Comment l'IA va changer la RH et le monde du travail
- Alexis et Philippe
- il y a 12 minutes
- 17 min de lecture
Avec Paul Courtaud, cofondateur et CEO de Neobrain

Paul Courtaud est le cofondateur et CEO de Neobrain, une entreprise qu'il a lancée il y a 7 ans et qui a développé une suite logicielle de gestion des talents dopée à l'IA.
Passionné d'entrepreneuriat, Paul n'en est pas à son coup d'essai ! À seulement 16 ans, il avait déjà créé une première boîte pour aider les jeunes à trouver leur voie, qu'il a ensuite revendue au magazine L'Étudiant. C'est en observant les entreprises du Fortune 500, où une boîte sur deux disparaît en 20 ans, qu'il a compris l'enjeu majeur : la capacité à "redéployer la bonne compétence au bon endroit au bon moment".
Avec 140 collaborateurs, 23 millions d'euros levés, une présence dans 5 pays et pas moins d'un million de salariés qui utilisent sa plateforme chaque mois, l'entreprise a récemment franchi le cap de la rentabilité.
Dans cet épisode du podcast du Human Factor de Yaniro, Paul nous explique comment l'IA va changer la RH et le monde du travail ?
Pourquoi est-ce un sujet ultra-important aujourd’hui ? Parce que les RH sont au cœur d'un double défi : ils doivent à la fois intégrer l'IA dans leurs propres pratiques ET accompagner toute l'entreprise dans cette révolution. Comme l'explique Paul :
"L'équipe RH est particulièrement sous le feu des projecteurs. On est un peu comme au démarrage du Covid, quand les départements RH ont d'un coup rentré au COMEX. Là, on est à nouveau sur cette question de se dire finalement, comment on va gérer les ressources humaines, et de l'autre côté, comment on va gérer les ressources IA."
Entre les discours catastrophistes style "chômage à 100%" et les visions utopiques sur l'IA, Paul apporte une vision pragmatique. Il nous embarque dans un véritable tour d'horizon : impact réel sur les jobs, état des lieux de l'adoption en entreprise, et surtout, stratégies pratiques pour les RH qui se demandent "mais concrètement, je fais quoi avec tout ça ?!"
I. L'IA ET SON IMPACT SUR L'EMPLOI ET LES COMPÉTENCES
L'intelligence artificielle bouleverse les codes du travail à une vitesse sans précédent. Mais au-delà des gros titres alarmistes ou des promesses miraculeuses, que sait-on vraiment de son impact concret sur nos métiers ? Paul propose de sortir des fantasmes et d'examiner la réalité de terrain.
1. État des lieux de l'impact de l'IA sur les métiers
Les limites des prévisions en matière d'évolution des métiers
Pour comprendre l'impact de l'IA, Paul propose d'abord de regarder comment les précédentes innovations ont transformé le travail. Déjà, un premier constat : 80% des métiers actuels n'existaient pas il y a 60 ans. Les métiers évoluent donc très rapidement, mais pas forcément comme on l'avait prédit.
"Parmi ces 80% de métiers qui ont émergé, combien étaient prédits finalement par ces études : très peu. En revanche, ceux qui ont disparu étaient assez bien identifiés par ces études prospectives."
Conclusion : nous sommes assez bons pour identifier les métiers qui vont disparaître, mais bien moins habiles pour prédire ceux qui vont émerger.
Les 4 scénarios d'impact sur les métiers
Pour mieux appréhender cette incertitude, Paul a classé les métiers en 4 catégories en fonction de l’impact qu’aura l’IA sur ces métiers :
Les métiers menacés : certaines professions sont clairement en danger, comme "des métiers de comptable, par exemple, des métiers d'assistants juridiques".
Les métiers complétés : une grande partie des emplois verront l'IA prendre en charge "généralement de 10 à 30% des tâches", permettant aux humains de se concentrer sur d'autres aspects du travail.
