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Faire du dialogue social un outil de transformation de l'entreprise

  • Alexis et Philippe
  • 13 mai
  • 16 min de lecture

Dernière mise à jour : 3 juin

Avec Sophie Letierce, DRH de Kaufman & Broad

Sophie Letierce, DRH de Kaufmann& Broad
Sophie Letierce, DRH de Kaufman & Broad

Sophie Letierce est la DRH de Kaufman & Broad, une entreprise de promotion immobilière qui "construit la ville et le vivre ensemble". Son parcours est riche et diversifié : d'abord avocate pendant près de 10 ans, elle "tombe dans la marmite" du droit social avant de basculer en entreprise. Elle a occupé différents postes RH chez Wolters Kluwer, France Média Monde, Canal Plus, avant de rejoindre Kaufman & Broad il y a 7 ans.


Kaufman & Broad, entreprise cotée en bourse, présente un modèle social particulièrement intéressant : 100% des collaborateurs sont actionnaires et détiennent ensemble près de 18% des droits de vote. Une caractéristique qui, selon Sophie, "donne une coloration particulière à l'entreprise" et enrichit son approche du dialogue social.


Et c’est d’ailleurs sur cette thématique que Sophie va nous partager son expertise dans cet épisode du podcast du Human Factor de Yaniro, et plus particulièrement :


Comment faire du dialogue social un outil de transformation de l'entreprise ?

Eh oui, il faut bien l'avouer, le dialogue social reste trop souvent perçu comme une contrainte réglementaire, un truc obligatoire qu'on coche dans une liste, plutôt qu'un vrai levier stratégique. Pourtant, Sophie nous montre - exemples concrets à l'appui - qu'un dialogue social de qualité peut booster les transformations, améliorer la performance et créer une dynamique gagnante pour tous. Dans un monde où les boîtes doivent sans cesse se réinventer, savoir mobiliser ces "corps intermédiaires" peut faire toute la différence !


I. LE DIALOGUE SOCIAL : QU'EST-CE QUE C'EST ET POURQUOI Y PRÊTER ATTENTION ?


Le dialogue social, cette fameuse obligation légale qui fait souvent grincer des dents... Et si c'était en réalité un puissant levier de transformation et de performance, encore largement sous-exploité par les entreprises ? En clair, comment faire du dialogue social un outil de transformation de l'entreprise ?


  1. Définition et mécanismes du dialogue social


Mais c'est quoi le dialogue social ? Sophie donne une définition concrète : c'est la constitution d'un corps intermédiaire au sein de l'entreprise, qui fait le lien entre l'ensemble des collaborateurs et la gouvernance. Ce corps intermédiaire est structuré selon des règles bien définies par le Code du travail : "On a généralement un CSE qui est élu par les collaborateurs, et ce qu'on appelle maintenant des délégués de proximité aussi, également élus. Et de ces élections vont ressortir des délégués syndicaux, des organisations syndicales."


Ce système s'articule autour de deux axes principaux :


  • D'un côté, avec les délégués syndicaux et les organisations syndicales, on négocie des accords collectifs qui vont constituer le statut social de l'entreprise.

  • De l'autre, avec le CSE et les délégués de proximité, on aborde le quotidien de l'entreprise : les difficultés, les succès, les projets d'évolution.


C'est un espace où l'on peut prendre du recul sur l'entreprise, discuter des sujets qui posent problème, mais aussi des évolutions futures. Un vrai point de rencontre entre les intérêts des collaborateurs et ceux de l'entreprise.


  1. Les bénéfices d'un dialogue social qualitatif


Pourquoi s'embêter avec ce dialogue social ? Parce que sans une attention particulière, il risque de devenir très transactionnel - c’est-à-dire qu’on va juste remplir ses obligations légales par devoir. Et quand ça arrive, ça génère généralement de la frustration, des tensions, ou pire, une absence totale de dialogue.


Comme l'explique Sophie : "À un moment donné dans l'entreprise, quand vont arriver des moments plus difficiles ou alors des évolutions qui impliquent de forts changements, on a besoin que les représentants du personnel soient à bord aussi pour être une voix auprès des salariés, qui expliquent les projets avec la direction. Eh bien, on ne va pas avoir cette voix parce qu'on n'a pas construit ce dialogue relationnel."


