Comment préserver la santé mentale des RH ?
- Alexis et Philippe
- il y a 14 minutes
- 15 min de lecture
Avec Pierre-Etienne Bidon, cofondateur et co-CEO de Moka.care

Pierre-Etienne Bidon est le cofondateur et co-CEO de Moka.care avec Guillaume d'Ayguesvives, une solution dédiée à la prévention de la santé mentale en entreprise. En plus de diriger cette entreprise en pleine croissance.
Moka Care propose aujourd'hui la solution la plus complète de prévention sur tous les sujets de santé mentale en entreprise. Avec plus de 320 entreprises clientes dans 17 pays et 250 000 collaborateurs accompagnés, l'entreprise déploie des dispositifs digitaux et humains pour permettre un accompagnement personnalisé. L'objectif ? Aider chaque collaborateur à trouver le soutien dont il a besoin, tout en donnant aux RH les outils pour prévenir efficacement les problèmes.
Après un premier épisode avec Guillaume d'Ayguesvives sur le sujet du care management, garant de la santé mentale, aujourd’hui dans cet épisode du podcast du Human Factor de Yaniro, Pierre-Etienne va nous partager ses réponses à une question qui nous interpelle de plus en plus chez Yaniro :
Comment préserver la santé mentale des RH, ces professionnels en première ligne face aux défis émotionnels de l'entreprise ?
Pourquoi ce sujet mérite-t-il notre attention ? Parce que les chiffres sont frappants : 45% des RH sont à risque de burn-out contre 30% pour la population moyenne – un écart de 15 points ! Cette différence soulève pas mal de questions sur les spécificités de ce métier et comment protéger ceux qui veillent habituellement sur les autres. Pierre-Etienne résume bien cette idée avec la métaphore du masque à oxygène dans l'avion : "Mets d'abord ton masque avant de mettre celui de ton enfant ou de la personne vulnérable à côté de toi." Les RH doivent d'abord prendre soin d'eux-mêmes pour pouvoir efficacement s'occuper des autres.
I. ÉTAT DES LIEUX : COMPRENDRE LA SANTÉ MENTALE ET SES ENJEUX SPÉCIFIQUES POUR LES RH
Qu'est-ce que la santé mentale ?
Quand on parle de santé mentale, on se heurte encore à pas mal d'idées reçues. Pierre-Etienne rappelle qu'au lancement de Moka fin 2019, ce terme était encore quasiment tabou : "Quand on cite le terme santé mentale, à l'époque, il y a beaucoup de réactions plutôt négatives. D'abord, c'est très tabou. Ah, mais santé mentale, ça fait hôpital psychiatrique, ça fait fou, ça fait Saint-Anne... Ce n'est jamais une dynamique positive."
Pour dépasser ces préjugés, Pierre-Etienne s'appuie sur la définition de l'OMS qui repose sur quatre piliers :
Faire face aux défis de la vie (deuil, problèmes de couple...),
Réaliser son potentiel,
Travailler de façon productive,
Et contribuer à la vie d'une communauté (famille, entreprise, association...).
Cette définition montre bien que la santé mentale n'est pas uniquement l'absence de maladie.
Moka distingue trois niveaux d'action :
La maladie : elle concerne environ 2% de la population française (dépression clinique, etc.)
Les sujets conjoncturels : ce sont les situations de vie difficiles, comme un deuil, une séparation, ou des défis professionnels comme devenir manager
L'hygiène mentale : comment prendre soin de son mental au quotidien
Comme le résume Pierre-Etienne : "On a une santé physique, on a une santé mentale, c'est pas plus compliqué que ça. Il n'y a pas plus de tabou que ça derrière."
L'équation du stress : l’enjeu vs les ressources
Pierre-Etienne introduit une équation simple mais puissante :
"Le stress est la différence entre l'enjeu que tu perçois d'une situation et les ressources disponibles dont tu disposes pour gérer cette situation".
Cette équation correspond à la pyramide moyens-exigences. Quand on a une base de moyens suffisante (compétences, temps, soutien, outils) pour porter les exigences demandées, la pyramide est stable. Mais quand le niveau d'exigence dépasse les moyens disponibles, on obtient une "pyramide inversée" qui, si elle persiste, peut mener progressivement au stress chronique, puis au burn-out.
