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Comment fonctionne vraiment le modèle "No HR Department" ?

  • Alexis et Philippe
  • il y a 8 heures
  • 23 min de lecture

Avec Lancelot d'Hauthuille, co-DG France et Daniel Lourenço, Head of People Ops chez Octopus Energy France


Lancelot d'Hauthuille, co-DG France et Daniel Lourenço, Head of People Ops chez Octopus Energy France
Lancelot d'Hauthuille, co-DG France et Daniel Lourenço, Head of People Ops chez Octopus Energy France




Lancelot d'Hauthuille est co-directeur général et Daniel Lourenço est Head of People Ops chez Octopus Energy France. Octopus Energy, c'est un groupe international dont le centre de gravité est au Royaume-Uni, avec son siège à Londres. Le groupe a connu une croissance fulgurante : de zéro à numéro un du marché britannique en 10 ans, avec désormais 11 000 salariés dans le groupe. En France, l’entreprise compte aujourd'hui environ 450 collaborateurs et poursuit son développement rapide sur le territoire.

Octopus Energy est un fournisseur d'énergie nouvelle génération qui bouleverse le secteur avec une approche tech et centrée client. Leur modèle repose sur une plateforme technologique propriétaire qui optimise la distribution d'énergie, et sur une culture d'entreprise ultra décentralisée qui place l'autonomie et la responsabilité au cœur de tout. L'entreprise s'est fait connaître pour ses pratiques RH radicalement différentes, notamment à travers un article de leur fondateur Greg Jackson intitulé "j'ai créé une licorne sans service RH".

Dans cet épisode du podcast du Human Factor de Yaniro, Lancelot et Daniel partagent leur expertise sur un modèle organisationnel qui fait beaucoup parler - et qui divise - dans l'écosystème RH :


Comment fonctionne vraiment le modèle "No HR Department" ?

Et comment le mettre en place concrètement dans une entreprise en hypercroissance ?


Ce modèle fait débat. Certains y voient une révolution nécessaire, d'autres une mascarade ou un coup de com'. Pourtant, derrière le slogan provocateur se cache une philosophie organisationnelle très structurée : la décentralisation maximale des responsabilités RH. Pas de service RH centralisé qui gère tout, mais des RH partout - et surtout dans les mains des managers, qui deviennent les véritables DRH de leurs équipes.


Ce modèle interroge frontalement un système dominant dans la plupart des entreprises : celui de la centralisation de la fonction RH. Dans beaucoup de boîtes, les équipes RH deviennent des bureaux des plaintes submergés, les managers se déchargent de leurs responsabilités people sur les RH, et la distance avec le terrain crée de l'inertie. Octopus propose un autre chemin : rapprocher les décisions au plus près des gens, faire confiance aux managers, et libérer la puissance d'une organisation où chacun prend ses responsabilités. C'est un pari audacieux qui repose sur trois piliers : des outils bien pensés, des managers ultra-formés, et une culture d'entreprise très forte. Et ça fonctionne, à l'échelle de milliers de personnes.


“NO HR DEPARTMENT” : COMPRENDRE LA PHILOSOPHIE OCTOPUS


Le modèle "No HR" d'Octopus Energy fait couler beaucoup d'encre. Entre fascination et scepticisme, il interroge les pratiques RH traditionnelles. Mais au-delà du slogan provocateur, que se cache-t-il vraiment ?


  1. Ce que "No HR" veut vraiment dire


L'article de Greg Jackson qui a fait tant parler portait un titre choc : "j'ai créé une licorne sans service RH". Provocateur, certes. Mais trompeur ? Pas vraiment. Comme l'explique Lancelot, il faut bien comprendre la nuance : "C'est pas no HR tout court, c'est no HR department".


La différence est fondamentale. Il ne s'agit pas de faire disparaître la fonction RH, mais de refuser de la centraliser dans un service dédié. Pour Octopus, ne pas avoir de service RH, c'est avoir des RH partout. Dit autrement : plutôt que de concentrer l'expertise people dans une équipe spécialisée, l'idée est de la diffuser dans toute l'organisation, et surtout dans les mains des managers.


Ce modèle n'est pas né d'une lubie ou d'un coup de com'. Il répond à un enjeu très concret : préserver la culture d'entreprise en période d'hypercroissance. Quand on passe de zéro à 11 000 salariés en 10 ans, comme l'a fait Octopus au Royaume-Uni, le risque est énorme de perdre son ADN en route. Selon Lancelot, "c'est très difficile quand on grandit aussi vite comme ça de ne pas perdre un peu sa tête et de perdre sa culture d'entreprise". Et justement, cette approche ultra décentralisée est l'un des éléments les plus importants de la culture Octopus.