Les métiers protégés : les professions nécessitant beaucoup d'interactions humaines comme "des métiers de psychiatre, les métiers pour les RH, toute la partie affaires sociales, où il y a beaucoup de négociations, où il y a beaucoup de nuances humaines" resteront relativement à l'abri.
Les métiers créés : de nouvelles professions émergent déjà, comme "Prompt Engineer" ou "éthiciens de l'IA". Ceci dit, leur pérennité reste à prouver.
Mais… prudence sur les prédictions trop hâtives : "il y a 5-10 ans, on disait que les gestionnaires de paye, finalement, c'est un métier qui va disparaître. La réalité, c'est qu'on a dit ça très tôt, la technologie a mis un peu plus de temps que ce qu'on imaginait, et du coup, on se retrouve à ne plus pouvoir recruter des gestionnaires de paye, ça devient un métier en tension."
2. Les huit critères déterminants pour évaluer la vulnérabilité d'un métier
Après l'analyse de "plusieurs dizaines de millions d'offres d'emploi", Neobrain a identifié huit critères clés qui permettent d'évaluer dans quelle mesure un métier risque d'être impacté par l'IA :
La complexité de la tâche : "les tâches les plus sophistiquées restent des actions qui nécessitent l'intervention d'humains"
Le niveau d'expertise requis : plus une tâche demande d'expertise, moins elle est facilement automatisable ;
L'impact réglementaire : la réglementation protège certains métiers, comme l'explique Paul avec l'exemple d'une grande banque française : "une erreur dans un contrat, et ça peut être une crise financière qu'on génère, donc on est obligé de rester sur des templates avec des listes déroulantes de cases à cocher" ;
Le besoin de créativité : les métiers créatifs sont moins menacés, à l'image du "métier de carreleur" qui a été élu en 2024 comme ayant "le plus faible risque d'automatisation !" ;
L'intensité de l'interaction humaine : les métiers à forte composante relationnelle sont davantage protégés ;
Le volume de données à traiter : "le cerveau humain reste très compétitif pour prendre des décisions avec peu d'informations" ;
Le risque lié à une erreur : comme le souligne Paul, "un contrôleur aérien dans une tour, est-ce qu'on laisserait une IA le choix de faire atterrir deux avions au même moment ?" ;
La dimension physique de la tâche : jusqu'à présent, les tâches physiques étaient relativement protégées, bien que Paul note que "2025 sera l'année dans laquelle on intègre maintenant l'IA assez légère, embarquée dans des robots", ce qui pourrait changer la donne..
3. Les compétences "future-proof" pour l'ère de l'IA
Si certains métiers sont plus ou moins vulnérables, Paul identifie des compétences qui, elles, resteront durablement valorisées. Il s'appuie sur le framework des "4 C" proposé par Jeremy Lamri de Tomorrow Theory :
"Ce sont la créativité, l'esprit critique, la coopération et la communication. Et ces 4 compétences sont les 4 compétences clés du XXIe siècle."
Pour Paul, il est important de faire la distinction entre tâches et compétences : "On n'automatise pas vraiment des compétences, on automatise des tâches, par contre on acquiert des compétences". C'est pourquoi développer ces quatre compétences fondamentales est une stratégie gagnante pour rester pertinent dans un marché du travail en constante évolution.
Le développement de ces compétences "dès l'école - en fait, le plus tôt possible" permettra de préparer les générations futures à un monde dans lequel "les gens ne se sentiront pas décalés face à l'IA".
4. La valorisation du travail humain dans un monde d'IA
Paul évoque également un phénomène intéressant concernant la perception des créations par l'IA versus celles des humains, suite à une conversation récente avec une réalisatrice de film : l'IA, malgré ses capacités, reste prévisible :
"L'IA reste assez prévisible, ce qui diminue l'émotion. Donc, déjà, quand tu sais qu'une IA a réalisé quelque chose, ton niveau d'émotion baisse parce que ça devient prévisible, tu t'attends à ce qui va se passer."
