Comment utiliser les managers pour transformer l'entreprise ?
- Alexis et Philippe
- il y a 2 jours
- 21 min de lecture
Avec Mélanie Mantel, directrice du capital humain et de la RSE chez Intériale

Mélanie Mantel est directrice du capital humain et de la RSE chez Intériale, une mutuelle destinée aux agents de la fonction publique (État et territorial). Cette société mutualiste, issue de l'économie sociale et solidaire, s'adresse essentiellement aux personnels des ministères de l'Intérieur, de la Justice et de la fonction publique territoriale. Avec 25 ans d'expérience dans les RH, Mélanie a évolué dans des secteurs très variés : distribution, électrodomestique, avant de rejoindre l'univers mutualiste.
Intériale compte aujourd'hui 430 collaborateurs et traverse une transformation majeure de son business model. Suite à un décret de 2021, les mutuelles de la fonction publique passent d'un système de souscription individuelle à des appels d'offres ministériels. Concrètement, Intériale est en train de passer du B2C au B2B2C : au lieu de vendre 10 000 contrats individuels, elle vend désormais un contrat unique pour 92 000 agents du ministère de la Justice par exemple. Cette transformation impacte tous les métiers de l'entreprise, des équipes commerciales à la gestion, en passant par tous les services support.
Dans cet épisode du podcast du Human Factor de Yaniro, Mélanie partage son expertise, forgée par 25 ans d'expérience de transformations d'entreprise et nourrie par sa pratique actuelle chez Intériale, sur la thématique :
Comment faire des managers la clé de voûte d'une transfo d'entreprise réussie ?
Comment utiliser les managers pour transformer l'entreprise ?
Car dans une transformation d'entreprise, on peut avoir le meilleur plan stratégique du monde, si les managers ne sont pas embarqués et outillés pour porter le changement, la transformation risque de passer de "laborieux" à "impossible". Mélanie a identifié trois piliers indispensables pour transformer ces potentiels points de blocage en véritables alliés. À travers des exemples concrets et des outils testés sur le terrain, cet épisode révèle comment accompagner les managers pour qu'ils deviennent les moteurs de la transformation plutôt que ses freins.
POURQUOI LES MANAGERS SONT LA CLÉ DE VOÛTE DE L'ORGANISATION
Les transformations d'entreprise ne manquent pas dans le paysage économique actuel. Mais pourquoi certaines réussissent brillamment quand d'autres s'enlisent ? Chez Intériale, Mélanie a une conviction forte : les managers font toute la différence. Et son expérience de terrain lui donne raison.
Les enjeux de la transformation chez Intériale
Pour bien comprendre l'ampleur du défi, il faut saisir ce qui se joue chez Intériale. La transformation n'est pas cosmétique, elle touche au cœur même du business model. Comme l'explique Mélanie :
"On va passer d'une entreprise qui va vendre à des individus une couverture sociale, protection sociale au sens mutuel du terme, à vendre à un ministère. Donc, passer de peu importe le nombre, 10 000 clients individuels, 10 000 adhérents individuels à un ministère, en l'occurrence, ou une collectivité territoriale de, si on parle du ministère de la Justice, c'est 92 000 agents, si on parle d'une collectivité territoriale, ça va de 500 à 10 000, selon les services concernés."
Du B2C au B2B2C : un changement radical
Concrètement, plutôt que de gérer 10 000 contrats individuels avec des adhérents qui choisissent leur couverture, Intériale doit désormais convaincre un seul décideur - un ministère - qui choisit pour 92 000 agents dans le cas du ministère de la Justice. Un changement qui bouleverse tout :
La relation commerciale : passer de la vente directe aux particuliers aux appels d'offres de commande publique
La gestion : accompagner une DRH ministérielle plutôt que des milliers d'adhérents individuels
L'approche produit : proposer un contrat unique avec options au lieu de 5 contrats différents
L'impact sur tous les métiers
Cette bascule du B2C vers le B2B2C transforme littéralement tous les postes de l'entreprise de 430 personnes. Les équipes commerciales doivent apprendre les codes de la commande publique, les gestionnaires changent complètement d'interlocuteurs, et tous les métiers support doivent s'adapter à cette nouvelle donne.
"Ça transforme nos métiers commerciaux, ça transforme nos métiers de gestion et bien sûr, ça transforme les métiers qui sont autour, au service du commerce et de la gestion."