  1. La décentralisation comme principe fondateur


Un principe qui s'applique partout, pas seulement aux RH

Pour Octopus, la décentralisation ne se limite pas aux RH. C'est un principe de fonctionnement qui traverse toute l'organisation. L'idée maîtresse ? Être au plus près des gens, et placer la décision au niveau de ceux qui sont en contact direct avec les équipes ou les clients.

Lancelot donne un exemple parlant : le service client. Chez Octopus, il n'y a pas de script, pas de consigne ultra ferme. On ne dit pas aux agents "dans telle situation tu fais ça, dans telle autre tu fais ça". Au contraire, on leur donne le maximum de formation pour qu'ils puissent s'adapter, parce que "les êtres humains sont bien plus puissants, performants qu'un script". Par définition, un script sera toujours à côté de la plaque puisqu'il ne peut pas s'adapter à toutes les situations.

D'ailleurs, dans le service client, il n'y a pas de service niveau 1, niveau 2, niveau 3. Pas de service courrier séparé. Tout le monde fait tout. Les agents sont universels. Cette décentralisation radicale s'applique partout.

Cette logique s'applique pleinement aux RH. Pour Lancelot, "la personne dans une entreprise qui est la mieux indiquée pour traiter des relations avec les personnes, c'est le manager". C'est lui qui est au contact direct des équipes, qui connaît les personnes, leurs forces, leurs points de progression. C'est donc lui qui doit porter les décisions RH, avec le support de l'équipe People pour la technicité.

Concrètement, chez Octopus, un manager gère classiquement environ 10 personnes. Cela permet de créer un lien direct avec les personnes et de décentraliser l'ensemble des actions RH : mettre fin à une période d'essai, décider d'une augmentation, recruter dans son équipe... À chaque fois, le manager peut avoir du support RH pour apporter de la technicité, mais l'action et la décision restent décentralisées au plus près des personnes.


Pour Lancelot, cette approche a plusieurs avantages. D'abord, les jobs sont beaucoup plus intéressants et riches. Ensuite, même si c'est difficile - et ils en parlent ouvertement - cela responsabilise vraiment les managers. Il est tentant, reconnaît-il, de se dire "celui-là ça se passe pas très bien, je vais l'envoyer au RH, ils vont faire un plan de progrès et puis si ça ne se passe pas bien, ils vont gérer le départ". Chez Octopus, c'est exactement l'inverse qui se fait. Le manager est en front, c'est lui qui porte cette responsabilité, des choses positives comme des choses compliquées.


Un modèle qui prend plus facilement avec des équipes jeunes

Un élément intéressant qui facilite l'adoption de ce modèle : la boîte a "un peu moins de 33 ans d'âge moyen". Et comme le souligne Lancelot, "il y a pas mal de gens dont c'est leur première expérience et donc tout ça leur paraît complètement normal".

Pour ces personnes qui n'ont jamais connu un modèle RH traditionnel, la décentralisation est simplement la façon dont les choses fonctionnent. En revanche, "les personnes qui ont déjà bossé avant dans notre boîte, leur premier réflexe quand ils arrivent, c'est qu'il y a un truc, ils vont demander à Daniel ou à quelqu'un de son équipe". Il faut alors désapprendre ces réflexes ancrés.


Répondre à un problème classique : le bureau des plaintes

Cette approche décentralisée répond aussi à un problème que connaissent beaucoup d'équipes RH. Alexis le formule à sa manière : "on sait qu'il y a énormément de RH qui vont dire ah là là, mais en fait, chez nous, c'est le bureau des plaintes. Et en fait, c'est submergeant ce côté bureau des plaintes".

Sa question est percutante : est-ce que ce n'est pas un tout petit peu lié au fait que les plaintes en question sont juste des situations qui devraient être traitées au plus proche du terrain ? C'est-à-dire par l'encadrant ou l'encadrante directement, et pas par une petite équipe de 4 personnes qui doit traiter les problèmes de 11 000 personnes ?

C'est exactement ce que vise le modèle Octopus : éviter que les RH deviennent un goulot d'étranglement submergé de situations qui devraient être gérées en direct par les managers.


  1. Le rôle réinventé de Daniel : Head of People Ops


Dans ce contexte, que fait Daniel, le Head of People Ops ? Son rôle est assez singulier, et il le résume bien : "notre rôle, ça va être vraiment de les mettre en capacité" - "les" étant les managers. Pas question pour lui de faire à leur place, ou de devenir ce qu'il appelle "une espèce de paravent managérial" derrière lequel les managers pourraient se cacher.