Ce déséquilibre est particulièrement marqué chez les RH qui font face à des exigences croissantes sans toujours bénéficier d'une augmentation proportionnelle de leurs ressources.
Des chiffres qui alertent
Les données recueillies par Moka.Care, qui a récemment mené une étude avec le CHU Paris et l'IFOP auprès de 2300 personnes dont 400 RH, dressent un tableau préoccupant :
31% des RH se déclarent en état de mal-être mental selon un questionnaire validé par l'OMS ;
9% sont en détresse psychologique ou en état de dépression clinique, un chiffre nettement supérieur à la moyenne de 2% dans la population générale ;
63% des RH souffrent de troubles du sommeil dus à leur travail (contre 55% pour la population moyenne) ;
La fatigue chronique touche 50% d'entre eux (vs 46% en moyenne) ;
45% ont déjà dû s'arrêter quelques jours pour des raisons de santé mentale, contre 36% en moyenne.
4. Des signaux faibles à ne pas négliger
Au-delà des stats globales, Pierre-Etienne insiste sur l'importance de repérer les signaux faibles, comme des problèmes de sommeil ou de la fatigue chronique, qui annoncent souvent des problèmes plus sérieux. Pour le RH, il est donc essentiel d'être "alerte, formé, sensibilisé à ses propres signaux faibles. Il y a des gens, que ce soit en RH ou pas, qui savent très bien que quand ils sont plus stressés, ils ont mal au ventre, ils ont mal au dos, ils ont des difficultés à s'endormir."
Pour les entreprises, les arrêts maladie en "pointillés" (contrairement aux arrêts pour raisons physiques - souvent longs mais concentrés) sont bien souvent caractéristiques d’un problème de santé mentale. "Deux jours d'arrêt, trois semaines après, tu vas avoir trois jours d'arrêt, deux semaines après, tu vas prendre une semaine, après tu vas reprendre un jour, après deux jours" : ce pattern non seulement crée davantage de désorganisation pour l'entreprise, mais constitue aussi un indicateur d'une souffrance psychologique qui s'installe dans la durée.
Ces signaux sont d'autant plus importants à surveiller chez les RH qui, par nature, ont tendance à minimiser leurs propres difficultés pour se concentrer sur celles des autres.
Le mythe du professionnel immunisé
Alexis souligne un phénomène aggravant la situation : "Il y a un fantasme ou plutôt une croyance qui est que les professionnels du care, donc là-dedans, je vais mettre RH, psy, infirmiers, infirmières, etc., parce que c'est leur métier, sont à l'aise ou immunisés à la pression émotionnelle."
La réalité est bien différente. Certes, ces professionnels peuvent développer des compétences spécifiques pour gérer cette charge émotionnelle, mais ils n’en restent pas moins fondamentalement humains et donc vulnérables. Comme le dit Alexis en parlant de ses amis thérapeutes : "Un des grands tabous, c'est que, en fait, les psys, ils en bavent !"
Et souvent, les RH souffrent en silence, avec ce sentiment qu'ils "devraient savoir faire" puisque c'est leur métier…
Des cas concrets de plus en plus extrêmes
L'une des évolutions les plus préoccupantes est l'aggravation de la nature des situations que les RH doivent gérer :
"Ce à quoi on est en train d'assister en ce moment sur les populations RH, c'est une augmentation de la fréquence des situations extrêmement intenses, et une augmentation de leur intensité en tant que telle."
Quelques exemples concrets qu’a pu voir Pierre-Etienne chez ses clients :
Dans une grande banque de détail française : "Là, il y a trois semaines, ce qui s'est passé, en fait, c'est 4,68 euros d'agio, un coup de couteau."
Dans une chaîne de grande distribution discount : "Le conseiller en magasin se fait couper l'oreille par la personne qui remonte la difficulté du ticket de caisse."
Ces situations dépassent largement le cadre des problématiques traditionnelles que les RH étaient habitués à gérer, comme les situations de divorce ou les difficultés managériales.
II. POURQUOI LA SANTÉ MENTALE DES RH EST-ELLE PARTICULIÈREMENT IMPACTÉE ?
Pierre-Etienne identifie quatre facteurs principaux qui expliquent pourquoi les RH sont plus exposés aux risques psychosociaux que la moyenne.
