 vote contre : le candidat était embauché
1 vote contre : dans ces cas-là, cette personne devait lever la main et expliquer pourquoi elle déclinait le recrutement de cette personne-là avec des arguments, son ressenti.
2+ votes contre : le candidat n’était pas retenu (en application de la fameuse phrase : quand il y a un doute, il n’y a pas de doutes).
Lors de cet entretien, le personnel était responsable du bon accueil du candidat : personne n’oublie son ordinateur, petit déj’, goodies, puis déjeuner ensemble… Pourquoi ? Parce que pour une start-up en hypercroissance, l’intégration de la personne doit se faire le plus vite possible, il ne faut surtout pas perdre de temps. Une fois recrutée, la personne fait partie intégrante de l’équipe, de la famille. Tout cela se faisait assez naturellement. Cette méthode était certes chronophage au moment du recrutement, mais au final le turn-over était quasi nul.
Ce sont les rares fois où il a court-circuité cette dernière étape, sous pression des investisseurs aux US pour qu’il recrute rapidement, qu’il l’a regretté :
D’une part parce qu’il a pris la décision tout seul au lieu de compter sur l’intelligence collective ;
Et d’autre part parce que l'équipe ne l'accepte pas, le matériel informatique n’est pas prêt, il n’est donc pas intégré, et la greffe ne prend jamais.
Si c'était à refaire, jamais Julien ne referait cette erreur-là, qui lui a coûté très cher. Bien souvent, prendre des raccourcis ne permet pas au final de prendre 2 tours d’avance, mais plutôt d'en prendre 8 de retard…
LES PREMIERS CHANTIERS PEOPLE SI JULIEN LANÇAIT UNE NOUVELLE START-UP
Julien applique à OVNI, qui est quelque part une société en tant que telle, les règles qu’il fixe aux start-up qu'il accompagne :
Trouver le bon associé
Pour Julien, la première chose à faire est de trouver la bonne personne, celle qui sera complémentaire à ses lacunes. Donc il liste ses lacunes, et un peu comme un puzzle, il va essayer de trouver les pièces qui vont les compléter pour avoir quelque chose d'équilibré (il se sert d’ailleurs de tests de couleurs - test psys - du livre Reinventing Organizations pour savoir comment l’autre réfléchit, et ce qui sera important dans le futur fonctionnement).
Définir clairement les rôles et responsabilités de chacun
Il est important que les premiers associés s’entendent sur les rôles et responsabilités de chacun, de façon claire. Pour cela, Julien utilise la méthode suivante :
Il rédige sa propre fiche de poste, par rapport à ce qu’il imagine de son rôle dans l'entreprise, et il va également faire la fiche de poste de chacun de ses associés.
Et inversement, chacun des associés fait également la même chose.
Faire cela permet de tout mettre sur la table, et de voir où sont les trous dans la raquette. Ce sera une très bonne base de discussion pour s'assurer de bien comprendre qui gère quoi exactement : la compta, les relations avec les avocats, le churn, le support client, etc. Une fois que cela est défini, il faut faire confiance (la confiance n'évitant pas le contrôle).
S’aligner sur l’ambition
Pour s'aligner sur l'ambition, Julien va utiliser le petit jeu suivant : chaque associé va imaginer qu’un investisseur vient avec un chèque d’1 million, qu’est-ce qu’il ferait avec ? Même chose ensuite avec 2 millions, puis 10 / 30 / 50 et 100 millions.
Par exemple, si l’associé est un "jeune" de 25 ans, peut-être qu'il se dit qu’un million en banque, ça va lui changer la vie. Alors que pour quelqu’un qui a 42 ans (le meilleur âge pour créer une entreprise) et qui a une famille, pour lui l'ambition ce sera peut-être son projet de vie, de la reconnaissance sociale, la mise en bourse avec 50 millions, etc.
Pour bien démarrer et surtout pour durer, Julien estime qu’il est vraiment crucial de connaître les ambitions des uns et des autres. Car la première cause de décès des start-ups, c'est le désalignement entre fondateurs et la mésentente qui en résulte.
Donc quand Julien est au board ou quand il rencontre une des entreprises dans laquelle il a investi, sa première question c'est : qu'est-ce qui te réveille la nuit ? Parce que ce qui te réveille la nuit actuellement, c'est ce que j'aurai dans les PowerPoint dans six mois, donc résolvons ça tout de suite !
D’ailleurs, si un conflit d’associés arrive, et qu’il est nécessaire de couper une branche proprement, le premier réflexe peut être de le cacher aux actionnaires, en se disant : mais qu'est-ce qu'ils vont dire… Mais c’est une mauvaise idée, car c’est un scénario qu’ils connaissent bien : ils savent qu’un conflit d’associés peut tuer une start-up, ils seront donc plus sereins s’ils sont au courant et qu’ils peuvent lancer la procédure conflit d'associés. Le board est dans le même bateau, tout le monde a intérêt à ce que ça se passe bien. Car le fondateur qui doit sortir et qui pourrit l'image de l’entreprise sur le marché, c'est le pire qui puisse arriver à un fonds. Et puis ça démobilise, et donc le temps de démobilisation c'est du temps qui n’est pas passé avec les clients, avec les équipes, et qui va se payer après.