Pourquoi les managers sont indispensables
Face à une transformation de cette ampleur, Mélanie a rapidement identifié que les managers seraient le maillon décisif. Et pour cause : ils occupent une position unique dans l'organisation.
Le rôle de relais entre direction et équipes
Les managers sont les traits d'union naturels entre la vision stratégique du comité exécutif et la réalité opérationnelle des équipes. Ils traduisent la stratégie en actions concrètes, expliquent le "pourquoi" du changement et accompagnent leurs collaborateurs dans l'adaptation.
Comme le souligne Mélanie : "Les managers sont vraiment les relais indispensables de l'équipe dirigeante pour faire réussir la transformation." Sans eux, le message ne passe pas, les équipes se sentent perdues, et la transformation s'enlise.
Les risques sans managers impliqués
Quand les managers ne jouent pas leur rôle de relais, Mélanie observe deux écueils majeurs chez les collaborateurs :
La passivité : "Non mais bon, ils arrêtent pas de changer. Je vais les laisser faire leur truc. À un moment donné, ça va s'arrêter et je vais retrouver ma petite routine."
La résistance active : "Je ne comprends rien, je vais aller contre ce qu'on me demande. Le nouvel outil, je m'en fous, je ne l'utiliserai pas, le nouveau process, ça me rajoute de la charge."
Dans les deux cas, "la transformation elle-même, elle est à risque si tout le monde n'est pas en train de ramer dans le même sens".
La différence entre "ça patine" et "impossible"
Alexis a pu observer que dans une entreprise stable, des managers peu impliqués, ça peut passer inaperçu. On compense, on s'adapte. Mais dans une transformation ?
"Dans la transformation, quand il s'agit de dire 'bon, maintenant, on va devoir changer notre manière de travailler', là , pour le coup, je pense qu'on peut dire que sans les managers, on va passer de laborieux à impossible."
C'est exactement ce que confirme Mélanie : "En période de transformation, il y a un enjeu, j'ai envie de dire, de surcommunication. Et si les managers ne sont pas impliqués, les collaborateurs qui sont en bout de chaîne, ils perdent le fil."
Cette prise de conscience constitue le point de départ de toute sa méthode : pour réussir une transformation, il faut d'abord transformer ses managers en alliés. Mais comment s'y prendre concrètement ? C'est tout l'objet des trois piliers qu'elle a développés.
PILIER 1 - PARLER MANAGEMENT : CRÉER UN ESPACE DE SÉCURITÉ
Premier constat de Mélanie : dans la plupart des organisations, le management n'est pas un sujet. On parle chiffres, performance, produits, mais rarement de l'art de manager. Pourtant, c'est là que tout commence.
Faire du management un sujet permanent
Le constat : on parle performance, pas management
Mélanie pose une vraie question : "Est-ce que le management est un sujet permanent dans tous les comités exécutifs et dans tous les comités de direction ? Pas sûr." Et c'est pourtant là que réside le premier problème.
Dans la plupart des entreprises, on promeut manager les meilleurs experts techniques. Le développeur le plus brillant devient lead dev, le commercial qui cartonne devient manager d'équipe. Sauf qu'on leur dit ensuite : "vas-y, tu as une équipe d'architectes informatiques, de développeurs, fais-les développer, fais-les contrôler la gestion" sans leur donner les clés pour y arriver.
Créer des espaces de parole sécurisés
Pour Mélanie, la solution commence par créer un cadre où les managers peuvent exprimer leurs difficultés sans être jugés. Car les questions sont nombreuses et légitimes :
"C'est quoi le management ? Qu'est-ce qu'on attend de moi ?"
"Quels sont mes besoins pour manager correctement ?"
"Comment bien animer des individus avec des personnalités différentes ?"
"Moi, avec tel collaborateur, c'est plus difficile. Il a une personnalité qui est loin de la mienne."
L'enjeu ? Permettre aux managers de dire : "je n'arrive pas, c'est compliqué, on ne se comprend pas" ou encore "je dois parler de l'EBITDA, mais en fait, je n'ai pas compris ce que c'était que l'EBITDA" sans craindre d'être étiquetés comme de "mauvais managers".
Le CODEV comme outil phare
L'outil qui cartonne partout
Le co-développement est devenu l'outil de référence de Mélanie. Et les résultats sont systématiquement au rendez-vous : "Partout où je l'ai essayé, j'ai observé que les effets étaient vraiment extrêmement positifs."