Un métier aux multiples facettes
Le métier RH est sans doute celui qui présente la plus grande diversité de tâches au sein d'une entreprise : gestion administrative et paie, Learning & Development, recrutement, etc.
C’est cette diversité qui fait la richesse du métier, mais elle implique bien souvent une pression constante et du stress.
Une transformation profonde et accélérée du métier
Ces dernières années ont vu une augmentation massive des exigences envers les RH. Pierre-Etienne cite un chiffre frappant : "71% des RH ont déclaré que l'année 2020, donc l'année du Covid, a été l'année la plus stressante de leur vie". Et ce, parfois sur des carrières de plus de 20 ans !
Cette évolution s'explique notamment par :
Le passage brutal au télétravail pendant le Covid,
L'explosion de l'absentéisme (qui continue d'augmenter 4 ans après),
La gestion de situations inédites,
Ou encore l'augmentation des attentes en matière d'accompagnement.
3. Une position isolée dans l'organisation
À la fois aux côtés des collaborateurs et représentants de la direction, les RH se retrouvent parfois dans des positions paradoxales difficiles à gérer - comme les PSE : "Tu dois être au taquet, générer de la motivation, de la reconnaissance, et de l'autre côté, tu sais que tu es en train de préparer un PSE, et donc peut-être que la personne que tu es en train d'essayer de remotiver aujourd'hui, elle ne sera plus dans l'organisation demain".
Bref, une position parfois "schizophrénique"... Cette posture, où l'on doit parfois garder confidentielles des informations qui impacteront profondément les équipes qu'on accompagne, génère un stress considérable.
De plus, le RH est souvent la personne vers qui tout le monde se tourne en cas de problème, mais qui elle-même n'a pas toujours quelqu'un vers qui se tourner. Cet isolement renforce le sentiment de porter seul des responsabilités lourdes.
La charge émotionnelle invisible : le facteur souvent sous-estimé
C'est sans doute le facteur le plus méconnu et pourtant le plus impactant : 60% des professionnels RH considèrent l'épuisement émotionnel comme leur plus grand défi - avant même les enjeux techniques de leur métier.
Pierre-Etienne souligne que 1 RH sur 4 se sent trop impliqué dans la vie personnelle ou les problèmes de santé mentale de leurs collaborateurs, sans nécessairement avoir les outils ou la formation pour y faire face.
Contrairement à d'autres métiers du care comme les psychologues, qui bénéficient d'une supervision obligatoire inscrite dans leur code de déontologie, les RH sont généralement laissés à eux-mêmes pour gérer cette charge émotionnelle, alors même que leur métier a évolué :
"Là où le métier du RH, il y a cinq ans, était focalisé beaucoup plus sur de la construction, du build, de l'organisation, etc., aujourd'hui, il est centré sur des problématiques émotionnellement fortes : la gestion de l'absentéisme, la gestion de thématiques autour du harcèlement, la gestion d'intégration potentiellement de populations compliquées."
Cette combinaison d'exigences croissantes et de ressources qui n'augmentent pas proportionnellement crée une pyramide moyens-exigences inversée, qui devient rapidement une source de stress chronique si elle n'est pas rééquilibrée.

III. COMMENT PRÉSERVER LA SANTÉ MENTALE DES RH : LES SOLUTIONS AU NIVEAU ORGANISATIONNEL
Face à ces constats, Pierre-Etienne propose plusieurs approches pour que les organisations prennent mieux en compte la santé mentale de leurs RH. Ces solutions visent à rééquilibrer la pyramide moyens-exigences en renforçant la base de ressources disponibles.
Verbaliser et reconnaître la difficulté
La première étape, qui ne coûte rien mais change tout, consiste à reconnaître ouvertement la difficulté du travail demandé aux RH :
"Le fait de le reconnaître et d'en parler, de verbaliser la difficulté, permet tout simplement de se dire, oui, je sais que la personne qui m'a donné cette exigence est au courant du niveau d'exigence."
Cette reconnaissance permet de diminuer le sentiment d'isolement et de redonner du sens à la difficulté. Pierre-Etienne insiste sur l'importance d'expliquer pourquoi une tâche difficile est nécessaire : "Redonner du sens à la difficulté. Typiquement, tu dois repeindre la Joconde... En fait, derrière, tu vas avoir des millions de gens qui vont se presser au Louvre pour la voir."