Favoriser la diversité
Julien est autodidacte. Lorsqu’il a fait ses tout premiers recrutements (une dizaine de personnes), il n’a recruté que des autodidactes, et ce, sans s’en rendre compte ! C’est un biais que les recruteurs et recruteuses connaissent bien, qui fait qu’on a tendance à choisir des gens qui nous ressemblent, pour tout un tas de raisons (on est plus à l’aise avec, etc).
C’est une très mauvaise idée, et Julien ne referait plus cette erreur. Pourquoi ? Parce qu’on crée une sorte de tour qui, à un moment donné, commence à se déstabiliser parce qu’elle a les mêmes qualités à certains endroits et les mêmes défauts à d'autres endroits. L’entreprise prenait de l’ampleur, les clients étaient contents, mais il voyait bien qu'ils manquaient d'analytique, d’un angle de vision globale, et ça devenait de plus en plus en plus difficile. Pour faire quelques analogies, on ne peut pas faire une équipe de foot avec 11 gardiens de but, ou faire un puzzle avec 30 fois la même pièce…
Concrètement, par exemple, un autodidacte sales est souvent extrêmement bon sur le terrain car il a une très forte faculté d'adaptation. Mais si on lui demande d’analyser une situation et de rédiger un rapport, il risque d’être assez mauvais. Par contre, ce sera tout l’inverse pour un sales qui sort d’une école : il va avoir un esprit de synthèse extrêmement performant, mais il ne sera pas très bon sur le terrain.
Finalement, Julien a commencé à recruter d’autres profils, le premier étant un stagiaire qui était HEC et ingénieur. Et en fait, au lieu de créer une pile de compétences, ils ont commencé à construire un puzzle, avec des profils qui s'emboîtent et qui s'associent bien. Là un autre challenge est apparu : les autodidactes sont des gens qui ont souvent le syndrome de l’imposteur, et ils ont un peu peur d’être pris de haut par les personnes qui ont fait plein d'études. Julien a été très vigilant et surveillait cela de très près.
À un moment donné, il faut donc construire la diversité, une diversité de profils, de connaissances, de compétences, et faire en sorte qu’ils travaillent bien ensemble pour avoir une entreprise qui fonctionne bien. Comment y arriver ? Voici plusieurs pistes :
Avoir un process de recrutement bien rôdé
Avoir un process de recrutement qui est bien rodé, pour éviter le biais de recruter des clones.
Réunir les gens pour aligner la culture
Dans le cas de Cedexis, ils se sont très rapidement développés à l'international, ils avaient donc des collaborateurs de différentes nationalités, et l'objectif c'était d'arriver à garder cette culture partout dans le monde. Julien a résolu cela en transformant l'entité de Paris - qui était l'entité initiale - en université. Donc tous les employés y venaient pour y passer 1 ou 2 mois, et y revenaient régulièrement. Ils pouvaient continuer leur job à Paris, et Julien passait du temps avec eux, à les emmener en rendez-vous, etc. Cela permettait d’aligner la culture. Par exemple, le côté condescendant envers les clients était inacceptable.
Favoriser l’entraide dans les équipes
Pour mettre de l'huile dans les rouages, créer une fluidité dans les équipes, Julien avait créé quelque chose qui fonctionnait très bien. Pour prendre l’exemple des commerciaux, 70% de leurs commissions étaient des commissions d'équipe. L’efficacité était extraordinaire, car dès que quelqu’un avait une bonne idée ou testé des nouveautés, il le partageait directement. Et si une personne rencontrait une difficulté, professionnelle mais aussi personnelle, les autres l'aidaient. Il avait donc réussi à mettre en place une alchimie d’entraide, un système d'ailleurs repris par ceux qui sont partis et ont monté leur propre entreprise. C’est une manière d'avoir des objectifs d'équipe, et “force” les gens à travailler en équipe.
Tendre vers la parité hommes / femmes
Concernant la parité hommes / femmes, c’était un challenge car Cedexis est une entreprise très technique. Julien est quand même parvenu à trouver cet équilibre à un moment, mais dès qu'ils ont vraiment accéléré, il n’a plus réussi à trouver autant de femmes que d’hommes. Au final, l’entreprise comprenait 75 hommes et 25 femmes.
Donner du sens à ce que l’on fait
Avoir une culture d'organisation qui est forte, et donner du sens à ce que l’on fait permet de s’assurer - typiquement avec les entretiens de culture fit - qu’un autodidacte et un polytechnicien auront envie de travailler ensemble, et vont accepter les mêmes règles de vie à bord.