Le processus est toujours le même : "En général, les managers vont pour la première fois en disant : mais qu'est-ce que je vais y faire ? Je ne vais rien apprendre. Puis bon, je ne les connais pas trop les autres, ils n'ont pas le même métier, ils n'ont pas les mêmes problématiques. Et puis à la fin de la première séance, c'est : waouh, c'est vachement bien !"
Deux révélations majeures
Le co-développement produit systématiquement deux prises de conscience libératrices :
Ils ne sont pas seuls : "leurs problématiques sont souvent proches de celles de leurs collègues qui pourtant sont sur des métiers différents"
Les solutions émergent collectivement : trouver des réponses "de façon collaborative, constructive, ouverte, en n'étant jamais jugé"
Dépasser la peur du jugement
Un exemple parlant : les talent reviews. Mélanie observe que "les managers n'osent pas dire que leur collaborateur n'a pas de potentiel ou a une mauvaise performance, de peur d'être jugé mauvais manager".
Pourtant, comme elle le rappelle : "Ils sont certes responsables de la performance délivrée par leurs collaborateurs, mais ils ne sont pas responsables du profil de leur collaborateur. Leur job, c'est d'aider, de prendre par la main et de faire progresser à partir du point de départ du collaborateur."
Le référentiel manager et le comité de culture managériale
Définir ce qu'est un "manager Intériale"
Impossible de progresser sans savoir où on va. Chez Intériale, Mélanie a donc mis en place un comité de culture managériale dès 2020, remanié en 2023. Sa première mission ? "Définir le portrait du manager Intériale. Qu'est-ce qu'on attend du manager Intériale ?"
Ce comité, c'est "un échantillon entre guillemets de managers de notre organisation, des hommes, des femmes, des jeunes, des vieux, des anciens, des récents, des grosses équipes, des petites équipes. Tous les métiers sont représentés".
Monitorer les compétences managériales
Une fois le référentiel défini, la logique est implacable : "si le manager Intériale, il est défini, ses compétences elles sont écrites, après, je peux monitorer de 'pas acquis' à 'expert' sur chacune de ces compétences-là ".
Concrètement, "on intègre cette année ce référentiel dans les entretiens annuels pour pouvoir évaluer chaque manager sur ses compétences managériales. Comme ça, on aura un vrai point de départ finalement de chaque manager".
Cette approche méthodique permet de sortir du flou artistique et de donner un cadre clair : être manager chez Intériale, ça veut dire quoi exactement ? Et comment chacun se situe par rapport à ces attendus ?
L'effet vertueux de la sécurisation
En créant ces espaces sécurisés, Mélanie observe un cercle vertueux. Les managers osent parler de leurs difficultés, trouvent des solutions collectivement, et développent une culture commune du management. Ils passent d'une posture défensive à une dynamique d'apprentissage partagé.
Mais parler ne suffit pas. Il faut aussi développer concrètement les compétences managériales. C'est tout l'objet du second pilier.
PILIER 2 - DÉVELOPPER LE MANAGEMENT PAR LA PRATIQUE
Une fois l'espace de parole créé, place à l'action concrète. Car comme le rappelle Alexis avec sa métaphore de l'art martial : "Dans l'art martial qu'est le management, les meilleurs, ceux qui ont des talents innés, vont peut-être démarrer ceinture jaune et le reste d'entre nous, ceinture blanche. De toute façon, il n'y a pas une seule ceinture noire qui n'a pas passé des heures sur le tatami." Le management, ça s'apprend, et surtout, ça se pratique.
Des parcours de formation maison adaptés
Pourquoi du "fait maison" ?
Mélanie a fait le choix de parcours de formation entièrement personnalisés chez Intériale. "J'ai mis en place des parcours de formation maison", explique-t-elle. Cette approche permet de coller parfaitement à la culture et aux enjeux spécifiques de l'entreprise.
Un programme intensif de 4 jours pleins
Chez Intériale, le parcours représente un véritable investissement : "notre parcours de formation, c'est quatre jours pleins". Un volume qui peut paraître important, mais qui reflète l'ambition de transformation réelle des pratiques managériales.
Le parcours combine externe et interne : "des journées avec un presta externe, où là on est sur de l'apport théorique, la conduite du changement, le feedback, etc. Des modules qu'on a développés en interne."