L'intervision et la supervision pour les RH
Inspiré directement du monde des psychologues, Pierre-Etienne a développé chez Moka un système d'intervision et de supervision pour les RH :
"Comment, entre RH, que ce soit accompagné par un expert du sujet - ce que nous on peut faire - ou tout simplement parfois entre pairs, j'ai un endroit où je peux exprimer la difficulté que je traverse."
L'intervision consiste à réunir régulièrement un groupe de pairs RH pour partager des situations difficiles et bénéficier de conseils. La supervision fait intervenir un expert externe qui apporte un regard plus distancié.
Ces espaces offrent deux bénéfices majeurs pour les RH :
La validation de la difficulté : quelqu'un qui confirme que "c'est dur parce que c'est vraiment dur et ce n'est pas toi qui es nul"
Le partage de solutions concrètes : "Avoir quelqu'un en face de toi qui te dit, non, mais attends, moi, un PSE, j'en ai déjà fait 50 fois, je vais te donner des bons contacts"
Alexis, qui pratique lui-même la supervision en tant que coach, confirme l'importance de ce dispositif : "J'ai un superviseur, ça fait partie de mon métier, qui est donc un coach de coach globalement. J'ai un thérapeute aussi qui fait partie de mon hygiène de métier. Inenvisageable de faire mon taf sans ça. Pas possible."
NOTA : de son côté l'équipe Yaniro a accompagné et accompagne de nombreux et nombreuses DRH en coaching individuel pour les aider à trouver leur place sans être submergé.e.s
Responsabiliser collectivement : sortir du "tout repose sur les RH"
Une erreur fréquente dans les organisations consiste à faire des RH les seuls responsables de toutes les problématiques émotionnelles. Pierre-Etienne plaide pour une responsabilisation collective :
"Ce n'est pas uniquement le job des RH de gérer toutes les problématiques émotionnelles de tous les collaborateurs. Les managers, par exemple, ont aussi un rôle là-dedans. Les référents RPS ou santé mentale, si jamais il y en a, ont un rôle là-dedans".
Cette approche permet de répartir la charge émotionnelle entre plusieurs acteurs et de réduire la pression sur les équipes RH.
Alexis souligne que cette tendance à "tout porter" est particulièrement marquée chez les profils empathiques, souvent attirés par les métiers RH : "Souvent, c'est les profils empathiques qui vont vouloir porter ou avoir tendance à porter cette charge-là seule, alors que c'est aussi le rôle des managers, des dirigeants, etc."
Créer des communautés de “capteurs terrain”
Pour concrétiser cette responsabilité partagée, certaines organisations ont mis en place des réseaux d'alliés qui complètent l'action des RH sur le terrain. Pierre-Etienne cite deux exemples :
Chez Engie : une communauté de capteurs terrain formés pour identifier les signaux faibles
Chez Crédit Mutuel Arkea : des "bienveilleurs" qui jouent un rôle similaire
Ces dispositifs fonctionnent comme un réseau de "sentinelles" au sein de l'organisation, permettant d'agir plus tôt, avant que les situations ne se dégradent.
Utiliser des médiateurs externes pour les situations complexes
Pour les situations particulièrement délicates, notamment les conflits interpersonnels, Pierre-Etienne recommande de faire appel à des médiateurs externes :
"Si deux personnes ne s'entendent plus, qui n'arrivent plus à se parler. Ce n'est pas nécessairement facile d'un point de vue RH parce que tu n'es pas neutre. Tu représentes l'entreprise et donc potentiellement, tu vas représenter plus une personne qu'une autre, ou en tout cas dans leur perception."
Cette pratique, déjà courante dans d'autres domaines comme le droit de la famille ou de la consommation, peut dénouer des situations bloquées.
"Nous, on l'a mis en place dans beaucoup d'entreprises et on a été surpris de voir l'impact que ça pouvait avoir dans des situations qui étaient a priori complètement sclérosées."
Ces solutions organisationnelles visent toutes à augmenter la base de moyens pour soutenir les exigences, étant donné qu'il est souvent difficile de négocier à la baisse le niveau d'exigence.