Par exemple, si on reprend le concept de base de Cedexis, c’est d'injecter des données temps réel dans un système pour en sortir des décisions en temps réel. Dit comme cela, ce n’est pas très attirant… Mais si on se concentre sur les conséquences, cela devient tout de suite plus motivant : si grâce à cela on accélère des sites d'information, et du coup en Afrique les pages s’affichent en 4 secondes au lieu de 4 minutes, cela peut changer la vie des gens : ils peuvent mieux comprendre leur quotidien, réfléchir, ce qui va soutenir l'enseignement aux enfants, et au final aller vers plus de démocratie.
L’autre avantage de donner du sens, c’est que dans les moments de creux (car dans toutes les start-ups il y a ce que Julien appelle l'écart type entre l'euphorie et la dépression, c'est-à-dire des moments où ça va super bien et des moments où c’est vraiment la galère, et parfois dans un espace-temps extrêmement réduit) :
au lieu de se dire : ah c'est galère, on va en baver…
ils ont des mantras, des petites phrases qui sont presque la marque de fabrique de l’entreprise, voire parfois de l'autodérision, par exemple : on n'est pas en galère, on va de toute façon en ressortir, et en fait on est en train de se créer de futurs souvenirs !
Par exemple, Julien se souvient d’un salon à Amsterdam, très fatigant, où il réunissait des collaborateurs de différents pays. Pour créer l’union entre les équipes et cette culture, il réservait des Airbnb assez grands pour mélanger des personnes de Singapour, d'Israël, de New York, Paris… Cela avait différents avantages, notamment ils pouvaient se réveiller les uns les autres à cause des décalages horaires, et le soir après être sortis, ils devaient rentrer ensemble car Julien ne laissait qu’une seule clé !
LES ERREURS QUI SE RÉPÈTENT CHEZ LES PRIMO-ENTREPRENEURS
Il y a certaines grandes erreurs que répètent les primo-entrepreneurs, mais que les serial entrepreneurs font beaucoup moins, parce qu’ils ont eu le temps d'essuyer les plâtres !
Être séduit par son premier client
En termes business, la principale erreur au début, c'est d'être séduit par son premier client qui va vous emmener dans une direction qui n’est pas celle que vous aviez prévue à l’origine.
Car c'est facile au début quand on est entrepreneur de surévaluer l'impact qu'a un peu de CA. Mais souvent c’est du court terme et il vaut mieux se concentrer à construire quelque chose sur le long cours.
Négliger la culture et l’ambiance d’entreprise
Sur la partie humaine, pour Julien le premier point d’attention c'est la culture, l'ambiance d'entreprise, c'est ce côté créer un puzzle pour que les gens arrivent à s'emboîter. Il faut s’assurer que la culture soit bien transmise, que les gens comprennent bien le cap fixé, et désamorcer tous les désaccords entre les équipes. Car si on laisse passer une petite accroche + une petite accroche + une petite accroche… on peut vite se retrouver avec des gens qui switchent divas. Et Julien n’a jamais réussi à faire redescendre une diva, la seule solution a été le licenciement, ce qui est dommage.
Julien était au board d’une start-up qui s’appelle AB Tasty, qu’il admirait pour son ambiance d’entreprise et sa faculté à recruter plus facilement que les autres. Cela s’explique par le fait qu'ils ont mis en place une Chief Culture Officer (quelque chose qui n'existait jusqu’à présent qu’aux États-Unis) qui dépendait directement des fondateurs et non pas des RH. Cette personne était sur tous les Slacks et tous les outils de communication de l’entreprise, et son objectif était de s'assurer que tout le monde avait bien compris le cap qui avait été défini par la direction, avait la bonne information, et de désamorcer tous les désaccords entre les équipes.
Ils ont également utilisé un outil qui s’appelle Briq, où chacun possède quelques briqs, une sorte de monnaie virtuelle qui coûte 72 centimes d'euros la brique. Et à chaque fois que quelqu'un aide une autre personne, la dépanne, il peut la récompenser avec plusieurs briqs. À la fin, ces briqs deviennent une cagnotte pour pouvoir organiser un événement d'équipe. Par exemple, certaines équipes ont cumulé suffisamment de briqs pour aller voir leurs collègues en Allemagne. Même si ça peut paraître au premier abord un peu superflu ou hypocrite, c'est aussi une façon de mettre en avant ceux qui aident le plus les autres, et en fait cela crée une spirale positive de gens qui vont aider les autres.
Pour Julien, le fait que tous les collaborateurs d’AB Tasty aient vraiment la pêche et un état d’esprit très positif est vraiment important. En tant que membre du board, il sait que les fondamentaux de cette start-up qui a d’abord misé sur l’humain sont solides, même si à un moment elle performe un peu moins.