Daniel utilise une formule qu'il a empruntée à Lancelot et qui résume parfaitement son job : "on est là pour faire faire, en fait. Et pas pour faire à la place". Son équipe apporte des outils, des formations, des conseils. Elle accompagne les managers sur le recrutement, sur l'administratif RH, sur la formation. Mais elle n'est jamais là pour prendre les décisions ou gérer les situations à leur place.


Le premier point de contact RH de tous les salariés chez Octopus, ce sont leurs managers. Pas Daniel. Pas son équipe. Les managers. Et pour que ça fonctionne, il faut les mettre en capacité de tenir ce rôle qui, comme le reconnaît Daniel, "n'est pas facile". On attend beaucoup des managers chez Octopus Energy.


Lancelot va même plus loin en décrivant le brief de Daniel : "faire en sorte que tout le monde fasse son taf". Et il ajoute, avec un sourire dans la voix : "un taf qui est assez amusant, c'est de faire en sorte d'être inutile. Ce qui est d'ailleurs aussi mon job". L'idée peut sembler étrange, mais elle est cohérente avec le modèle : si les managers sont parfaitement outillés et autonomes sur les sujets people, alors Daniel n'a plus besoin d'intervenir. C'est l'objectif ultime.


Bien sûr, comme le note Lancelot avec pragmatisme, "il y a toujours des choses qu'on ne prévoit pas, qui fait qu'on a toujours un petit peu de taf". Mais la mission reste la même : faire en sorte que les RH soient vraiment partout et que chaque manager soit DRH de son équipe.


  1. S'adapter aux spécificités françaises


Le droit français n'est pas le droit britannique

Si le modèle vient du Royaume-Uni, son application en France nécessite des ajustements. Lancelot rebondit sur un commentaire d'Alexis qui qualifie le modèle de "très anglais". "C'est intéressant que tu parles de très anglais", répond-il. Effectivement, la maison mère est anglaise. Et effectivement, "parfois les Anglais sont un peu perchés et oublient que le droit social français n'est pas tout à fait le même que le droit social britannique".


Il raconte une anecdote de sa première boîte, une entreprise américaine. C'était en 2000, au moment de l'éclatement de la bulle Internet. Du jour au lendemain, toute l'économie Internet s'est effondrée. Le patron américain a dit : "écoutez, demain, on fait moins 20% des effectifs". Du coup, 20% des effectifs ont fait leur carton et sont partis le soir même. La DRH était anglaise et a voulu faire pareil en France. "Et ça lui a pris un an pour faire la même chose qu'il a pris un jour aux États-Unis". La leçon ? Il y a des spécificités, et ces spécificités comptent.


L'intelligence du groupe : laisser chaque filiale adapter

Heureusement, Octopus l'a bien compris. Comme l'explique Lancelot, "c'est aussi l'intelligence du groupe c'est de laisser à chacune des filiales" - parce qu'ils sont présents dans pas mal de pays - "trouver un moyen d'appliquer un principe et de l'appliquer notamment aux spécificités de la France".

Le principe de décentralisation est posé. Mais son application concrète doit tenir compte du contexte légal et culturel de chaque pays. En France, le droit du travail est plus protecteur, plus technique, plus contraignant que dans beaucoup d'autres pays. Impossible de faire comme si ça n'existait pas.

C'est d'ailleurs pour ça que Daniel insiste sur le fait que "le cadre réglementaire français, qui est très technique, demande d'avoir aussi des experts pour pouvoir accompagner" les managers. On ne peut pas tout décentraliser quand certains sujets nécessitent une vraie expertise juridique pointue. L'enjeu, c'est de trouver le bon équilibre entre principe et contexte local : garder l'esprit du modèle tout en respectant les contraintes françaises.


CONCRÈTEMENT, QUI FAIT QUOI ? LA MÉCANIQUE DE LA DÉCENTRALISATION


La philosophie, c'est bien. Mais dans les faits, comment ça se passe ? Qui prend en charge quoi ? Sur quels sujets les managers sont-ils vraiment autonomes, et où ont-ils besoin de support ? Plongée dans la mécanique concrète du modèle Octopus.


  1. Ce qui reste centralisé (et pourquoi ?)


Tous les sujets RH ne se prêtent pas à la décentralisation. Et Octopus l'assume pleinement. Daniel l'explique simplement : "la paye est gérée par l'équipe People". Pourquoi ? Parce que "c'est quelque chose qui demande une certaine technicité".