L'adaptation pour le COMEX
Face à la contrainte temps des dirigeants, Mélanie a développé une solution pragmatique : "je dois avouer qu'au niveau du COMEX, quatre jours pleins, ce n'est pas facile à trouver. Alors nous, ce qu'on fait, c'est qu'on a fait un condensé des journées pour que le COMEX ne soit pas formé de la même manière, mais à minima imprégné des thématiques que leurs collaborateurs, N-1 et N-2 managers vont vivre."
Une approche que rejoint Alexis : "dans le cas où il y a une bonne volonté du côté des patrons, mais juste une incapacité en termes de temps, c'est de lancer un programme d'amélioration des qualités managériales communs, mais pour les profils plus haut niveau qui ont moins de facilité à débloquer du temps, de leur donner du coaching".
Des modules concrets et utiles
L'exemple des "bases du droit du travail" illustre parfaitement cette logique terrain : "quand je suis manager d'une équipe à l'horaire, ce n'est pas la même chose qu'une équipe de cadres au forfait. Qu'est-ce que j'ai le droit de faire ? Qu'est-ce que je n'ai pas le droit de faire ?"
Mélanie va plus loin : "L'échelle des sanctions, ce n'est pas un gros mot. Quand on n'est pas satisfait, qu'il se passe des choses qui ne sont pas acceptables, il y a une échelle de sanctions. C'est aussi un moyen de remettre en responsabilité." Ce module "permet de rassurer les managers sur ce qu'ils ont le droit de faire ou pas, et du coup de les mettre en responsabilité de le faire quand ils ont le droit".

L'importance de la mise en pratique vs la théorie
La révolution de l'entraînement
Sur ce point, Alexis et Mélanie sont totalement alignés. Fini les formations PowerPoint théoriques interminables ! "L'objectif de la formation, c'est pas tant d'apprendre des outils que de s'entraîner, pratiquer, essayer, rater, recommencer dans un cadre sécurisé", insiste Mélanie.
Alexis enfonce le clou avec sa philosophie : "Le truc le plus important à garder en tête, c'est que sur un geste managérial, on peut prendre le feedback, organiser ses entretiens individuels, fin de période d'essai, un truc comme ça, le volume d'heures de pratique a beaucoup plus d'impact que n'importe quelle belle pratique brillante."
L'illusion du management facile
Alexis partage une anecdote qui illustre bien les idées fausses sur le management : "J'ai un très bon copain qui est développeur, brillant par ailleurs, qui m'a donné une phrase il y a longtemps, il avait dit : ah là là , ouais, moi je serais ok pour être manager, mais par contre quand je vois les branquignols qu'il y a partout, moi je voudrais être manager mais que d'une équipe avec que des tueurs hyper autonomes."
Vs la réalité… "Précisément, le management c'est composé avec des gens plus ou moins bons à certains sujets à un instant T, plus ou moins contents d'être là , plus ou moins d'accord les uns avec les autres, et que toute la raison pour laquelle on a besoin de quelqu'un pour structurer un petit peu une petite équipe et coordonner, c'est que ça ne se fait pas tout seul en temps normal."
Une anecdote qui marque à vie
Mélanie partage également un souvenir de formation qui l'a marquée : "L'un des exercices était : annonce à ton collaborateur qu'il sent vraiment mauvais et qu'il est très sale et que ça gêne toute l'équipe'." Un exercice difficile avec un "collaborateur" qui jouait "hyper timide, qui adore l'équipe, qui est trop content et qui ne comprend pas".
Résultat ? "J'ai encore le ressenti dans mes tripes. Je l'ai encore ! Je me souviens de cette impression de devoir dire quelque chose d'horrible à une personne trop gentille." Mais l'apprentissage est durable : "maintenant quand j'appréhende un entretien où j'ai quelque chose de difficile à dire, je me prépare bien et c'est moins difficile parce que j'ai compris d'un point de vue émotionnel ce que ça génère chez moi".
La méthode Yaniro : traquer le passage à l'acte
Alexis partage une technique redoutable qu'ils utilisent chez Yaniro : demander aux managers d'envoyer "10-15 minutes de vrai one-to-one avec une vraie personne dans lequel ils mettent en pratique un geste qu'ils ont appris".
Le constat est édifiant : "à la moitié du parcours, quand on lance cet exercice, il y a 50% des managers qui ne mettent en pratique RIEN. Mais c'est-à -dire, ce n'est pas qu'ils n'y arrivent pas, c'est qu'ils n'essayent pas !"