Comme l'explique Alexis en reprenant la pyramide moyens-exigences : "Malheureusement, c'est vrai que dans pas mal de cas de figure, c'est difficile de négocier avec le niveau d'exigence. Il est comme il est." L'enjeu est donc bien d'élargir la base de la pyramide pour la stabiliser.
IV. COMMENT PRÉSERVER LA SANTÉ MENTALE DES RH / LES SOLUTIONS INDIVIDUELLES
Au-delà des dispositifs organisationnels, chaque RH peut mettre en place des pratiques personnelles pour préserver sa santé mentale. Pierre-Etienne partage plusieurs conseils concrets, tout en précisant d'emblée : "C'est une question à laquelle il n'y a pas de vérité parfaite. Il n'y a pas une recette de cuisine en disant, vous mettez 100 grammes de sucre, 200 grammes de farine, etc. et vous allez avoir la recette miracle. Ça ne marche pas."
S'auto-monitorer et reconnaître ses propres signaux faibles
Premier conseil : apprendre à lire ses propres signaux d'alerte précoce :
"Être alerte, formé, sensibilisé à ses propres signaux faibles. Il y a des gens, que ce soit en RH ou pas en RH, qui savent très bien que quand ils sont plus stressés, ils ont mal au ventre, ils ont mal au dos, ils ont des difficultés à s'endormir."
L'enjeu est de repérer ces signaux suffisamment tôt pour pouvoir agir, plutôt que d'attendre d'être au bord du burn-out.
S'entourer et cultiver ses relations
Pierre-Etienne souligne l'importance de maintenir des liens forts avec des personnes qui nous ressourcent, en dehors du cadre professionnel :
"Très souvent sur les RH, on a des profils qui sont assez empathiques et donc pour qui le fait d'être inclus dans une communauté, que ce soit une communauté familiale, amicale, associative, quelle qu'elle soit, va donner de l'énergie."
Sur le plan professionnel, Pierre-Etienne recommande également de rejoindre des communautés de pairs pour échanger et ne pas rester isolé :
"Il y a beaucoup de groupes Slack, de groupes Teams, de groupes en tout cas qui permettent aux professionnels des ressources humaines de poser des questions de façon ultra fluide à d'autres professionnels des RH."
Il évoque aussi l'importance d'identifier des "alliés" au sein de l'organisation :
"Pas des alliés dans le sens comme si c'était une guerre, ce n'est pas du tout ce qu'il faut avoir en tête, mais en tout cas, de se dire quelles sont les personnes en interne sur lesquelles je peux m'appuyer."
Ces alliés permettent d'avoir un espace sécurisé où l'on peut partager ses doutes sans avoir besoin de "jouer un rôle".
Distinguer empathie et compassion
Pour les RH naturellement empathiques, Pierre-Etienne conseille de bien faire la distinction entre l'empathie (comprendre ce que l'autre ressent) et la compassion (souffrir avec l'autre) :
"Compassion, c'est vraiment cette notion de souffrir avec quelqu'un qui vient te voir et qui te dit : bon, ok, je ne vais pas bien pour telle ou telle raison, etc. Ah, mon pauvre, ça doit être dur, etc. Et puis, tu claques la porte du bureau, tu arrives chez toi et en fait, tu continues à penser à cette situation, tu en parles à tes proches."
Il suggère plutôt d'adopter une posture de coach : "Le fait de développer une posture de coach, c'est-à-dire d'être beaucoup plus dans le questionnement que de trouver les solutions à leur place, a vraiment une puissance assez forte."
Cette approche permet de rester présent et aidant, tout en préservant sa propre énergie émotionnelle.
Connaître les limites de son rôle et savoir rediriger
Et surtout, ne pas oublier : "Le rôle du RH, ce n'est pas du tout un rôle de psychologue". Sinon, les RH se retrouvent à gérer des situations qui dépassent leur champ de compétences. Pierre-Etienne invite à se voir plutôt comme un "hub" qui oriente vers les bonnes ressources :
"Le rôle d'un RH tel que nous on le perçoit, c'est vraiment comment on est le hub pour rediriger la personne vers la bonne solution au bon moment. Bien sûr, s'il est possible de régler la situation directement en trois minutes, on va le faire, ce n'est pas ce que je dis. Mais en tout cas, de se dire, je suis RH, je ne suis pas psychologue."