Le principe de tri est assez clair : tout ce qui demande une très grande expertise technique reste géré par quelqu'un de spécialisé dans l'équipe People. La paye est l'exemple parfait, mais cela s'applique à d'autres sujets pointus du droit social français.

Daniel précise d'ailleurs que "le cadre réglementaire français, qui est très technique, demande d'avoir aussi des experts pour pouvoir accompagner" les managers. L'idée n'est donc pas de tout décentraliser à tout prix, mais de décentraliser ce qui a du sens. Pour reprendre les mots de Lancelot : "on essaie de faire quand ça a du sens".

Le critère de décision ? La balance entre expertise requise et capacité de formation. Si une compétence peut s'acquérir par de la formation sans nécessiter des années d'expertise, alors elle peut être décentralisée. Si elle demande une technicité pointue et une veille constante, elle reste centralisée.


  1. Le recrutement : une décentralisation progressive


Le recrutement est un bon exemple de décentralisation à géométrie variable. Selon la complexité du recrutement, le niveau d'autonomie des managers varie.

Pour les recrutements volumiques, notamment dans les équipes terrain (service client et forces commerciales, qui représentent environ deux tiers de l'effectif), les managers sont totalement autonomes. Lancelot raconte comment ça fonctionne : "aujourd'hui, nos équipes relations clients, elles sont totalement autonomes pour le recrutement".

Plus fort encore, le recrutement fait même partie des "spécialités" des agents du service client. Chez Octopus, les agents sont universels - pas de service niveau 1, niveau 2, niveau 3, tout le monde fait tout - mais chacun a des spécialités. Et il y a parmi ces spécialités une spécialité recrutement, mais aussi une spécialité onboarding. "C'est eux-mêmes qui recrutent leurs collègues", avec le final call donné aux responsables d'équipe. Et c'est eux aussi qui gèrent l'onboarding de leurs nouveaux collègues.


Comment en sont-ils arrivés là ? Grâce à un accompagnement initial fort de l'équipe Talent. Comme l'explique Lancelot, "les équipes recrutement ont été fondamentales pour mettre en place les process" : organiser la première journée de recrutement collectif, tisser des liens avec Pôle Emploi ou avec des agences locales. "Mais une fois que les liens sont mis en place, une fois que les process sont en place, elles se retirent". Elles restent disponibles si besoin, mais au quotidien, les équipes sont autonomes.


L'équipe Talent intervient aussi pour des formations spécifiques, par exemple sur la lutte contre les biais en recrutement. Mais toujours dans la même logique : "je suis en soutien et je fais faire", comme le répète Daniel.


Pour les recrutements plus complexes ou plus techniques, l'accompagnement est plus soutenu. Daniel explique que "ça va varier en fonction de la technicité du recrutement". Les équipes ont accès directement à leur ATS pour gérer les premiers entretiens. L'équipe Talent aide alors davantage, notamment sur la partie administrative de fin de process (offre, etc.), ou pour organiser des événements de recrutement groupé en collaboration avec France Travail. Mais même là, l'idée reste de "rendre le plus autonome possible les équipes et les managers".


  1. La rem' décentralisée avec garde-fous


La rémunération, c'est un sujet ultra sensible dans toutes les boîtes. Chez Octopus, la façon dont ça fonctionne est assez radicale : le manager propose, le N+2 valide, point. Pas d'intervention RH dans le process de décision. Évidemment, un salarié peut demander une augmentation, ça existe dans toutes les boîtes. Mais pour les propositions d'augmentation, c'est le manager qui a l'initiative.


Alors, est-ce que ça veut dire que c'est le far west ? Pas du tout. Lancelot est très clair sur le rôle de l'équipe People : "là où le taf est hyper important, c'est d'aller vérifier". Vérifier quoi ? Que la politique de rémunération est bien appliquée de manière équitable.


Octopus a une politique de rem' qui est privée - comme la plupart des boîtes. Mais Lancelot raconte qu'au départ, quand ils étaient encore une petite structure, des salariés demandaient que les salaires soient publics. Leur réponse a été intéressante : "si vous voulez rendre votre rem' publique, pas de problème, publiez-la, mais c'est pas à nous employeurs de prendre la décision pour vous".


Les salaires sont donc privés. Mais - et c'est là que c'est intéressant - ils se sont "toujours promis d'agir comme si elles étaient publiques". Dit autrement : dans toutes les boîtes il y a des écarts, il y a des gens mieux payés que d'autres. Mais chez Octopus, ils veulent "toujours être en capacité de pouvoir dire oui, il y a cet écart, voilà pourquoi" : parce qu'il y a un bench, parce qu'il y a la séniorité, parce qu'il y a une compétence rare, etc.