Cette caractéristique pourrait donc valoriser davantage le travail humain :
"Aujourd'hui, dans le monde de la photo, par exemple, on est obligé de rajouter un petit texte en bas de la photo en disant : cette image a été réalisée avec l'IA. C'est devenu une obligation. Je pense que dans 3-4 ans, on verra des tampons à l'inverse dire : ce travail a été réalisé par un humain. Et ce sera survalorisé."
Par ailleurs, les études montrent que la familiarité avec l'IA réduit considérablement les craintes qu'elle suscite. Les personnes qui utilisent déjà l'IA au quotidien ont "16 fois plus tendance à dire que l'IA va augmenter leur métier, le compléter, plutôt que justement le détruire et le remplacer".
Conclusion : "il y a plus de chances qu'on soit remplacé par quelqu'un qui maîtrisera l'IA que par l'IA elle-même."
II. L'ADOPTION DE L'IA DANS LES ENTREPRISES : ÉTAT DES LIEUX ET DYNAMIQUES EN COURS EN 2025
Après avoir posé le cadre de l'impact de l'IA sur les métiers, Paul nous livre un état des lieux précis de la façon dont les entreprises s'emparent concrètement de cette technologie : Où en sont-elles vraiment aujourd'hui, en avril 2025 ? Quels sont les cas d'usage qui émergent ? Et surtout, comment cette adoption progresse-t-elle ?
1. Les trois vagues d'adoption de l'IA en entreprise
Pour comprendre où nous en sommes dans l'intégration de l'IA au sein des organisations, Paul décrit un processus qui se déroule en trois grandes vagues distinctes :
Première vague : l'initiative individuelle des salariés
La première porte d'entrée de l'IA en entreprise s'avère être... les collaborateurs eux-mêmes ! Et ce phénomène est massif :
"8 cas d'usage sur 10 quand même en entreprise aujourd'hui sont toujours - et c'est une constante depuis deux ans - réalisés par les salariés à l'insu de leur employeur."
Dans cette phase, l'utilisation reste principalement centrée sur l'optimisation des tâches individuelles :
"Le cas d'usage numéro un, c'est un salarié qui a envie de regagner quelques soirées ou un week-end, qui va faire re-rédiger un email par chatGPT, qui va faire synthétiser un compte-rendu d'entretien ou de réunion."
L'analyse par Microsoft sur les conversations des salariés avec Copilot (le chatGPT d'entreprise) confirme cette tendance : la majorité des questions concernent des "sujets de bureautique simple, de résumé de texte, d'explication, de traduction".
Et ça marche : les salariés gagnent du temps ! "En moyenne le salarié avec cette première vague gagne en moyenne 30 minutes par jour", soit environ "10 minutes par interaction avec une IA". Ce temps récupéré leur permet de réduire leur charge mentale.
Deuxième vague : l'appropriation par l'entreprise
Deuxième étape : c’est quand l'entreprise commence à s'emparer officiellement de l'IA et à construire des cas d'usage structurés autour de deux objectifs principaux :
Soit "optimiser sa production", c'est-à-dire "faire autant avec moins et plus efficace, améliorer la qualité"
Soit "apporter une meilleure expérience pour ses clients, créer plus de revenus"
Troisième vague : l'intégration client
La phase la plus avancée, que Paul considère comme la plus intéressante mais où moins de 1% des entreprises y sont parvenues à l'heure actuelle, est celle où l'IA devient un élément central impliquant à la fois les salariés, l'entreprise et les clients.
À ce stade, l'IA s'intègre directement dans les produits et services, générant de nouveaux revenus. Paul cite l'exemple de LegalPlace, une scale-up française qui aide à créer des entreprises et qui a intégré "l'IA générative sur du support et sur différents services", ce qui leur a "amené du revenu supplémentaire et un meilleur service pour leurs clients".