Sa philosophie est limpide : "Moi, que vous trouviez ça intéressant, je m'en tamponne un peu. C'est presque ça m'inquiète, parce que je préfère que vous trouviez ça pas fun, mais que votre prochain one-to-one vous l'abordiez différemment."
Le suivi méthodique de la pratique
Alexis dévoile sa technique de suivi : à chaque session, il demande qui a pratiqué à 75%, 50%, 25%... Sans humilier ceux qui n'ont pas pu, il pose un constat factuel : "toutes les personnes qui ont levé la main à 75% ou plus, on peut vous dire avec une certitude totale qu'à la fin du parcours, vous serez des bien meilleurs managers que les autres. Et on le sait, on l'a vérifié 10 fois, 100 fois, 1000 fois."
Les retex systématiques
Mélanie confirme l'importance de ce suivi : "dans ton parcours, tu intègres à chaque nouvelle journée tous ensemble le démarrage par un retex. Il s'est passé quoi depuis la dernière fois ? Concrètement, tu as fait quoi ? Tu as eu quel résultat ? Qu'est-ce que tu as changé ? Indispensable !"
L'accompagnement RRH individualisé
Un élément clé du dispositif chez Intériale : "les responsables RH sur le terrain, elles savent qui est en formation, quand, sur quel sujet. Donc, elles peuvent aussi accompagner." Cette approche permet "d'éviter cette logique d'humiliation. Tu peux trouver effectivement face à un manager qui n'a pas pu... qui n'y est pas allé pour des bonnes raisons, et dans ce cas, il est accompagné par son RH."
La connaissance de soi comme point de départ
L'utilisation du DISC
Chez Intériale, tout commence par la connaissance de soi. "Notre point de départ depuis le premier comité de culture managériale, c'est la connaissance de soi", explique Mélanie. L'outil choisi, c’est le DISC, "parce qu'il est facile à appréhender, même s'il faut éviter les raccourcis".
L'objectif est clair : "partir de 'je me connais mieux', c'est aussi un bon moyen de savoir là où ça va être plus facile ou moins confortable pour moi". Un manager qui sait qu'il est "plutôt assez directif j'ai besoin que ça bouge, que ça aille vite etc" peut mieux s'adapter face à "un collaborateur qui lui a plus besoin, par exemple, d'un environnement plus sécurisé où il faut prendre plus le temps avant de le mettre dans l'action".
Un cadeau pour tous
Bonus non négligeable selon Mélanie : "je pense que c'est un cadeau intéressant à faire aux collaborateurs d'utiliser un moyen de se connaître de façon un peu différente, de prendre du recul sur leur mode de fonctionnement. Ça ne va pas que leur servir en management, ça va leur servir avec leur patron, ça va leur servir avec leurs collègues. Parfois même, ça peut servir à titre personnel."
Alexis confirme l'impact : "DISC, ProcessCom, des outils un peu de ce genre-là . Déjà , c'est incroyablement utile, c'est incroyablement fédérateur. Et en plus, vu que c'est très apprécié, si vous le faites tôt, notamment dans votre programme, vous aurez une adhésion très forte des managers à 99% des cas."
Gérer les résistances et les "mais toi quoi"
Jouer le scénario du pire
Mélanie observe un phénomène récurrent en formation : "quand on les met en situation, ils jouent toujours, toujours le scénario du pire. Je ne sais pas si tu as remarqué ça."
Alexis confirme… "Ils sont horribles les uns avec les autres !" L'explication de Mélanie est pertinente : "en fait, c'est un moyen d'exorciser le truc. Si j'ai vécu le pire, je suis prêt. Et donc, effectivement, 100% des mises en situation sont les scénarios du pire."
La complainte du "mon boss ne le fait pas"
Autre classique des formations : "vous êtes bien gentil, vous me demandez de faire ça, mais moi, mon patron, il ne le fait pas avec moi". La réponse de Mélanie ne souffre aucune ambiguïté : "il y a un truc que j'ai du mal à entendre : c'est pas parce que ton patron n'est pas exemplaire que toi, t'as le droit de ne pas être bon !"
Sa solution : "Tu peux préparer un feedback vis-à -vis de ton patron pour lui dire, tu sais quoi, en formation, j'ai appris ça. Et dans notre relation, ça me manque."