Et comme le modèle est décentralisé, il peut y avoir des moments où ça diverge. Un manager peut avoir une politique différente d'un autre. C'est là où le boulot d'une fonction centralisée a vraiment du sens : "aller checker derrière, faire des stats, mettre en place des tableaux de bord", s'assurer que la loi est respectée (égalité de rémunération, non-discriminations), et même aller au-delà de ce qui est obligatoire.


Le système de contrôle est clair : "si on voit qu'un manager augmente toute son équipe de 10%, on va avoir ces discussions avec lui". Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi ? Et si l'écart n'est pas justifié, on corrige pour le futur. S'il est justifié, on sait l'expliquer. "C'est ça qui est important", conclut Lancelot.


  1. Les mobilités internes : le plus grand succès d'un manager


Sur les mobilités internes, Octopus a une position qui peut surprendre. Lancelot le dit clairement : "je dis à chaque manager que leur plus grand succès, ce sera que quelqu'un parte de leur équipe pour aller dans une autre équipe de la boîte".


Pourquoi ? Parce que ça veut dire que c'est une personne qui s'est développée et qui apporte une valeur incroyable à la boîte en arrivant dans un nouveau job avec une expérience préexistante et une connaissance de l'entreprise. "Les mobilités internes, c'est la crème", résume-t-il.


Le problème, c'est que plus les entreprises grandissent, plus il y a des distances entre les équipes, et plus on peut être tenté de garder les personnes qui sont hyper performantes. Chez Octopus, on encourage de manière extrêmement forte les managers à favoriser les mobilités internes.


Et là encore, les équipes People ne sont pas impliquées dans les mobilités internes. Parfois en conseil - par exemple si un manager n'est pas à l'aise pour faire un feedback négatif à un candidat interne motivé - mais jamais pour prendre la décision. C'est totalement décentralisé.


  1. Les sujets difficiles : performance et départs


C'est peut-être l'aspect le plus impressionnant - et le plus “flippant” - du modèle Octopus. Sur les sujets de performance et de départs, le manager est en première ligne. Point.

Daniel est cash sur ce sujet, l'expression : "ce n'est pas moi, c'est les RH : ça n'existe pas chez nous". Pas question pour un manager de se cacher derrière un service RH pour gérer une situation difficile. Pas de "je vais l'envoyer au RH, ils vont faire un plan de progrès et puis si ça ne se passe pas bien, ils vont gérer le départ".


Lancelot va au bout de la logique : quand on s'aperçoit qu'il y a "un écart qui se creuse entre l'attente de l'entreprise et là où est la personne", c'est le manager qui porte cette responsabilité. Pour lui, "mettre le manager au centre de ça, c'est hyper flippant" - et ils en ont conscience, ils ont ces retours de leurs managers. "Mais les mettre au centre de ça, ça les rend vraiment comptables et ça leur permet d'exercer la totalité de leur responsabilité de manager".


C'est aussi une question de vitesse de détection. Pour Lancelot, "quand on grandit très vite, on recrute aussi assez vite, c'est hyper important pour nous et aussi pour les personnes concernées de détecter vite quand ça ne fonctionne pas". Pourquoi ? Parce que "plus on est lent, plus on crée des situations compliquées pour l'entreprise mais aussi pour les personnes".


Il insiste : "d'être pas assez rapide, en fait on fait plus de mal même aux personnes qui finiront par partir, mais partir plus abîmées". C'est la responsabilité de l'entreprise d'être suffisamment rapide - pas de prendre des décisions à l'emporte-pièce, mais d'avoir le bon rythme et d'être résolu sur ces sujets.


Daniel résume bien l'impact de cette approche : "je trouve que ça développe le courage managérial". Parce que oui, c'est pratique pour certains managers de se cacher derrière les RH. Mais chez Octopus, ce n'est pas possible !


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LES INGRÉDIENTS POUR FAIRE FONCTIONNER LE MODÈLE


Un modèle de décentralisation aussi poussé ne tient pas tout seul. Il repose sur trois piliers indissociables : des outils bien pensés, des managers ultra-formés, et une culture d'entreprise très forte. Sans ces trois ingrédients, le système ne peut fonctionner.


  1. Les outils et systèmes au service de l'autonomie


Un SIRH pensé pour le self-service

Pour que les managers puissent vraiment porter leurs responsabilités RH, il faut leur donner les moyens de le faire. Et ça passe d'abord par des outils pensés pour l'autonomie.

