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Comment faire de la formation un outil stratégique du business ?

  • Alexis et Philippe
  • 7 oct.
  • 19 min de lecture

Avec Pascaline Hazart, Directrice de l'Académie Accor Europe-Afrique du Nord


Pascaline Hazart, Directrice de l'Académie Accor Europe-Afrique du Nord
Pascaline Hazart, Directrice de l'Académie Accor Europe-Afrique du Nord



Pascaline Hazart est la Directrice de l'Académie Accor pour la région Europe et Afrique du Nord, l'université d'entreprise du groupe hôtelier mondial. Avec plus de 20 ans d'expérience dans le développement des compétences, elle a notamment travaillé chez L'Occitane en Provence avant de rejoindre Accor il y a trois ans, où elle a eu l'opportunité unique de restructurer entièrement l'organisation de l'Académie lors d'une fusion de régions.


Le groupe Accor, créé en 1967, est un leader mondial de l'hôtellerie avec plus de 45 marques (Ibis, Novotel, Mercure, Sofitel, Pullman...) présentes dans 110 pays. Cela représente 5 600 hôtels et plus de 350 000 collaborateurs à travers le monde. L'Académie Accor, créée il y a 40 ans, accompagne le développement des compétences de tous ses talents, des formations métiers terrain (réception, restauration, étages) aux programmes de leadership, en passant par les compétences transverses comme la qualité de service.


Dans cet épisode du podcast du Human Factor de Yaniro, Pascaline partage son expertise forgée par la gestion d'une académie qui forme 60 000 apprenants par an, sur :


Comment positionner le Learning & Development comme un business partner stratégique dans l'organisation ? Comment faire de la formation un outil stratégique du business ?


Ce positionnement représente un enjeu majeur pour toutes les entreprises qui veulent sortir la formation de son rôle de "nice to have" pour en faire un véritable levier de performance. Dans un secteur comme l'hôtellerie, confronté à des défis de turnover et de crise des vocations, transformer la formation en enabler business devient même une question de survie. Pascaline va nous livrer une méthode en 5 étapes concrètes, testée à l'échelle de centaines d'hôtels, pour faire du L&D un vrai partenaire des directions opérationnelles.


CONTEXTE ET ENJEUX : QUAND L'ACADÉMIE ACCOR SE RÉINVENTE


Avant de plonger dans la méthode, il est important de comprendre le contexte dans lequel évolue l'Académie Accor. Entre transformation digitale, modèle économique repensé et défis sectoriels, Pascaline navigue dans un environnement en perpétuelle évolution qui a façonné son approche stratégique du L&D.


  1. Le poids des chiffres : 350 000 collaborateurs, 60 000 apprenants par an


Quand on parle de formation chez Accor, on ne rigole pas avec les volumes ! Dans la région Europe et Afrique du Nord de Pascaline, ce sont près de 60 000 apprenants qui ont été formés l'année dernière. "Quand je te dis 60 000 apprenants, ce sont des personnes qui, à un moment ou à un autre, ont consommé une formation académie", précise-t-elle. "Consommer une formation, ça peut être : je prends un module en e-learning sur la politique RSE du groupe Accor. Ou ça peut être : je vais suivre un programme de développement de cinq mois sur le leadership."

Cette diversité reflète la complexité de l'écosystème Accor : des formations métiers très terrain (réceptionnistes, restauration, étages) aux programmes de leadership, en passant par toutes les compétences transverses. "La priorité, c'est quand même les formations métiers, donc plutôt formations très terrain", explique Pascaline. Mais l'Académie ne s'arrête pas là : elle accompagne aussi le management du quotidien avec des formations très opérationnelles comme la délégation ou la conduite de réunion, jusqu'aux programmes plus ambitieux comme le Global Leadership Program.


  1. De l'hôtel de formation à l'Asset Light et la transformation digitale


L'Académie Accor d'aujourd'hui n'a plus grand-chose à voir avec celle d'il y a 40 ans. À l'origine, c'était un véritable hôtel de formation à Évry, avec 150 à 200 collaborateurs qui accueillaient les stagiaires pour des semaines entières dans un environnement immersif. "Dans cet hôtel de formation, il y avait des personnes, des stagiaires qui venaient se former pendant des semaines entières. C'était un bâtiment dans le dur avec vraiment tous les éléments constitutifs d'un hôtel".