L'un des grands avantages d'un dialogue social de qualité réside dans sa capacité à capter les signaux faibles de l'entreprise. En effet, dans les structures d'une certaine taille, certains collaborateurs ne se sentent pas forcément à l'aise pour parler directement à leur manager ou aux RH. Ils préfèrent s'adresser aux membres du CSE. Pour Sophie, c'est une vraie opportunité : "Le CSE, en tout cas pour moi en tant que DRH, je le prends aussi comme un capteur de signaux faibles de l'entreprise. C'est aussi une remontée d'informations."

L'exemple le plus parlant que Sophie nous partage est celui de la transformation des centres d'appel chez Canal+. Fraîchement arrivée dans l'entreprise, elle découvre que le centre d'appel est en grève, avec des problèmes d'absentéisme et un manque de considération des collaborateurs. Au lieu d'imposer une solution, elle a choisi de co-construire une feuille de route avec le comité d'entreprise et les équipes.


"On a créé un modèle dont on n'imaginait même pas au début qu'on allait pouvoir arriver à faire ça, qui était littéralement une business unit, qui était devenue une entreprise libérée, où on a redonné le pouvoir à ses employés, on a sorti les scripts, on les a remis en responsabilité, on leur a donné le pouvoir de recruter les collaborateurs, et pas que les managers, de choisir leur type de rémunération variable."


Un retour à la performance, la fin de l'absentéisme, et tout ça sans PSE ni conflit social majeur. La preuve qu'en impliquant les représentants du personnel, on peut aller bien plus loin dans les transformations.


  1. Dépasser la vision transactionnelle pour une approche relationnelle


Pour Sophie, le parallèle avec le management est évident : "un CSE, une instance représentative du personnel, c'est comme une équipe qu'il faut manager." Il faut donner du sens, expliquer le "pourquoi" des décisions, comme on le ferait avec n'importe quelle équipe.


Mais attention, cette analogie va plus loin. Tout comme un manager ne peut pas simplement imposer des décisions à son équipe sans créer de la résistance, une direction ne peut pas se contenter d'un dialogue social minimal sans conséquences négatives. C'est là qu'intervient cette phrase clé de Sophie qui résume toute sa philosophie :


"Une entreprise a les syndicats qu'elle mérite. Une entreprise a le dialogue social qu'elle mérite." 

En d'autres termes, si le dialogue social est tendu, conflictuel ou inefficace, c'est aussi (et peut-être surtout) la responsabilité de l'entreprise.

Cette vision défend l'idée qu'un dialogue social de qualité n'est pas qu'une question de chance ou de personnes, mais bien le fruit d'une démarche volontaire et d'un investissement relationnel. Et comme dans toute relation, la confiance se construit dans la durée, en démontrant sa fiabilité et sa cohérence.


"Chez KetB par exemple, nous avons un deal tacite qui est de dire : tous les ans, on doit signer deux accords d'entreprise qui améliorent le statut social. C'est un engagement d'amélioration qu'on prend ensemble. Donc tous les ans je fais deux accords avec eux, mais ça veut dire je fais ce que je dis, je dis ce que je fais, la confiance se construit et on voit qu'on améliore les choses au fur et à mesure."


Cette approche permet de construire un capital confiance qui s'avère précieux dans les moments difficiles, comme lors de fusions ou de périodes d'incertitude. C'est exactement comme dans le management d'équipe : quand on a investi dans la relation en temps normal, on peut compter sur la compréhension et la coopération quand les choses se compliquent.


II. COMMENT CONSTRUIRE UN DIALOGUE SOCIAL DE QUALITÉ


Avoir l'intention de créer un bon dialogue social, c'est une chose... Mais comment passer concrètement de la théorie à la pratique avec des outils et méthodes qui ont fait leurs preuves ?


  1. Soigner le casting : la qualité des représentants du personnel


Pour Sophie, la première pierre d'un dialogue social de qualité se pose dès le recrutement des représentants du personnel. Eh oui, comme pour constituer une équipe performante, le casting est essentiel !

"Je pense qu'il y a quand même une chose qui est très importante, c'est de manager la qualité du recrutement des représentants du personnel. Ça c'est vraiment très important parce que, on le sait bien, dans le dialogue social, on peut avoir des représentants du personnel particulièrement durs, en opposition, etc., qui ne vont pas être dans la construction."