Daniel explique que leur SIRH est "vraiment orienté self-service pour les managers". Concrètement, n'importe quel manager peut déclencher une demande d'augmentation, une mobilité interne, un changement d'équipe. Tout est accessible directement, sans avoir à passer par l'équipe People pour chaque action administrative.


Un centre d'aide avec IA en construction

Mais Octopus ne s'arrête pas là. Ils sont actuellement en train de construire un centre d'aide, à la fois pour tout le monde mais aussi orienté manager, "sur lequel on pense mettre une couche d'IA pour qu'elle puisse apporter une réponse de premier niveau à tout le monde".


Pourquoi ? Parce que Daniel et son équipe se sont rendu compte qu'"on répondait souvent aux mêmes questions". Et comme le soulignait Alexis dans la conversation, "c'était un petit peu idiot de perdre son temps là-dessus, alors qu'on doit se concentrer sur d'autres sujets".

L'idée est de distinguer l'information du vrai support où l'équipe People va avoir une vraie valeur ajoutée.


Ce projet n'est pas né de nulle part. Daniel mentionne avoir eu "des discussions il y a un petit moment avec les people d'Alan", qui sont très avancés sur ces pratiques. "C'est vrai que ça a été assez inspirant", reconnaît-il. C'est un projet du groupe, quelque chose qu'ils sont en train d'installer au niveau groupe, et c'est "un des relais pour ne pas avoir à s'appuyer uniquement que sur les managers".


Les systèmes people : qui les crée ?

Au-delà des outils tech, il y a aussi les systèmes people : les politiques, les cadres dans lesquels les managers peuvent opérer. Et là, la question est : qui crée ces systèmes ?

Daniel répond : "ça vient de la direction générale, de manière générale". Il prend l'exemple de la charte télétravail : "c'est une volonté de la direction générale". Après, la production technique de la charte, c'est plutôt dans son équipe. Mais pour le cadre global de ce qui est mis en place, c'est bien une décision de direction.


Lancelot précise leur mode de fonctionnement : ils sont trois co-directeurs généraux qui pilotent l'entreprise au quotidien (plus précisément une co-directrice générale et deux co-directeurs généraux). Un président a un boulot plus de représentation et est moins au quotidien dans la gestion. La gestion d'entreprise, ils la font vraiment à trois.


Et Daniel ? Factuellement, il est dans l'équipe de Lancelot. Mais dans les faits, ils ont "un fonctionnement tripartite" où ils sont tous les trois très impliqués à des degrés divers. Chacun a ses zones d'influence : Céline, la directrice générale, est très impliquée dans tout ce qui est formation. Joanny (CTO) plutôt dans ce qui est bureau, événements. Ils ont des points tous les trois régulièrement avec Daniel pour caler les éléments structurants qui pourraient définir une forme de politique.


Il y a aussi une transparence des salaires au niveau direction. Daniel l'explique : "il y a quand même un niveau de transparence à ce niveau-là, au niveau de la direction". Ils se partagent les salaires de toutes les équipes justement pour veiller à ce qu'il n'y ait pas trop d'écart entre des profils similaires. Une façon de s'assurer que la décentralisation ne crée pas d'incohérences.


Désapprendre les réflexes ancrés

Dernier point sur les outils : changer les réflexes ancrés. Car le plus gros chantier, ce n'est pas toujours technique. C'est culturel.


Lancelot le dit très clairement : beaucoup de personnes qui ont déjà bossé avant d'arriver chez Octopus ont un premier réflexe quand il y a un problème avec leur manager ou qu'un manager a un problème avec quelqu'un de son équipe. Ils prennent leur téléphone et envoient un message Slack à Daniel ou quelqu'un de son équipe. "Et en fait, la réponse de Daniel, c'est : ben non en fait, si tu as besoin d'aide, je peux te donner un contexte, un conseil, sinon tu en parles à ton propre manager".


Daniel confirme : "la réponse qu'on apporte le plus souvent aux personnes chez Octopus Energy, c'est : vois avec ton manager". Il faut désapprendre ce réflexe qui est installé de dire "problème avec les gens = j'en parle au RH". Et ça, ça prend du temps.


  1. Former et accompagner des managers à la hauteur


Un parcours de formation commun et exigeant

Les outils, c'est bien. Mais sans formation, ça ne sert à rien. Et Octopus ne lésine pas sur ce volet. Daniel est très clair : "déjà, on va beaucoup te former". Tous les managers chez Octopus passent par le même parcours de formation. Ils travaillent avec Ignition, tous les managers passent par SpineUp. "L'idée étant vraiment de leur donner la même boîte à outils", que ce soit en recrutement, sur comment donner un feedback, etc.