État actuel de l'adoption
Où en sommes-nous globalement ? Selon les études que cite Paul, seulement "35% des entreprises, et 26% en France" ont intégré au moins une forme d'IA sur un cas d'usage. Plus frappant encore, "deux tiers ne l'ont fait que dans les 12 mois qui se sont écoulés", ce qui montre à quel point ce phénomène est récent.

2. Les principaux cas d'usage actuels
Quand les entreprises franchissent le pas, sur quels domaines se concentrent-elles ? Paul identifie un top 3 des cas d'usage principaux :
Sans surprise, le service client arrive largement en tête avec "64% des cas d'usage". Cette prédominance s'explique facilement : l'IA permet d'"apporter un service constant, en qualité constante, disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, à ses clients". Elle permet aussi d'éviter "la fatigue du service client qui, au bout de la 15e fois qu'on me demande si mon colis est perdu, bon, tu as un peu de fatigue à la fin".
Le domaine juridique arrive en seconde position avec "43%" des cas d'usage, qui s'explique par le fait que "les premières IA génératives étaient douées pour générer du texte".
Enfin, le marketing complète ce podium, avec des applications variées allant de "la rédaction de posts sur des réseaux sociaux" à "la création de visuels", en passant par "la recherche marché".
3. De l'IA générative à l'IA agentique : un nouveau paradigme
Actuellement, une évolution majeure transforme le paysage de l'IA en entreprise : le passage de l'IA générative à l'IA agentique.
L'IA générative : production de contenu
Née en novembre 2022 avec l'explosion de ChatGPT, l'IA générative a permis de "générer du texte, des images ou des vidéos" à partir de nos demandes. C'était la première grande vague qui a révolutionné notre façon d'interagir avec les outils numériques.
L'IA agentique : passage à l'action
Mais depuis environ 4 mois, on est rentré dans une nouvelle ère de l'IA - l'ère de l'IA “agentique” (du mot “agent”) : "Agent parce qu'on commence à créer des IA capables de réaliser des actions concrètes dans notre monde."
Un exemple parlant : "je vais demander à l'IA de lire tous mes mails le matin, de les classer, puis de me rédiger une première proposition de réponse, et les enregistrer dans ma boîte d'envoi pour que je puisse les traiter." L'IA devient ainsi capable "d'agir concrètement sur mon ordinateur" : là, on franchit une étape décisive dans son intégration à nos environnements de travail.
C’est un tournant majeur qui va probablement accélérer et amplifier les transformations déjà en cours dans les entreprises. Pour Paul, il est essentiel de comprendre cette évolution pour anticiper les prochaines étapes de l'adoption de l'IA.
En parallèle, les modèles évoluent rapidement : "c'est comme si on avait une nouvelle version d'un cerveau plus puissant chaque semaine", ce qui rend le paysage de l'IA particulièrement dynamique.
III. LE RÔLE DES RH FACE À L'IA : STRATÉGIES ET OUTILS PRATIQUES
Maintenant, attaquons-nous à la question qui préoccupe tous les professionnels RH : que faire concrètement face à cette vague technologique ? Comment se positionner et quels outils utiliser ?
1. Se familiariser avec l'IA : une démarche progressive et indispensable
Pour Paul, il n'y a pas de secret : la première étape, fondamentale et incontournable, est de s'approprier personnellement l’IA. Et pour ce faire, voici quelques conseils pratiques :
Pratiquer soi-même pour comprendre
"La première étape, c'est de l'utiliser le plus possible, soi-même en tant que professionnel". Pourquoi ? Parce que "ce sera beaucoup plus simple d'expliquer, d'acculturer, de donner une direction, de savoir ranger l'outil dans la bonne case, si on le maîtrise suffisamment".