Mais comment influencer ce recrutement sans interférer avec le processus démocratique ?


Sophie distingue deux catégories de représentants du personnel :

  • Ceux qui sont motivés par l'intérêt général : ils veulent participer à quelque chose de plus grand qu'eux et avoir une vraie utilité. Même s'ils peuvent être en désaccord avec certaines actions de l'entreprise, ils sont motivés par le bien collectif.

  • Ceux qui recherchent la protection liée au statut : certains collaborateurs choisissent ce rôle principalement pour bénéficier de la protection contre le licenciement, souvent parce qu'ils sont en sous-performance ou en désaccord avec l'entreprise.


Pour favoriser la première catégorie, Sophie recommande ce qu'elle appelle le "lobby de couloir" : travailler avec les représentants déjà en place qui sont dans une dynamique constructive, puisque généralement, c'est un système de cooptation. La RH peut aussi identifier des collaborateurs motivés par l'intérêt général et les encourager à se présenter.

"Nous, RH, on peut aussi aller voir des gens et leur dire : est-ce que tu n'as pas envie ? Parce que tu es quand même mu par l'intérêt général. Donc, il y a un intérêt que tu sois aussi dans cette instance."


  1. Comprendre et résoudre les blocages individuels


Pour illustrer sa démarche face à des représentants du personnel "difficiles", Sophie aime bien la métaphore de "l'épine dans le dos" - tirée du film Kirikou : "C'est une image que j'aime bien, cette sorcière dans Kirikou qui est absolument insupportable, comme parfois peut l'être le dialogue social quand il est grippé et qu'il arrête la machine... à la fin de Kirikou la sorcière a une épine dans le dos, et quand on enlève l'épine, cette sorcière devient tout à coup la bonne fée."


La sorcière de Kirikou
La métaphore de la sorcière de Kirikou

Cette approche repose sur un principe simple mais puissant : derrière un comportement d'opposition se cache souvent une frustration ou une blessure qu'il faut identifier et traiter. Concrètement, cela implique un véritable travail d'investigation pour comprendre les sources de tension. Sophie a identifié plusieurs situations fréquentes qui peuvent transformer un représentant constructif en opposant systématique :


  • Des conflits latents avec la hiérarchie directe,

  • L'absence d'aménagement de la charge de travail créant un sentiment d'injustice,

  • Des aspirations professionnelles frustrées,

  • Ou encore des malentendus ou promesses non tenues dans le passé, etc.


Les "épines" les plus courantes qu'elle rencontre concernent souvent le manque de reconnaissance : "La chose la plus classique, ça va être le manager qui n'a pas de considération pour le dialogue social, et donc un collaborateur qui n'a pas de reconnaissance de l'investissement qu'il a dans le dialogue social. Il va avoir l'impression de ne pas avoir un aménagement de sa charge de travail, de travailler deux fois plus pour faire tout son boulot et en plus de ça, d'être présent dans le CSE."


Sophie souligne l'importance d’adresser activement ces situations individuelles :

"Les collaborateurs qui étaient dans le dialogue mais qui en sont sortis parce qu'ils ont des situations qui ne sont pas réglées, bah là en tant que RH, on va essayer de régler aussi leurs situations individuelles pour les remettre dans le collectif."


La démarche consiste à traiter ces problèmes à la source plutôt que de simplement gérer les symptômes comme l'opposition systématique en réunion : "C'est toujours revenir à l'humain et à l'individu, et pouvoir regarder comment on peut le réengager, comment on peut l'aider à régler une situation conflictuelle ou de colère, dans laquelle il se trouve et quand on a réglé ça, eh ben derrière on peut mieux travailler."


Cette dimension "curative" du dialogue social demande un investissement en temps, mais représente selon Sophie un levier puissant pour débloquer des situations qui semblaient auparavant inextricables.


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  1. Donner le ton et fixer un cadre de dialogue


Une fois l'équipe constituée et les blocages individuels identifiés, la qualité du dialogue social repose en grande partie sur la façon dont on le cadre dès le départ.


Pour Sophie, c'est comme poser les règles du jeu avant de commencer une partie :

"Je crois qu'il faut être dans un dialogue très direct et de confiance avec ce CSE, c'est-à-dire de fixer un cadre, de donner des objectifs, le cadre c'est le ton, c'est la manière dont on se parle les uns les autres."