Mais ça va plus loin. Ils forment tout le monde à la communication non-violente, ils les sensibilisent aux risques psychosociaux, aux violences sexistes et sexuelles. L'idée est vraiment de leur donner une boîte à outils commune.


Et ça ne s'arrête pas là. Daniel explique qu'actuellement, "on est en train de travailler sur une formation interne pour pouvoir aller plus loin". L'objectif ? Transmettre la culture managériale d'Octopus. Qu'est-ce qu'on attend chez Octopus Energy d'un manager qui n'est pas forcément attendu dans une autre boîte ? Une formation aussi plus axée people sur tous les outils à leur disposition, ce qu'ils peuvent faire, ce qu'ils ne peuvent malheureusement pas faire, ce que le droit les autorise à faire.


Pour Daniel, "ça passe énormément par la formation". C'est un des deux grands axes avec les outils.


Le coaching : interne et international

Mais la formation ne suffit pas. Il y a aussi le coaching. Et là, Lancelot apporte un complément important. Au-delà de la formation, "on utilise beaucoup le coaching interne entre managers". Mais aussi, et c'est là que c'est intéressant, ils s'appuient sur le groupe.


Comme ils ont la chance d'être un groupe assez gros à l'international, notamment les managers qui arrivent à des postes avec forte responsabilité, ils essaient d'identifier des alter ego dans le groupe qui ont déjà vécu ce qu'ils s'apprêtent à vivre. Lancelot utilise une formule : "ce qu'on dit souvent, c'est que le Royaume-Uni, c'est nous dans deux ans". C'est-à-dire qu'ils ont une très forte croissance, aujourd'hui ils sont 10 000 au UK, Octopus France est à 450. "L'idée, c'est qu'on suive le même chemin".


Du coup, ils peuvent trouver des personnes qui ont connu cette espèce de bouleversement qu'est l'hypercroissance et qui peuvent dire "oui, ça, j'ai déjà vu, ce que tu vis là, je l'ai déjà vécu". Ces personnes vont être d'autant plus pertinentes pour faire cet accompagnement.


La promotion interne comme règle

Autre élément clé : la promotion interne. Lancelot est très clair : "on recrute peu de managers". Ils en ont recruté, donc ce n'est pas un principe absolu. Mais le max qu'ils essaient de faire, c'est de la promotion interne.


Pourquoi ? Parce que du coup, "ça se place dans des parcours". Ce n'est pas quelqu'un qui pop du jour au lendemain. "Ça va être quelqu'un qu'on a placé dans une trajectoire". Tout ce que Daniel a décrit - les formations, le coaching - s'inscrit dans un parcours. Les personnes sont accompagnées progressivement vers leurs responsabilités managériales.


Un investissement assumé

Dernier point sur la formation : c'est un investissement assumé. Alexis soulève le sujet : on peut se dire que c'est difficile de se projeter dans le fait de confier autant de choses aux managers, peut-être parce que les managers sont encore "ceinture jaune". Mais ça se fait avec l'accès aux bons outils, le coaching, la formation, le temps, l'énergie passée pour les outiller.

Et Lancelot acquiesce totalement : "100% d'accord. Je ne crois pas à la génération spontanée. Un métier, ça s'apprend. Manager, c'est un métier à part". Et donc formation à fond.


Il met sa casquette de dirigeant : "tu parles d'un budget, c'est un budget, mais pour moi c'est pas une dépense, c'est un investissement". Pas une dépense perdue, vraiment un investissement. "Et derrière c'est profondément rationnel et rentable". Si on fait ça, c'est parce qu'on a la conviction profonde que l'entreprise est plus performante comme ça.


Et donc un cercle vertueux s'installe : on a des personnes qui ont des jobs plus intéressants, avec des responsabilités fortes, qui apprennent beaucoup de choses. Du coup, "on va attirer les personnes aussi qui sont intéressées par apprendre beaucoup de choses". Il y a quelque chose d'assez fort qui s'enclenche.


  1. Une culture d'entreprise qui porte le tout


Liberté et responsabilité : des dogmes non négociables

Les outils et la formation, c'est la base. Mais tout ça ne tient que s'il y a une culture d'entreprise très forte qui porte le modèle. Daniel identifie deux dogmes assez importants au sein d'Octopus Energy : liberté et responsabilité. Ces deux valeurs permettent "d'aller beaucoup plus vite, beaucoup plus loin, beaucoup plus fort".