Et surtout : "si tout le monde attend que ça soit parfait, toujours au-dessus, il ne va rien se passer. Personne ne va changer."
Le défi des managers réfractaires
Alexis identifie une catégorie particulière : les "Mais toi quoi". Ces managers qui répondent systématiquement : "ouais, ouais, ouais, mais tu sais moi, mais toi quoi, enfin ? Mais toi, quoi ?" face à toute suggestion. "Parce que c'est des gens qui, pour une raison ou pour une autre, vont avoir l'impression que leur cas est tellement différent que ça ne s'applique pas. Moi, ce n'est pas pareil !"
Le problème, c’est que "dans 99,9% des cas, ils n'ont rien à proposer d'autre. Donc, ce que ça veut dire, c'est qu'à défaut d'essayer ce que nous, on leur propose, ils ne vont rien essayer et rester nuls."
L'approche par la responsabilisation
Alexis propose une méthode assumée : "Ok, d'accord, très bien, je vois que ce que je te propose ne fonctionne pas ou que tu n'as pas envie de jouer le jeu du codev parce que tu as peur qu'on te juge, etc. Je comprends. Qu'est-ce que tu me proposes pour être au niveau managérial qui est requis pour ton job ?"
Le message est clair : "si ce que tu me proposes, c'est rien du tout et que tu refuses de progresser, peut-être que je ne peux pas te proposer de rester d'être manager, ou en tout cas, pas de progresser plus haut".
Intégrer les compétences managériales dans l'évaluation
Mélanie applique cette logique concrètement : "Chez Intériale, on évalue la performance sur trois aspects : la tenue du poste, la réalisation des objectifs et la posture."
L'exemple qu'elle donne est parlant : "le meilleur commercial de la Terre, si t'as marché sur le territoire de tes collègues et que tu leur as piqué toute l'année du business, bah non je suis désolée ça marche pas, parce que c'est pas dans l'intérêt de l'organisation".
L'enjeu de l'ego managérial : accepter ses limites
Mélanie identifie un défi de taille : la peur du jugement chez certains managers. "Ce sujet d'ego, en fait. Si je parle d'un échec managérial, on va penser, on va me juger comme étant un mauvais professionnel, un mauvais manager."
Pour désamorcer cette résistance, sa recette combine bienveillance et patience : "La combinaison de l'espace sécurisé d'échange avec le fait d'accepter le temps humain. Certains vont très vite, de façon authentique, dans les discussions et admettent que parfois, ils ont des difficultés avec certains collaborateurs. D'autres mettent plus de temps."
Mais Mélanie reste humble sur ses limites : "avec certaines personnalités, je n'ai pas encore trouvé les clés pour le désamorcer". Une honnêteté que partage Alexis : "Il y a un niveau d'ego avec lequel on n'a pas réussi à craquer comment composer avec ça. Il y a un niveau maximum au-dessus duquel nous, on n'arrive pas à faire quoi que ce soit."
PILIER 3 - COMMUNIQUER ET DONNER DU TEMPS D'AVANCE
Les managers sont formés, ils ont envie de bien faire, mais voilà qu'une annonce tombe. Tout le monde l'apprend en même temps : managers et collaborateurs ! Résultat ? Les managers se retrouvent dans la position inconfortable de devoir expliquer ce qu'ils découvrent eux-mêmes. Un piège classique que Mélanie a identifié comme le troisième pilier d'une transformation réussie.
Le principe de la cascade d'information
Donner l'information aux managers en amont
Le principe semble évident, pourtant il est systématiquement oublié dans l'urgence. Comme l'explique Mélanie : "On est souvent en réaction à des événements et on se dit, il se passe un truc, il faut absolument qu'on informe tous les collaborateurs. Résultat, on informe tout le monde en même temps, les managers et leurs collaborateurs."
Éviter le "numéro de claquette"
Les conséquences sont immédiates et désastreuses pour la crédibilité des managers : "c'est les managers qui, sur le terrain, une fois que l'information a été faite en visio ou peu importe, ou en réunion, vont se retrouver confrontés à des questions pour lesquels ils n'ont pas toujours les réponses, voire ils ne sont pas d'accord."
Du coup, "tu te retrouves en tant que manager devant ton équipe à devoir répondre à des questions sur un sujet que t'as appris en même temps qu'eux, et t'as pas eu les supports, t'as pas eu... Bah tes collaborateurs, ils disent, bah à quoi tu sers ? En fait, pourquoi tu es là si tu n'as pas les réponses sur ces questions stratégiques ?"