Pour les plus grandes organisations, il existe désormais des façons d'identifier les zones à problèmes qui peuvent avoir un coût collatéral important, grâce à de la data : absences, départs, manager qui ne fait pas le job, etc. Et notamment, la toute nouvelle start-up Mensana qui s'appuie sur la data pour pouvoir identifier dans une grande organisation les zones qui peuvent être améliorées, comment faire de l'intelligence collective entre plusieurs zones, et ensuite demander à des coachs d'accompagner cette amélioration.
Donc construire une culture forte et solide, même si au début cela consomme du temps et de l’argent, à long terme c’est une stratégie gagnante qui payera des dividendes pendant très longtemps.
Customer first ? Non ! L’équipe d’abord
Julien n’est vraiment pas d’accord avec l’injonction du customer first ; bien sûr c’est lui qui fait vivre l’entreprise, mais pour Julien, la priorité c’est vraiment l’équipe. Si l'équipe est heureuse, le reste va se dérouler naturellement, y compris la relation client. Julien peut citer 2 exemples qui illustrent cela :
Chez Cedexis, ils ont eu une grosse panne il y a quelques années qui a duré 1h10, un black-out total du système de routage qui a fait que des millions de sites ne marchaient plus, y compris de grands groupes de presse. L’origine de la panne était liée à 2 concurrents asiatiques qui se sont hackés l’un l’autre, et on fait tomber toute la plateforme, un scénario que n’avait absolument pas anticipé Julien… Or dans leur SLA (Service Level Agreement), ils garantissaient à tous leurs clients 100% de disponibilité, et du fait de la panne, ils devaient 2 mois de facturation à 100% des clients, ce qui aurait pu être fatal à la start-up. Mais grâce à l’équipe qui était heureuse, alignée, passionnée, proche des clients, rodée et entraînée à réagir en cas de panne - côté technique et côté relation clients - il n'a eu aucune demande d'avoir ! Cet évènement a été la plus belle satisfaction de Julien sur l'approche du client et la philosophie de l'équipe.
Julien aménage depuis plusieurs années un très grand lieu dédié à l'organisation de mariages dans le sud de la France. Pour lui, l’équipe dont il faut prendre soin, ce sont les traiteurs, car la réussite du mariage repose en grande partie sur leur prestation. Ils ont une belle salle de traiteur, une chambre froide, leur propre parking… mais Julien leur a demandé : qu'est-ce que je peux faire de plus pour que vous soyez heureux ? Leur réponse était qu’ils rêvaient d’avoir une douche. Comme ils courent toute la journée, parfois sous de grosses chaleurs, ils apprécient de pouvoir se doucher et se changer avant le service du soir, ce qui est aussi bien sûr plus agréable pour les clients. Julien s’est donc débrouillé pour déplacer un mur et leur construire cette douche.
Ceux qui ont lancé l’entreprise ne sont pas ceux qui la maintiennent ? Si !
On dit souvent, en particulier dans les scale-ups : ceux qui ont lancé ne sont pas ceux qui maintiennent. Il voit souvent des investisseurs qui entrent au capital en tour B ou autre, et qui disent qu’il est temps de scaler, partir sur l'international, d’accélérer sur les US par exemple. Et pour cela, ils tordent le bras du fondateur initial, mais pour Julien c’est une grosse erreur. Car ce faisant, ils démotivent tout particulièrement tous ceux qui ont tout monté depuis le début, qui ont la boîte dans leur sang, qui en sont imprégnés et qui connaissent tous les tenants et les aboutissants, toutes les subtilités de l’entreprise.
Le résultat de cette méthode à l'américaine (embaucher quelqu'un à un prix extrêmement important et lui donner des tonnes de stock-options) est très décevant dans 90% des cas : non seulement les équipes françaises sont démotivées, mais la croissance qui était prévue n’est pas du tout là. Finalement, c’est la tête de la personne de qui était aux US qui finit par être coupée, mais il y eu un an de perdu, et une dynamique d’expansion qui a été coupée.
LE MOT DE LA FIN
L’important à retenir, c’est que plus les gens seront heureux dans une entreprise, plus ils seront efficaces et plus ils rapporteront aussi du bonheur à la maison. Il faut apaiser un petit peu toute cette pression sociale que tout le monde se met, cette hypercompétitivité entre les gens, alors que l'intelligence collective est dix fois plus efficace et dix fois plus épanouissante.
Vous pouvez contacter Julien sur Linkedin ou par téléphone au 06 07 13 68 56
Site web d’OVNI : https://ovni.vc
Ressources recommandées par Julien :
Le livre Reinventing Organizations de Frédéric Laloux, qui existe aussi en BD ou en livre audio.
Le livre On m’avait dit que c’était impossible de Jean-Baptiste Rudelle
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