Cette immersion personnelle est d'autant plus importante qu'elle permet de dépasser les premières appréhensions. Paul cite une étude intéressante : "de 0 à 50 de conversation avec ChatGPT, la santé mentale se dégrade parce que les gens en démarrage ne comprennent pas comment l'outil fonctionne et se comparent aux capacités de l'outil. Passé 50 conversations, la santé mentale s'améliore jusqu'à atteindre un niveau supérieur au point initial".
Concrètement, Paul recommande d’utiliser chatGPT au moins 5 à 10 fois par jour. Cela peut sembler beaucoup, mais il s'agit de développer un réflexe : "dès que je fais une tâche, je me dis comment est-ce que ChatGPT pourrait m'aider là-dessus ?"
Et n'hésitez pas à investir dans les versions payantes des outils d'IA : "Honnêtement ce n'est pas les 20 euros par mois qui vont changer la différence, par contre, si ça change votre carrière c'est important de le faire."
Mettre en place une veille efficace
Une fois qu'on a commencé à utiliser ces outils, l'étape suivante consiste à mettre en place une routine de veille pour rester informé des évolutions rapides dans ce domaine. Cette veille est importante car "chaque semaine, il y a vraiment des choses qui n'étaient pas possibles et qui le deviennent". Pour cela, vous pouvez :
Vous abonner à des newsletters qui synthétisent les grandes avancées : "Regardez au moins une fois par semaine une synthèse des grandes annonces qui ont lieu dans le monde de l'IA"
Suivre des comptes spécialisés sur les réseaux sociaux : "comme on passe de toute façon du temps dessus, autant regarder des choses intéressantes plutôt que des chats qui sautent d'un balcon à l'autre"
Libérer du temps grâce à l'IA pour se concentrer sur la stratégie
Paul insiste sur un point clé : l'IA doit d'abord être utilisée pour alléger la charge des RH, afin qu'ils puissent se concentrer sur des tâches plus stratégiques :
"Il faut libérer du temps aux RH. Ils sont surchargés, quand tu regardes toutes les études, la charge mentale des équipes RH, elle explose, parce que tous les problèmes de santé mentale qu'on a en entreprise - les RH sont aussi des salariés de cette entreprise - mais en plus ils récupèrent le poids des autres. Ce qui est important pour le RH, c'est de se libérer du temps pour être capable de prendre du recul et de réfléchir à ce qui va se passer."
Il recommande de commencer par des cas d'usage simples mais à fort impact, comme la formation : "créer des agents qui vont créer des parcours de formation, personnaliser ça pour les salariés, créer vos plans de formation automatiquement, piloter les budgets, reporter. Tout ça, les IA sont capables de le faire assez bien." Ces applications concrètes permettent non seulement de gagner du temps, mais aussi de monter progressivement en compétence sur le sujet.
2. Quelques exemples concrets d'utilisation de l’IA au quotidien par Paul
Pour rendre ces conseils plus concrets, Paul partage plusieurs exemples de la façon dont il utilise personnellement l'IA au quotidien, que ce soit pour du pro ou du perso :
DeepSearch pour maîtriser un sujet
Le premier usage qu'il décrit concerne la recherche avancée (ou "deepsearch") disponible dans des outils comme ChatGPT ou Gemini :
"Avant d'aborder un sujet, je vais aller sur ChatGPT, activer cette option. Ce qui va se passer, c'est qu'au lieu de me répondre rapidement comme ChatGPT ou les IA le font, il va commencer par me poser des questions. Il va me poser 4-5 questions, je vais répondre sur ce que j'imagine, je vais donner des détails, des précisions, et ensuite il va raisonner pendant généralement 10 minutes."
Le résultat ? "Une analyse ultra complète, extrêmement pertinente, qui cite ses sources, qui vous permet de maîtriser vraiment un sujet." Paul utilise cette fonctionnalité notamment avant de rencontrer des clients dans des secteurs qu'il ne connaît pas bien.