La liberté, ça veut dire donner de l'autonomie. Et l'autonomie crée de l'agilité. Daniel l'explique bien : "donner plus d'autonomie, notamment sur la partie RH aux managers, ça évite énormément de bureaucratie". Ça demande à être très agile, mais ça permet d'aller beaucoup plus vite. "C'est une gymnastique qui permet aux managers d'être beaucoup plus flexibles dans leur approche des choses".


Avec l'autonomie vient la responsabilité. Et avec la responsabilité, il faut accepter l'erreur. Daniel le dit clairement : "on est aussi très attaché au droit à l'erreur". C'est-à-dire qu'on a le droit de se tromper, et ça aide aussi à prendre des décisions. Le rôle de manager chez Octopus n'est pas facile, Daniel le reconnaît, mais ce droit à l'erreur crée un filet de sécurité qui permet d'oser.


"Octopus n'est pas fait pour tout le monde"

Lancelot complète avec un élément culturel fort : "Octopus n'est pas fait pour tout le monde". C'est une phrase qu'on travaille avec les managers dans la partie culturelle. Et la phrase est presque choquante, reconnaît Lancelot. Mais elle est importante.


"On est une entreprise avec une culture très forte, avec un engagement assez fort". Lancelot parle même de "surhomme, surfemme", et reconnaît qu'il y a de ça. "Et c'est hyper ok que des personnes n'aient pas envie de ça. Il n'y a pas de problème". Ce qui est important, c'est d'être hyper clair sur ce qui est important pour nous et de trouver les personnes qui fitent avec ça. Et quand on arrive à trouver ça, il y a quelque chose de très fort qui se met en place.


Des exemples culturels forts : les congés second parent

Cette culture se traduit aussi par des positions fortes et des exemples concrets. Lancelot donne l'exemple des congés second parent : 12 semaines chez Octopus. Le principe, c'est que le congé post-partum est le même chez les hommes et les femmes. Avant l'accouchement, la personne qui porte l'enfant a des besoins différents physiquement. Mais après l'accouchement, dès lors que l'enfant est arrivé, "on considère, nous, qu'il a le même besoin d'accueil". Donc c'est la même durée.


Et ça, raconte Lancelot, ça a été posé par le groupe. "Nous on était trop fiers parce qu'on avait 5 jours de plus que l'obligation française, et en fait le groupe nous a dit : bah en fait non on veut aller plus loin". Pourquoi ? Parce que c'est transformatif à l'échelle sociale.

Ils ont même prévu un plan d'accompagnement pour lisser le départ : la personne part petit à petit, ses dernières semaines elle n'est plus qu'au 3/5ème. Pareil pour l'arrivée, une arrivée progressive pour que la boîte s'adapte à la présence de cette personne.


Une leadership team entière impliquée

Dernier point culturel important : ces sujets ne sont pas portés que par une seule personne. Lancelot insiste sur ce point. À l'échelle du groupe, parmi les managers de Greg Jackson, il y en a qui sont ultra impliqués dans des sujets qu'on pourrait dire RH. Le patron des opérations, clairement. Mais pas que lui. Lancelot donne un autre exemple : "la directrice marketing, par exemple, c'est elle qui a posé à l'échelle du groupe le fait qu'il y ait des congés second parent".


Ils font des blagues entre eux parfois, parce que c'est amusant : "ah bah en fait c'est lui le DRH du groupe", et puis un mois après une position sera prise par quelqu'un d'autre, et hop, c'est elle la DRH. Mais en fait, ce qui est important c'est que tout le monde dans la leadership team est ultra impliqué dans ces sujets. Les sujets people ne sont pas délégués à une personne. Ils sont partout.


Et ça, pour Daniel, "c'est une des recettes du succès d'Octopus aujourd'hui".


CONCLUSION


A la question : Comment fonctionne vraiment le modèle "No HR Department" ?


Ce modèle ne conviendra pas à toutes les entreprises. Et c'est ok. Comme le dit Lancelot, "Octopus n'est pas fait pour tout le monde". Mais il interroge des pratiques qu'on prend souvent pour acquises : la centralisation systématique des RH, les managers qui se déchargent de leurs responsabilités people, la distance entre les décisions et le terrain. Pour les DRH et dirigeants qui cherchent à redonner de l'agilité, à rapprocher les décisions des équipes, et à responsabiliser vraiment leurs managers, l'expérience Octopus offre des pistes concrètes et inspirantes.


Et vous, quels premiers pas de décentralisation pourriez-vous tester dans votre organisation dès demain ?


Vous pouvez contacter Lancelot d’Hauthuille et Daniel Lourenço sur LinkedIn.

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