Et pour Sophie, il faut toujours revenir au "pourquoi" et pas seulement au "quoi". Malheureusement, bien souvent les réunions CSE se focalisent uniquement sur les actions concrètes, en oubliant d'expliquer la vision derrière ces actions.

"La qualité du dialogue social est étroitement liée au projet de l'entreprise, au projet business RH pour le collectif. Donc il ne faut jamais oublier d'être sur le pourquoi, parce que c'est comme ça que les collaborateurs et les représentants du personnel vont adhérer au projet. Souvent on oublie trop de le raconter, et on passe du pourquoi au quoi et on est tout le temps en CSE sur le quoi. Et en étant tout le temps sur le quoi, on ne donne pas un dialogue social très qualitatif."


Sophie insiste également sur l'importance d'avoir des attentes élevées envers les représentants du personnel. Dès son arrivée chez Kaufman & Broad, elle a posé clairement ses exigences :

"Je leur ai dit : vous avez une responsabilité, vous représentez les salariés. Donc moi, je vais être très attentive avec ce que vous allez me dire, mais je vous demande aussi d'être exemplaire. D'être exemplaire dans vos missions opérationnelles et être exemplaire dans la manière dont vous exercez votre mission de représentation des salariés."


Cette approche équilibrée, combinant écoute et exigence, permet de créer un cadre où le dialogue peut être constructif et orienté vers l'intérêt général :

"N'oubliez jamais qu'on est là pour l'intérêt des collaborateurs et l'intérêt de l'entreprise. Et on va réconcilier ces deux intérêts. Ils ne sont pas antinomiques."


  1. Les erreurs à éviter


Même avec la meilleure volonté du monde, construire un dialogue social de qualité reste un exercice délicat, il est donc facile de commettre des erreurs... Sophie partage avec franchise celles qu’elle a pu faire :


La première erreur concerne la gestion émotionnelle :


Dans un CSE, comme dans toute relation humaine, certaines personnalités peuvent être particulièrement difficiles à gérer : "Il m'est arrivé plein de fois de m'entêter dans des dialogues, de réagir trop émotionnellement, trop vite, et donc on prête le flanc à la critique, au conflit, au combat, et là on perd le fil et la possibilité d'arriver à des solutions construites."


Pour gérer ces situations, Sophie a développé une tactique efficace : reconnaître ouvertement quand elle atteint ses limites émotionnelles :

"Je me souviens de CSE, ou parfois de CE - à l'époque c'était des CE - où ça allait trop loin, c'est de dire : En fait, là, on s'arrête. Là, c'est moi, en tant que personne, qui suis atteinte ou blessée. Donc, on va faire une pause, une suspension, aller faire un tour, marcher, revenir."


La deuxième erreur fréquente concerne le manque de préparation.


Même les professionnels les plus expérimentés peuvent tomber dans ce piège.

"Il m'est arrivé d'aller dans des instances ou dans des négo en n'étant pas assez préparée. En se disant bon on les connaît, on connaît le sujet… Non, même si on est un expert, il faut travailler, préparer."

En effet, une négociation est un moment court et précieux. Il faut donc arriver avec tous les éléments nécessaires à une discussion productive.


Enfin, Sophie souligne l'importance d'un bon lobby de couloir en amont des négociations officielles : "Les négos ne se passent pas pendant les négos, elles se passent avant, avec les représentants du personnel, parce qu'il y a plusieurs syndicats. Ce sont des équilibres à trouver. Donc, il faut connaître les positions de chacun avant pour pouvoir trouver l'équilibre."


Pour éviter ces erreurs, Sophie recommande de s'entourer d'experts, comme un avocat spécialisé. Elle-même travaille avec la même avocate depuis 20 ans, ce qui lui permet d'avoir un soutien constant et des conseils adaptés.


III. LE DIALOGUE SOCIAL DANS DES CONTEXTES SPÉCIFIQUES


Quand les choses se corsent ou prennent une dimension internationale, comment faire du dialogue social un allié plutôt qu'une complication supplémentaire ?


  1. Le dialogue social pendant les périodes difficiles


Les périodes de crise ou de transformation majeure sont de véritables tests pour la qualité du dialogue social. Et c'est justement lors de ces moments tendus que l'investissement préalable dans la relation porte ses fruits !