Décrypter des sujets complexes
Dans le même ordre d’idée, Paul utilise également l'IA pour approfondir sa compréhension de sujets complexes : "Je veux comprendre comment un sujet fonctionne, ou pourquoi, par exemple, la guerre en Ukraine traîne."
Puis il peut demander de transformer l'analyse en mindmap. "Cette mindmap, parfois je la colle dans un outil qui s'appelle Miro, et ça te fait une jolie mindmap très claire qui t'aide à structurer des idées. Ça m'aide à visuellement structurer les idées, je comprends les différents tenants, aboutissants, ce qui se passe”.
ChatGPT comme assistant de réflexion
Un autre usage quotidien : utiliser ChatGPT en mode vocal en voiture pour "discuter d'une idée" ou “débloquer des tâches sur lesquelles je procrastine, parce qu'il me propose un premier plan, une première manière de réaliser une tâche.”
Paul utilise également l'IA pour structurer sa pensée : "parfois, je rédige un truc n'importe comment, je mets mes idées telles qu'elles viennent et je lui demande de m'aider à structurer ça", ce qui lui permet de prendre du recul sur ses propres idées.
Bref, “c'est un vrai outil pour t'aider à débloquer, pour accélérer ta réflexion, structurer ta pensée aussi.”
Clarifier des besoins fonctionnels et préparer des cahiers des charges
Sur un plan plus professionnel, Paul exploite l'IA pour structurer ses réflexions sur les outils et logiciels : "Quand il faut construire des fonctionnalités, par exemple je veux un outil de gestion des compétences et des talents, je veux être sûr de mon besoin, parce que c'est un sujet nouveau."
Il demande alors à ChatGPT de "construire une mindmap qui va m'aider à comprendre tous les blocs fonctionnels, toutes les fonctionnalités, et les sous-jacents." Cette cartographie complète lui permet ensuite de "très rapidement éliminer ce qui ne m'intéresse pas, et conserver, faire un cahier des charges sur ce qui m'intéresse, pour aller chercher le bon prestataire." Un gain de temps considérable dans la préparation et la structuration des projets.
Création d'agents personnalisés
Paul a franchi le pas vers l'IA agentique en créant ses propres agents spécialisés. Par exemple, il a conçu un agent qui analyse les offres d'emploi de ses futurs clients :
"Je mets le nom de l'entreprise, le nom d'un client, et le système va les récupérer sur Internet. Je lui ai donné des consignes, je l’ai doté des outils pour le faire, pour aller chercher sur Internet, ça va aller récupérer 300, 400 offres d'emploi que l'entreprise a diffusées en ce moment ou dans le passé."
L'agent analyse ensuite ces offres pour identifier les compétences recherchées par l'entreprise, et peut même comparer ces données avec la moyenne du secteur. Cette préparation lui permet d'arriver en rendez-vous client avec "déjà une analyse qui va l'interpeller".
Il utilise une approche similaire pour analyser les rapports annuels d'entreprise : "je ne vais pas me palucher 90 pages d'un rapport annuel, par contre, je le mets dans mon agent, il va me structurer une synthèse très claire".
L'utilisation combinée de plusieurs IA
Pour aller plus loin, il est même possible de combiner différentes IA pour des résultats encore plus pertinents ! Il cite l'exemple d'un projet chez PwC où une première IA de matching identifiait des candidats potentiels pour des missions, tandis qu'une seconde IA générative expliquait les choix de la première :
"On a utilisé une deuxième IA, une IA générative, qui a expliqué ce que notre première IA de matching a fait. Et en faisant ça, on est passé de 2 à 15% de profils atypiques sélectionnés."
Cette combinaison a permis de réduire les biais de recrutement en aidant les managers à comprendre pourquoi certains profils moins conventionnels pouvaient néanmoins convenir parfaitement à leurs besoins.
