Avec Marine Faibis, Head of Schools chez Maria School
Marine Faibis est une des spécialistes de la transition environnementale. Elle nous partage ses do's et ses dosn't.
Marine Faibis est Head of Schools chez Maria Schools, en charge spécifiquement d'Indigo, l'école dédiée à l'apprentissage de toutes les composantes de la RSE.
Au départ, soucieuse de créer une offre de marché qui réponde à une demande et à un besoin, qui ne soit pas trop généraliste mais au contraire très concrète, Marine a d'abord décidé de se concentrer sur les aspects environnementaux de la RSE, un angle qui lui permet de proposer des formations axées sur l'action et pouvant être appliquées concrètement dans la vie au quotidien des collaborateurs.
POURQUOI TRAVAILLER SA TRANSITION ENVIRONNEMENTALE ?
En tant qu’entreprise type start-up / scale-up, pourquoi est-ce important de s'engager dans la transition environnementale, que ce soit d'un point de vue macro, systémique (c’est-à-dire pour la société en général) ou d'un point de vue plus micro (à savoir les personnes qui composent l’entreprise) ?
Marine voit plusieurs raisons :
1- Une raison scientifique : la hausse des températures mondiales est indéniable et scientifiquement prouvée, il y a donc urgence pour passer à l'action et éviter des conséquences graves. Si l’objectif de Marine trouve bien sûr ses racines dans ces faits scientifiques, il ne se situe pas à ce niveau-là, car d’innombrables ressources pédagogiques sont disponibles sur ce sujet. Son objectif est plutôt de faire comprendre aux entreprises qu'aujourd'hui, elles n’ont plus le choix ! Ce n’est plus une question d’envie, de positionnement… Non, il faut s'y mettre, et ce, pour les raisons qui suivent :
2- Une raison réglementaire : la réglementation évolue rapidement : pour l’instant, dans l'Union européenne, ce sont surtout les entreprises de plus de 500 salariés qui sont concernées, mais demain de plus en plus d'entreprises seront soumises à des exigences environnementales. Pour Marine, il faut donc anticiper dès maintenant pour ne pas se retrouver sur le carreau. D’ailleurs, la plupart des entreprises sont déjà indirectement concernées, car quand elles travaillent avec des grands groupes, par exemple en tant que fournisseurs, et doivent respecter les mêmes règles environnementales que ces grandes entreprises. Alexis ajoute que les incentives, la mise en place de règles obligatoires sont malheureusement nécessaires pour impulser tout changement ; on le sait, la nature humaine fait que le simple bon vouloir des individus n’est pas suffisant.
3- Une raison de communication et de marque employeur : les entreprises doivent répondre aux attentes des consommateurs, mais aussi améliorer leur image en adoptant des pratiques environnementales responsables.
4- Une raison économique : on l’a constaté avec la crise du Covid, avec la guerre en Ukraine, il y a des choses qu’on ne contrôle pas et qui ont un impact énorme sur le business, en particulier les coûts de l’énergie. Marine invite les entreprises à se poser cette question toute simple mais très importante : dans un contexte de changements environnementaux, de hausse du coût de l’énergie, est-ce que mon business peut encore exister en 2030 ? Si elles ne réfléchissent pas à leur transition environnementale en se posant cette question, il y a un souci…
5- Une raison de financement : de plus en plus de critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance) sont pris en compte lors de la recherche de financement. Demain, cela deviendra absolument obligatoire d'avoir une politique RSE et de pouvoir le prouver avec de la data.
6- Une raison de recrutement : Alexis ajoute aussi que les jeunes générations sont de plus en plus sensibles aux valeurs environnementales des entreprises, cela devient un critère souvent essentiel dans leurs choix. L’impact sur le recrutement et la rétention des talents est donc important, surtout dans un contexte de pénurie de talents.