Le piège est d'autant plus pernicieux que "certains sont plus à l'aise dans le numéro de claquette que d'autres, mais si tu n'es pas d'accord avec ce qui a été annoncé, c'est facile de dire 'les gars, moi je n'en sais rien, allez voir le patron', parce que franchement, c'est du grand n'importe quoi."
Le piège du manager non convaincu
Alexis pose un principe simple mais redoutable : "idéalement, on devrait éviter au maximum, ce n'est pas toujours facile, la situation dans laquelle quelqu'un de ne pas convaincu doit convaincre son équipe d'un changement."
La logique semble évidente : "il faut vérifier que vous avez bien atteint l'étape de : les relais sont à minima convaincus ou comprennent vaguement de ce qu'il s'agit avant que ça cascade parce que sinon, c'est la cascade de traviole."
La vraie vie vs l'idéal
Les défis de la communication dans l'urgence
Appliquer la théorie n’est pas toujours simple... Mélanie partage la réalité concrète d'Intériale avec des exemples parlants : "On a eu des réponses à des appels d'offres. On n'allait pas le faire en cascade. Le moment où on a la réponse à l'appel d'offres qui est positif, on convoque, on appelle ça des coffee meetings. On a les deux derniers coffee meetings, on avait plus de 400 collaborateurs qui se sont connectés."
Quand c'est une bonne nouvelle, ça passe. Mais quand il faut annoncer "qu'on a perdu l'appel d'offres santé du ministère de l'intérieur qui concerne quand même 200 000 adhérents, c'est les managers qui derrière vont devoir répondre aux questions etc, mais ils ont eu pour la plupart l'information en même temps que tout le monde".
Le décalage entre intention et réalité
Mélanie reconnaît lucidement l'écart entre les bonnes intentions et la pratique : "dans la vraie vie, on se dit systématiquement au comex : attention, il faut qu'on envoie le support au manager en amont parce qu'après le coffee meeting, il y aura des questions. Mais en vrai, dans la vraie vie, on n'a pas eu le temps de sortir le support."
En effet, "une décision, ce n'est pas juste une annonce, c'est plein de conséquences, et qu'en même temps qu'on prépare l'annonce, on travaille sur les conséquences. Mais donc, on ne prend pas toujours le temps de créer le support et donner le temps d'avance au manager."
L'exemple concret de la réorganisation
Un cas d'école chez Intériale : "on a changé notre organisation, on l'a travaillé en septembre 2024. À partir de septembre 2024, on avait des choses assez posées. On l'a annoncé au direct à nos N-1 en décembre 2024, mais on a commencé à mettre en place des choses en janvier."
Résultat mitigé… "Clairement, tous les managers n'avaient pas eu le temps de digérer leur propre sort" avant de devoir en parler à leurs équipes. Mélanie assume : "On sait pourquoi on l'a fait vite. On avait de bonnes raisons pour le faire de cette façon. N'empêche, qu'avec toutes nos meilleures intentions, en ayant pris le temps de donner en amont les éléments, on n'avait pas laissé suffisamment de temps de digestion."
S'adapter aux contraintes business tout en gardant les principes
La conduite du changement, un arbitrage permanent
Alexis pose le cadre avec pragmatisme : "Globalement, la conduite du changement, plus vous voulez sécuriser un changement, c'est-à -dire éviter que ça se passe mal, avoir le plus de personnes embarquées, le moins de réfractaires, plus ça va être long et lent."
L'arbitrage est inévitable : "Si vous voulez aller vite, ou que vous devez aller vite, parce que vous n'avez pas le choix, faites de votre mieux. Mais mécaniquement, il y aura quelque part des petites mutineries, des gens qui n'ont pas compris. Et donc, après, c'est la vraie vie. On fait comme on peut."
Compenser par la présence terrain
Quand l'idéal n'est pas possible, Mélanie a sa stratégie de rattrapage : "l'enjeu, quand on n'a pas réussi à être suffisamment prêt pour ça, pour le faire de la bonne manière, c'est d'être sur le terrain, de s'assurer que nous, aux côtés de nos managers, on est présent, on répond aux questions, on va chercher les réponses si on ne les a pas, d'être à l'écoute des collaborateurs."