3. Outils accessibles pour intégrer l'IA aux processus RH
Pour les professionnels RH qui souhaitent aller plus loin que l'utilisation de ChatGPT, Paul recommande deux outils particulièrement intéressants :
Relevance.ai : l'IA agentique accessible
Relevance est un outil qui permet de "créer un agent en lui donnant une fiche de poste, comme vous le feriez avec un humain". Ces agents peuvent ensuite accéder à différentes ressources (mails, données internet...) et réaliser des actions concrètes comme rédiger des documents ou faire des rapports.
Plus impressionnant encore, ces agents peuvent maintenant collaborer entre eux : "vos agents vont faire des réunions entre eux, vont pouvoir reporter l'un à l'autre". Paul donne l'exemple d'un agent gérant le service client qui rapporte des insights à un autre agent chargé de la documentation.
"Vous avez l'impression de vous retrouver dans le monde des Sims. Vous savez, à l'époque, on jouait avec ces petits personnages qui réalisaient des tâches. C'est la même chose, mais dans le monde professionnel."
Lovable : pour créer des applications
Le second outil recommandé par Paul, Lovable, permet de créer rapidement des applications fonctionnelles :
"Vous allez simplement lui dire : tiens, crée-moi une petite application qui va me permettre de générer des entretiens professionnels, par exemple. Vous lui demandez juste ça, en moins de 15 minutes, vous avez un truc qui tourne."
Ces "micro-SaaS" permettent aux équipes RH de développer leurs propres solutions sans dépendre entièrement de prestataires externes.
4. Vers un nouveau positionnement stratégique des RH
Au-delà des outils et des usages quotidiens, Paul esquisse une vision plus globale et ambitieuse pour les RH face à l'IA.
Le DRH comme orchestrateur des talents humains ET des IA
Pour Paul, l'un des enjeux majeurs pour les RH est de "commencer à prendre la main sur la notion d'agent", qui selon lui "n'est plus un sujet IT". Il s'agit d'une évolution fondamentale de leur mission :
"Je pense que le DRH doit être le DRH des humains et des IA, profondément."
Cette vision s'oppose à celle du patron de Nvidia, qui affirme que "le DSI sera le nouveau DRH". Pour Paul, c'est aux professionnels RH de réagir et de se dire "non, on va devenir les maîtres des agents !" !
La création d'équipes mixtes humains-IA
Paul évoque l'émergence d'organigrammes qui "mixent agents, IA et humains" et estime que "le DRH doit être maître de ce nouvel organigramme qui va mixer les deux".
L'enjeu est de pouvoir aborder simultanément les deux dimensions de cette transformation : "Est-ce que c'est une tâche qu'on veut faire opérer par un humain, par une IA? Comment on peut le faire? Comment on accompagne l'humain quand l'IA va arriver ?"
Pour Paul, il est essentiel de "penser aux humains et aux cas d'usage" plutôt que de se focaliser exclusivement sur l'un ou l'autre aspect. C'est dans cette approche équilibrée que réside l'avenir stratégique de la fonction RH.
Comme il le résume, "le DRH doit être le DRH des humains et des IA" - une vision qui réaffirme la place centrale des ressources humaines dans l'entreprise du futur - à condition qu'elles sachent s'emparer de ces nouveaux enjeux.
CONCLUSION : Alors, comment l'IA va changer la RH et le monde du travail
En clair : n'attendez plus pour vous emparer de l'IA ! "Ce n'est pas si loin, ce n'est pas si dur, la marche n'est pas si haute et c'est pour autant très important". Pas besoin de grands chantiers ou de budgets colossaux – commencez par 5 interactions quotidiennes avec ChatGPT, consacrez une heure par semaine à tester de nouveaux outils, et vous verrez que l'IA devient rapidement une alliée plutôt qu'une menace.
Car souvenez-vous de cette phrase :
"Il y a plus de chances qu'on soit remplacé par quelqu'un qui maîtrisera l'IA que par l'IA elle-même..."
Vous pouvez retrouver Paul Courtaud sur LinkedIn
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