LES DO'S POUR RÉUSSIR SA TRANSITION ENVIRONNEMENTALE
Quels sont les do's, les choses à faire dans le cadre de la transition environnementale des entreprises ? Marine voit essentiellement 3 points importants :
Premier do : Impliquer la direction / les fondateurs / le board dans cette transition environnementale
Pour Marine, impliquer la direction / les fondateurs / le board dans cette transition environnementale est la condition sine qua none sans quoi rien ne peut se faire. C’est d’autant plus vrai dans une entreprise type start-up ou scale-up, où l’impact des fondateurs est énorme (en bon ou en mauvais d’ailleurs).
Ceci étant, que les fondateurs soient sensibles ou non à la transition environnementale, comme évoqué précédemment, la question n’est plus là : aujourd'hui, pour recruter, pour faire de la croissance, pour réduire ses coûts, les fondateurs sont obligés d'y aller. Il y a un véritable enjeu à ce que le comité de direction capte et tilte vraiment qu’ils n’ont désormais plus le choix.
L'exemple le plus parlant pour elle, c’est l'entreprise agroalimentaire Bel, où le CIO (Chief Impact Officer) était non seulement responsable de la finance, mais également de la RSE. Cela a constitué un véritable tournant vers le changement, car une même personne avait désormais une vue harmonisée sur tous les impacts pour l'entreprise sur ces deux sujets-là.
Concrètement, Marine voit deux façons de mobiliser, faire réagir un comité de direction :
1- Poser la question du futur de l'entreprise, et embarquer les gens dans une réflexion : il s’agit de répondre à la question posée précédemment : est-ce que mon business peut continuer en 2030 ? Et si non, pourquoi ? Engager cette réflexion sur la pérennité de l’entreprise à long terme peut conduire à la prise de conscience qu'un changement de modèle est vraiment nécessaire. C’est une réflexion qui a lieu par exemple chez Décathlon : leur modèle d’aujourd'hui, à savoir faire du volume à très bas prix, sera difficilement tenable vers 2030, avec un coût du transport et des matières premières qui augmentent. Ils réfléchissent donc à une nouvelle stratégie, qui soit peut-être sur de la seconde main, sur de la location, etc.
2- Recruter quelqu'un du comité de direction pour porter ces enjeux : cette personne sera là pour rappeler l'importance des enjeux environnementaux, et porter ces sujets-là tout le temps dans les décisions stratégiques de l’entreprise.
Deuxième do : Piloter l'entreprise avec des indicateurs financiers liés à la transition écologique
Ensuite, une des étapes importantes selon Marine, c’est de piloter l'entreprise en utilisant des indicateurs financiers qui sont liés à la transition écologique. Elle y voit 2 intérêts :
Cela permet de diriger l'entreprise vers cette nouvelle vision environnementale,
mais aussi de rendre les impacts environnementaux concrets pour tous les employés. En effet, quand on fait une conversion en euros (ou en bilan carbone), des impacts de son métier, ou des choix pris par la direction, l’impact est énorme en termes de pédagogie.
Chez Payfit, ils ont décidé par exemple de mesurer, et donc de rendre visible, le bilan carbone de chaque décision budgétaire pour 2023. Cette approche permet, pour chaque direction, de prendre conscience de l’impact carbone de ses décisions, et à quel point elles pèsent dans la balance du bilan carbone de l’entreprise. Cela donne une variable supplémentaire pour arbitrer entre différentes options.
Par exemple, on peut se rendre compte que le bilan carbone d'une campagne publicitaire avec des vidéos sur internet est supérieur à celui d'une campagne d'affichage dans le métro.
Une autre manière de faire consiste également à piloter avec des indicateurs classiques - comme la rentabilité - mais en rendant visibles les coûts indirects liés à au manque de compliance environnementale. Par exemple, pour les RH, le coût de la perte de candidats parce que l’entreprise n’est compliant avec les souhaits des candidats. Ou Payfit, qui envoie un formulaire à ses partenaires / fournisseurs / prestataires pour savoir ce qu’ils font pour l'environnement : une entreprise peut donc perdre un partenaire si elle n’est pas compliant en termes de transition environnementale, ce qui induita des coûts supplémentaires.