Mais le modèle Asset Light adopté par Accor a tout changé. Le groupe a décidé de devenir propriétaire de marques plutôt que de murs, confiant la gestion immobilière à des partenaires managés ou franchisés. Cette transformation s'est naturellement étendue à l'Académie : "L'académie, dans la mesure où les employés qui travaillent sous enseigne Accor ne sont plus des salariés du groupe Accor, l'Académie, elle aussi, est devenue un peu Asset Light".

Résultat : ils sont passés de 200 à 20 collaborateurs dans l'équipe Académie, avec un nouveau modèle basé sur un réseau de partenaires externes et une forte digitalisation. "Plutôt que : OK, tu es collaborateur dans un hôtel du groupe Accor, tu dois venir à Évry pour te faire former - c'est plutôt : attends, la formation va venir à toi". Cette approche combine déplacements en région, partenaires locaux et digital learning pour industrialiser certaines formations.


  1. Les défis du secteur hôtelier : turnover et crise des vocations


Au-delà des transformations internes, l'Académie doit composer avec les réalités du secteur. L'hôtellerie-restauration traverse une crise d'attractivité majeure, amplifiée par le Covid. "Il y a de manière très certaine un vrai sujet sur l'attractivité des métiers de l'hôtellerie et de la restauration", constate Pascaline. Cette crise des vocations a poussé de nombreux professionnels à se questionner : "Pourquoi je fais ce métier-là ? Pourquoi j'ai des horaires pareils ? C'est quoi mes conditions de travail ?"

Les conséquences sont directes sur la formation : face aux difficultés de recrutement, les hôteliers se retrouvent à embaucher "des profils beaucoup plus originaux, des personnes qui n'avaient pas forcément de qualifications, pas de formation académique". On recrute désormais au talent plutôt qu'au diplôme, ce qui transforme complètement les besoins en formation.

"On se retrouve finalement avec des personnes qui ne connaissent pas du tout le métier, qu'on recrute surtout au talent", explique Pascaline. "On recrute des personnalités, on recrute des personnes qui ont l'air d'avoir envie, qui n'ont pas peur de s'adresser aux clients, qui ont envie d'apprendre, mais qui, encore une fois, ont vraiment zéro expérience ni qualification."

Cette réalité impose un double défi à l'Académie : d'un côté, assurer un onboarding efficace pour transmettre rapidement le B.A.BA du métier, de l'autre, upskiller ces nouvelles recrues pour qu'elles puissent répondre aux exigences croissantes de qualité de service. Car les clients, eux, deviennent "de plus en plus exigeants", et les groupes hôteliers trackent avec une précision chirurgicale les KPIs de satisfaction : NPS, RPS (Reputation Score), GSS (Guest Satisfaction Score)...


LA MÉTHODE EN 5 ÉTAPES POUR DEVENIR UN BUSINESS PARTNER STRATÉGIQUE


Pour Pascaline, le passage d'une formation "alibi" à un véritable business partner ne s'improvise pas. Elle a développé une approche méthodique en 5 étapes, testée et affinée lors de la restructuration de l'Académie Europe et Afrique du Nord. Une démarche qui place l'alignement business au cœur de tout, loin des métriques RH traditionnelles.


  • Étape 1 : À l'écoute des vrais besoins clients


    Qui est le vrai client ? Déjà, ne pas se tromper de cible

La première étape peut sembler évidente, mais elle est souvent mal exécutée. "Tout le monde dit : Oui, bien sûr, il faut écouter le client. Mais d'ailleurs, moi, j'écoute le client", observe Pascaline. "Sauf que moi, personnellement, je pense qu'il y a plein de manières différentes, il y a plein de réalités différentes qu'on peut mettre derrière l'écoute des besoins clients."

Mais qui est vraiment le client ? Car il y a une différence fondamentale entre demander à des responsables d'hôtel quels sont leurs enjeux de performance, et distribuer un questionnaire à 70 collaborateurs en leur demandant sur quoi ils aimeraient être formés. Dans le second cas, "on est dans une boîte de 70, demander à ces 70 personnes, bon, vous aimeriez être formé sur quoi ? Mais ce n'est pas du tout la même question".