Comme le souligne Alexis : "Vous n'êtes pas obligé d'être les sauveurs de tout le monde. C'est même plutôt une mauvaise pratique pour vous et pour les autres."
La métaphore des petits singes : apprendre à lâcher prise
Pierre-Etienne partage une métaphore de Sylvie Chauvin, directrice scientifique de Moka, celle des "petits singes" pour réussir à lâcher prise sur certains sujets qui sont complètement annexes :
"Quand tu es RH, tu arrives le matin et en fait, il y a quelqu'un qui t'interpelle. Et donc là, tu as deux réactions. Tu as soit la réaction où justement tu vas prendre un petit singe sur l'épaule. Et donc tu vois, tu en parles, tu rentres en meeting, en fait du coup, tu as une demi-heure de retard et plus tu prends de petits singes dans la journée, plus ton dos commence à se courber parce que tu en as 50 sur le dos et ça commence à faire lourd."
La solution proposée est d'apprendre à différer certaines demandes, sans les rejeter :
"Ok, écoute, je sais que ton sujet est super important. Ce que je te propose, prenons une demi-heure demain, tu mets un créneau dans mon agenda. Si jamais tu as le temps, tu m'envoies deux, trois points de contexte avant par Slack ou par Teams, ça me permettra d'y réfléchir en amont."
Cette approche présente trois avantages :
Le problème aura peut-être disparu de lui-même d'ici demain,
La personne pourra formuler sa demande plus clairement, à froid,
Le RH aura eu le temps de réfléchir à une réponse plus pertinente.
6. Savoir reconnaître quand un changement plus profond est nécessaire
Mais parfois, tout cela ne suffit… Alors, question difficile : celle du moment où il faut envisager un changement plus radical :
"Quand est-ce qu'on lâche prise jusqu'au point de se dire que peut-être on va faire autre chose ?"
Pierre-Etienne propose un critère simple mais profond :
"La capacité de te lever chaque matin avec l'envie d'aller au boulot, et la capacité de partir du boulot le soir avec l'envie de rentrer chez toi."
Pierre-Etienne précise que des hauts et des bas sont normaux : "Bien sûr, ça arrive à tout le monde de se lever et de ne pas avoir envie d'aller au boulot le matin. Ce n'est pas ce que je dis. Ce n'est pas au premier matin qu’on se dit : c'est bon, je change'."
La différence se fait dans la durée : "Par contre, si jamais ça se répète à trop de fréquences de se dire 'en fait, je n'ai pas envie d'aller bosser' ou 'je n'ai pas envie de rentrer chez moi le soir', bah là, ça doit alerter."
Alexis complète avec un autre tips : "Est-ce que ça fait 4 jours ou 4 semaines ou 4 mois ?" Quelques jours difficiles, c’est normal, mais plusieurs semaines ou mois de souffrance, ça doit nous alerter.
Pierre-Etienne conclut en rappelant l'importance d'écouter son corps : "On écoute assez peu le corps dans la culture occidentale. Pourtant, il y a plein de messages qui sont envoyés. On parlait tout à l'heure des maux de ventre, des maux de tête, des maux de dos." Ces signaux physiques peuvent être des indicateurs précieux de notre état mental.
CONCLUSION
Que vous soyez RH ou manager d'équipes RH, les pistes partagées dans cet épisode offrent des leviers concrets pour agir, tant au niveau organisationnel qu'individuel. De la supervision inspirée des pratiques des psychologues à la vigilance sur vos propres signaux faibles, ces outils vous permettront de rééquilibrer votre pyramide moyens-exigences.
Et vous, quelles pratiques allez-vous mettre en place dès demain pour préserver votre santé mentale ou celle de vos équipes RH ?
Vous pouvez retrouver Pierre-Etienne sur LinkedIn et découvrir Moka.Care sur leur site internet.
Ressources recommandées par Pierre-Etienne :
Le podcast Les secrets du mental par Guillaume d’Ayguesvives
Les livres de Charles Pépin, notamment Les vertus de l'échec, La Confiance en soi, une philosophie, ou encore La rencontre, une philosophie

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