Troisième do : Faire un diagnostic pour mesurer l'impact environnemental actuel de l'entreprise
Pour Marine, la base c’est de faire un diagnostic pour mesurer l'impact environnemental actuel de l'entreprise. Elle recommande 3 diagnostics fondamentaux qui sont couramment utilisés dans les start-ups / scale-ups :
Le bilan carbone ;
L'Analyse de Cycle de Vie (ACV) ;
Et le cadre pour devenir certifié B-Corp.
Cela permet ensuite de mettre en place une stratégie, car on ne peut améliorer que ce qui est mesuré.
LES DONT'S
Quelles sont les erreurs à éviter afin de ne pas rater la transition écologique au sein de son entreprise ? Marine a identifié 3 don’ts importants :
Premier don’t : Penser que la Fresque du Climat suffit pour embarquer tous les collaborateurs
La Fresque du Climat est un excellent outil très connu en entreprise, mais elle ne suffit pas à elle seule pour embarquer tous les collaborateurs. En effet, elle vise principalement à sensibiliser les gens aux problèmes environnementaux, à leur faire prendre conscience des enjeux actuels de manière générale, mais elle ne fournit pas de solutions spécifiques.
Si les fondateurs en restent à la Fresque du Climat, et communiquent uniquement là-dessus en termes de transition environnementale, cela revient à du greenwashing - ce qui est à éviter absolument… Pour vraiment avoir un impact et réussir sa transition écologique, il ne faut pas se contenter de cocher les cases, la Fresque du Climat n’est qu’un outil au milieu d'autres actions pour servir ce but.
Pour Marine, il est essentiel de compléter la sensibilisation par des formations métiers : il s’agit d’identifier les problématiques concrètes des collaborateurs, et voir comment ils peuvent intégrer des pratiques durables dans leur quotidien au travail. C'est ainsi que l'entreprise va vraiment pouvoir changer de modèle et au final changer les choses.
Ces formations métiers peuvent se faire :
soit en collaborant avec des prestataires externes qui proposent des formations adaptées à chaque métier de l'entreprise (marketing, achat, digital, finance…) pour leur montrer comment faire autrement - c’est ce qu’ils font chez Indigo ;
soit en développant des programmes de formation internes, type MOOC, universités, ou cours en interne.
Dans tous les cas, cela doit rester impérativement dans le concret : il ne s’agit pas de décrire en une phrase qu’en théorie, par exemple, un acheteur responsable c’est comme ci ou comme ça. Non, il faut reprendre chacun de ses gestes, et voir comment faire autrement sur chacun de ces gestes, c’est comme cela qu’il va devenir un acheteur augmenté.
Deuxième don’t : Ne pas sous-estimer le temps humain nécessaire pour gérer sa transition environnementale
Pour Marine, c’est vraiment important de ne pas sous-estimer le temps humain nécessaire pour manager la transition environnementale de l'entreprise, ou penser qu'un expert pour faire le bilan carbone et piloter tout cela suffit.
La transition environnementale exige la collecte de beaucoup de data :
Il faut donc aller voir beaucoup de directions pour récupérer l'information, et c'est du temps dédié à ça.
Et cela nécessite que dans les directions métiers, les gens aient envie de le faire, qu'ils soient impliqués, qu’ils aient compris l'intérêt, le pourquoi, l’importance de s’améliorer.
Et que du coup, transmettre cette data soit intégré dans leur quotidien.
Par exemple, chez ManoMano, ils ont des personnes qui sont chefs d'orchestre de la RSE et de la transition de l’entreprise, mais également d'autres personnes dédiées dans les directions métiers. Notamment, ils ont nommé un responsable de la transition numérique, dont le job est de faire en sorte qu'il y ait une transition environnementale qui se passe pour l'ensemble de l'équipe numérique, pour mettre en place la stratégie, et il arrive vraiment ainsi à changer les choses et avoir un impact sur l'équipe et sur le métier.
On peut faire le parallèle la transition environnementale à la transition numérique d’il y a quelques années. Les entreprises qui ont réussi leur virage numérique sont celles qui avaient à la fois une direction générale qui était très embarquée sur le sujet, et une équipe dédiée. C’est finalement l’implication générale de toute l'entreprise, avec une intégration de ces changements dans leur culture et dans leur manière de travailler au quotidien, qui leur a permis de réussir cette transition.