C’est un peu comme les divorces… "C'est la différence entre les divorces à l'amiable et les divorces qui sont des bains de sang."

Si vous avez investi dans une relation de confiance avec vos instances représentatives du personnel, les passages difficiles - comme des réductions d'effectifs - se dérouleront dans de bien meilleures conditions.

"Aujourd'hui on est dans une situation économique un peu tendue, on est quand même un certain nombre d'entreprises à devoir faire des départs. Quand on fait ces départs en bonne intelligence avec l'appui des représentants du personnel qui accompagnent les collaborateurs soit dans des entretiens préalables, ou quand on fait des RC etc, et qu'on a ce très bon niveau de confiance et de coopération avec les représentants du personnel, les départs se passent beaucoup mieux."


Le bénéfice est triple :

  • l'entreprise traverse ce moment délicat plus sereinement,

  • les personnes qui partent sont mieux accompagnées,

  • et l'impact sur ceux qui restent est moins traumatisant.


"Le collaborateur qui part, il fait plutôt plus confiance au dialogue social, au représentant du personnel, que à ce que lui raconte la DRH. Donc on fait de ces moments-là un moment moins traumatisant pour l'entreprise et ça, c'est très important parce que si c'est traumatisant, on est déjà dans une situation économique difficile, donc ça veut dire que l'entreprise, elle ralentit, elle s'arrête parce que c'est traumatisant. Et donc ça va être encore plus dur pour retrouver de la performance."


Cette approche ne signifie pas pour autant abandonner toute exigence managériale. Au contraire, Sophie souligne qu'un représentant du personnel ne devrait pas être intouchable s'il devient totalement déconnecté de la réalité opérationnelle.

"Les représentants du personnel, ils ont beau être protégés, on peut les licencier. Ça fonctionne. Je veux dire, moi, je l'ai déjà fait, on est plein à l'avoir déjà fait, on peut avoir la même exigence envers un représentant du personnel que quelqu'un d'autre."


  1. Les enjeux spécifiques dans un contexte international


La mondialisation des entreprises apporte son lot de défis pour le dialogue social, particulièrement lors de rapprochements entre entités de différents pays :


  • Naviguer entre contraintes locales et directives globales


Les spécificités françaises en matière de représentation du personnel peuvent parfois dérouter les acteurs internationaux. Sophie évoque notamment les situations délicates lors de fusions ou d'acquisitions :

"Autant dire qu'à l'international, généralement, le DRH allemand et la DRH française, dans mon cas, se retrouvent ensemble : ah bon, nous l'implantation va prendre un peu plus de temps, il faut qu'on passe par la case représentant du personnel.'"

Ces situations mettent le DRH français dans une position d'équilibriste, devant à la fois respecter les exigences légales nationales et s'aligner sur les attentes du groupe international.


Le plus délicat concerne souvent le timing :

"Le pire étant des outils qu'il faut mettre en place, ça nous tombe dessus en disant : bon, maintenant il faut déployer tel outil, ah bah ok, mais il faut le faire pour demain, bah ouais, mais moi je dois passer devant mon CSE, ma CSSCT, etc., ça va prendre du temps."

Pour Sophie, la clé est d'anticiper en étant très en amont, en lien constant avec les instances européennes ou internationales. Cela permet d'expliquer les contraintes locales, d'influencer les décisions, et surtout d'ajuster le calendrier pour permettre un dialogue social de qualité.

"Parce qu'en réalité si on est ensuite dans des enjeux de temps trop trop serré ça va mal se passer en dialogue social, c'est sûr, parce que c'est l'humain, enfin je veux dire le dialogue social c'est aussi l'humain, c'est à dire que chacun a besoin de son temps d'écoute, de révolte, de dire non, et ensuite de construire la solution."


  • Éviter le piège du "simple exécutant"


Une erreur à éviter absolument ? Se positionner comme simple exécutant des directives du groupe. "Ne jamais faire sentir aux représentants du personnel que, en fait, on est seul sur ce sujet et qu'on n'a pas tellement le choix et qu'on doit l'implanter, donc il serait sympa de plutôt nous aider."

Cette posture de "passe-plat" décrédibilise complètement le RH, exactement comme un manager qui expliquerait à un collaborateur qu'il ne peut pas lui accorder d'augmentation en rejetant la faute sur les RH. Sophie recommande plutôt de s'approprier pleinement le projet pour pouvoir le présenter et le défendre avec conviction.