Cette présence compensatrice est vraiment nécessaire : "c'est juste, c'est pas aussi structuré qu'on aurait voulu le faire, mais au moins, cette présence, cette écoute, le fait de ramener, de prendre les questions, d'y répondre vraiment, rapidement, etc., ça permet de compenser le fait de ne pas avoir pu le faire à la manière idéale."
Les outils de rattrapage concrets
Quand on n'a pas pu faire "idéal", Mélanie a développé plusieurs solutions de rattrapage. Son rôle de DRH devient alors celui d'une chef d'orchestre de la communication de crise qui anticipe et organise l'après-coup.
Elle détaille sa boîte à outils pour gérer l'après-annonce : "Comment on gère la transmission des éléments de langage ? Est-ce qu'on a un support ? Est-ce qu'on n'a pas de support ? Comment on fait ? Est-ce qu'après, on fait un message, un mail, pour justement commencer à donner, enfin, synthétiser ce qu'on a dit, donner des éléments de réponse, etc."
Concrètement, cela se traduit par une mobilisation immédiate : préparation rapide d'éléments de langage pour les managers, synthèse écrite de l'annonce, récupération des questions terrain et préparation des réponses pour rattraper en réactivité ce qu'on n'a pas pu anticiper en amont.
L'avantage de la taille humaine
Intériale bénéficie d'un atout précieux : "On a la chance d'être 430, donc même si on a trois sites, on a des managers de bon niveau sur chacun des sites, et puis après, des managers de bon niveau pour nos équipes commerciales sur le terrain, et donc on arrive à avoir cette proximité-là ."
Cette proximité permet de "compenser avec cette présence terrain après ces grosses annonces". Un luxe que n'ont pas forcément les grandes structures, comme le reconnaît Mélanie : "Je ne sais pas comment les grosses entreprises font."
Le rôle de vigie de la DRH
Face à ces défis, Mélanie a défini clairement son rôle : "Mon rôle en tant que directrice du capital humain, quand on travaille ce type de choses, c'est toujours de dire, attention, est-ce qu'on donne un temps d'avance au manager ? Comment on gère la transmission des éléments de langage ?"
Son job, c'est d'être la vigie qui rappelle systématiquement les bonnes pratiques : "Est-ce qu'on a un support ? Est-ce qu'on n'a pas de support ? Comment on fait ? Est-ce qu'après, on fait un message, un mail, pour justement commencer à donner, enfin, synthétiser ce qu'on a dit, donner des éléments de réponse, etc. Mon rôle, c'est d'alerter. Et après, on fait avec la vraie vie."
Cette approche pragmatique résume parfaitement l'esprit des trois piliers de Mélanie : des principes clairs, une méthode structurée, mais toujours avec l'adaptabilité nécessaire pour composer avec les réalités business. Car au final, l'objectif reste le même : faire des managers les véritables alliés de la transformation plutôt que ses points de blocage.
Les managers deviennent alors ce qu'ils doivent être : la courroie de transmission entre la vision stratégique et la réalité opérationnelle, les traducteurs du changement auprès des équipes, et finalement les garants de la réussite de toute transformation d'entreprise.
EN CONCLUSION
Que retenir des réponses à la question : Comment utiliser les managers pour transformer l'entreprise ?
Transformer une entreprise sans ses managers, c'est un peu comme vouloir traduire un livre sans connaître la langue. Possible en théorie, catastrophique dans la pratique. Mélanie nous le montre avec clarté : les managers ne sont pas juste des relais, ils sont les piliers de toute transformation réussie.
Ses trois piliers - parler management, développer par la pratique, et communiquer en amont - ne relèvent pas de la recette miracle mais du bon sens structuré. Comme elle le résume : "Mon rôle, c'est d'alerter. Et après, on fait avec la vraie vie." Une approche pragmatique qui reconnaît que la perfection n'existe pas, mais que la méthode, elle, fait la différence.
Alors, prêts à faire de vos managers vos meilleurs alliés ?
Vous pouvez contacter Mélanie sur LinkedIn
Ressources recommandées par Mélanie :
Le livre Révéler les talents enfouis de Jacques Lebeau
Le livre L'intelligence collective de Marine Simon et autres auteurs
Le livre Réinventons le Faire Ensemble de l'Université du Nous
Le site de l'Université du Nous pour une source d'inspiration sur les outils managériaux et collaboratifs

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