Troisième don’t : Eviter le greenwashing
Répétons-le : il faut absolument éviter le greenwashing… Beaucoup d’entreprises pensent bien faire en communiquant sur ce qu’elles font en faveur de l’environnement, et ne sont pas dans l’idée de manipuler les consommateurs, mais elles font quand même du greenwashing. Et à l’heure actuelle, notamment avec les réseaux sociaux, le retour de flammes peut être douloureux…
Aujourd'hui, les règles ont un peu changé, ce sont des sujets sensibles, et on communique différemment. On ne peut plus se valoriser simplement parce qu'on a fait une bonne action, il faut aller plus loin :
la règle, c'est l'humilité et la transparence vis-à-vis de ses parties prenantes.
Par exemple, la start-up Vestiaire Collective, lors du Black Friday (le Better Friday chez eux), a lancé une campagne avec pour objectif de retirer la fast fashion de leur catalogue. Au lieu de prétendre avoir déjà toutes les réponses, ils ont créé un débat, ils ont exposé leurs souhaits, les questions qu’ils se posaient, et demandé : qu’en pensez-vous, comment on pourrait faire pour atteindre cet objectif ?
Cette approche de la transparence et de la co-création avec les consommateurs, mais aussi de la même manière avec les fournisseurs, est considérée comme la nouvelle norme dans les relations de travail et de communication d'entreprise. D’ailleurs, quand Payfit transmet à ses partenaires le petit questionnaire sur les actions environnementales, ce n’est pas dans le but de les bloquer s’ils ne cochent pas toutes les cases, mais pour les aider à s'améliorer, et avoir plaisir à travailler ensemble avec des convictions communes. C’est cela, pour Marine, la nouvelle relation de travail de demain.
Cela va dans le sens d'une tendance qu'on voit de plus en plus, qui est celle du Build in Public, où les entreprises partagent publiquement leurs processus de construction et leurs défis, mettant ainsi au premier plan leurs valeurs de transparence, de discussion ouverte et d’humilité.
C'EST QUOI MARIA SCHOOLS ?
une entreprise qui a été créée en 2016. Maria Schools - dont le nom est un hommage à Maria Montessori et à la pédagogie qu’elle a développée - est un campus de 4 écoles qui forme les professionnels aux métiers de demain :
La première école, Lion, est l'école de l’ère entrepreneuriale : elle se concentre sur la formation à l'entrepreneuriat et à l'esprit d'entreprise, à être entreprenant - c’est-à-dire l'apprentissage des nouveaux outils, des nouveaux codes et des compétences nécessaires dans le monde des start-ups pour être agile dans son métier.
La deuxième école, Maestro, est un bootcamp spécialisé dans la formation des futurs Product Managers.
La troisième, Hiro, est l’école du storytelling.
Enfin, la dernière école, Indigo, est axée sur la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) et vise à intégrer la responsabilité dans son métier.
Marine a rejoint Maria Schools il y a un peu plus d'un an pour monter cette dernière école, Indigo. Après des études en école de commerce, Marine a travaillé chez Theodo comme VP of Sales, puis elle a été responsable du développement au Pass Culture (un dispositif du gouvernement pour démocratiser la culture et les pratiques culturelles chez les jeunes). Elle a eu envie ensuite de monter sa propre école, et c'est finalement la rencontre avec les fondatrices de Maria Schools, Agnès Alazard et Annabelle Bignon qui lui a permis de concrétiser ce projet au sein de leur campus.
Indigo, l'école de la responsabilité, aborde une thématique qui est très large. Marine n’ayant pas de parcours dans la RSE, elle s’est posé la question suivante en arrivant :
Comment faire pour avoir de l'impact et respecter des valeurs qui sont très fortes pour moi, à savoir être tournée vers l'action, être très pragmatique, et accompagner les collaborateurs à avoir un impact positif ?
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Vous pouvez retrouver Marine sur Linkedin
Site web de Maria Schools : https://www.mariaschools.com/
et de l’école Indigo : https://www.joinindigo.co/
Ressources recommandées par Marine :
le livre The Five Dysfunctions of a Team de Patrick Lencioni
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