"Il faut faire en sorte de s'approprier bien le projet pour bien le présenter, bien le vendre, bien répondre et qu'ils aient toujours la sensation qu'il y ait quelqu'un qui est aux manettes."


  • Préserver la culture lors des rapprochements


Sophie nous rappelle aussi l'importance fondamentale de préserver la culture d'entreprise lors des rapprochements internationaux. Lorsqu'un groupe étranger acquiert une entreprise française, il est essentiel que la RH explique ce qui a fait le succès de cette entreprise, y compris les aspects culturels comme le télétravail ou certaines libertés.

"C'est quoi ce qui fait la recette du succès de l'entreprise qui fait qu'ils ont envie d'acheter cette entreprise ? Ok, il y a un résultat économique, mais le résultat économique, c'est le fruit de salariés et de l'action de salariés au quotidien et de leur engagement, leur capacité à innover, à créer, etc. Et cette capacité à innover, à créer, à être dedans, c'est le fruit d'une culture."

La RH doit alors se faire le garant de cette culture, expliquant que certains éléments ne sont pas négociables car directement liés à la performance économique qui a attiré l'acquéreur en premier lieu.


  1. L'humain au cœur de la performance


À travers tout cet épisode, Sophie défend une vision où dialogue social et performance économique ne sont pas opposés mais complémentaires. Pour elle, il est clair que le facteur humain est à l'origine de toute réussite d'entreprise.


Un contre-exemple ? Le style de management d'Elon Musk…

"Le style Elon Musk, c'est : je fais passer la performance économique avant le facteur humain. Or, c'est les gens avant les process, avant les technos, même avant les performances économiques. Parce que qu'est-ce qui est à l'initiative de tout ça ? C'est l'humain."


Cette philosophie s'applique parfaitement au dialogue social : c'est en traitant les représentants du personnel comme des partenaires stratégiques qu'on leur permet de contribuer pleinement à la réussite de l'entreprise.

"L'humain, pour qu'il donne son meilleur résultat, il évolue dans un cadre, avec des règles, avec une culture, avec une manière de faire, et c'est ça qui fait, à un moment donné, qui a créé ce résultat-là. Et c'est important de pouvoir être celui, quand on est en RH, évidemment quand on est fondateur, qui est le garant de ça, de cette explication-là."


CONCLUSION


Et voilà, vous avez maintenant toutes les clés en main pour transformer votre dialogue social en véritable levier stratégique ! Comme nous l'a montré Sophie, il ne s'agit pas de cocher une case réglementaire de plus, mais bien de construire une relation de confiance qui fera toute la différence quand les choses - éventuellement - se corseront.

Alors, par où commencer ? Peut-être en analysant la qualité actuelle de votre dialogue social - est-il transactionnel ou relationnel ? Prenez le temps de connaître vos représentants du personnel, de comprendre leurs motivations profondes, et n'hésitez pas à chercher ces fameuses "épines dans le dos" qui pourraient bloquer un dialogue constructif.


N'oubliez pas : comme l'a si bien dit Sophie, "une entreprise a le dialogue social qu'elle mérite". Si vous investissez dans cette relation avec authenticité, si vous expliquez toujours le "pourquoi" avant le "quoi", si vous valorisez l'engagement de vos représentants... vous récolterez les fruits de cette approche lors des transformations futures de votre organisation.


Et rappelez-vous que derrière les instances, les réunions et les accords, il y a avant tout des humains. C'est en reconnaissant cette dimension et en la plaçant au cœur de votre démarche que vous ferez du dialogue social non pas une contrainte, mais bien un moteur de votre performance collective !


Vous pouvez contacter Sophie sur LinkedIn ou par mail : sletierce@ketb.com


Ressources recommandées par Sophie :


  • Le livre L'entreprise, une affaire de cœur de Hubert Joly, ancien PDG de Best Buy, qui explique comment il a redressé cette entreprise en plaçant l'humain au cœur de sa démarche.

  • Les livres de Marshall Goldsmith, coach de grands CEO américains, qui montre comment les qualités qui permettent d'accéder aux postes de direction ne sont pas forcément celles qui font un excellent leader.

  • Le livre Leaders Eat Last de Simon Sinek, qui traite du leadership au service des équipes.


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