Ensuite, poser les bonnes questions

Pascaline illustre parfaitement cette problématique avec son analogie du sac à main. Imaginez une vendeuse qui fait une étude de marché de deux façons différentes :

Option A : "Je vais dans la rue, je montre trois couleurs de sac à main à une passante et je lui dis : Madame, est-ce que vous préférez le sac bleu, le sac vert ou le sac rouge ?"

Option B : "Comment est-ce que vous transportez votre téléphone portable, vous aujourd'hui ? Ah, dans un sac ! Intéressant. Mais ce sac, vous l'imaginez comment ? Ce serait quoi pour vous la bonne taille, la bonne couleur, la bonne matière ?"

Pascaline, évidemment, prône l'option B. Le piège, c'est que "énormément de personnes, au lieu d'écouter le besoin du client, leur font faire un feedback sur leur propre produit". Elles arrivent avec leur catalogue et demandent : tu préfères du présentiel ou du digital ? "C'est une mauvaise question. Quand je fais ça, je me fais plaisir à moi."


Enfin, se concentrer sur les enjeux business

La vraie écoute client, c'est partir du principe que "ces questions-là, entre est-ce qu'il faut du présentiel ou du digital, est-ce qu'il faut une demi-journée ou trois mois de formation, ça c'est à moi de le savoir. C'est à moi de le savoir parce que c'est moi l'experte learning."

L'expertise du L&D, c'est de traduire les enjeux business en solutions pédagogiques. Le rôle du client, c'est de partager "c'est quoi tes problématiques, c'est quoi tes préoccupations, c'est quoi tes enjeux, c'est quoi tes objectifs, c'est quoi les KPIs sur lesquels toi-même tu challenges ton équipe ?"

Cette approche évite le piège de la formation cadeau ou du divertissement : "On s'est dit, tiens, il faut remplir 4 heures dans un off-site. Du coup, on va avoir du divertissement, mais pas de la formation."


  • Étape 2 : Le diagnostic et la définition d'objectifs réalistes


Faire le tri dans les pain points identifiés

Une fois la collecte des besoins terminée, vient l'étape cruciale du diagnostic. "Moi, j'adore ce terme de diagnostic, qui est vraiment de se dire, je vais analyser tout ce qu'on va me dire et je vais faire mon diagnostic à moi", explique Pascaline.

Cette synthèse doit faire ressortir "les enjeux stratégiques et les vrais pain points sur lesquels on pense pouvoir apporter des solutions concrètes". Mais attention au piège : "on ne va pas pouvoir sauver le monde, on ne va pas pouvoir répondre à l'intégralité des pain points qui auront pu être soulevés."


Éviter le piège du programme fourre-tout

C'est là que beaucoup d'équipes L&D se plantent. Elles ont fait un excellent travail de collecte, identifié plein de besoins légitimes, mais elles veulent tout traiter d'un coup. "On va lancer le programme de leadership, on va former tous nos managers ! Dans ce programme, on va traiter la customer centricity, la créativité, on va faire du design thinking, on va venir mettre aussi un petit peu d'agilité et de méthodes agiles, on va aller mettre un peu d'intelligence artificielle parce qu'il faut qu'on ait l'air moderne."

Le résultat ? Des "programmes fourre-tout où certes, les gens ont pris le temps de faire une bonne collecte des besoins, de faire un vrai bon travail de diagnostic - mais c'est dommage, ils n'ont pas pris partie."


Choisir 2-3 objectifs max et s'y tenir

Pour Pascaline, la clé c'est de faire des choix. "Choisir, c'est renoncer. Donc, il faut se dire, OK, avec ce programme, je vais traiter tel et tel pain point ou enjeu, et à la fin, je vais le mesurer de telle manière."

Cette discipline est fondamentale : "C'est là que tu deviens vraiment stratégique parce que c'est là que vraiment, tu peux prétendre avoir un impact. Mais il ne faut pas essayer de tout faire et de tout faire en même temps."

Comme le résume Alexis : "Le risque à cette étape-là, quelque part, c'est de se poser la question de : qu'est-ce que je pourrais mettre dans mon programme - alors que la vraie question, c'est : qu'est-ce que je dois mettre pour atteindre les résultats qui sont les plus stratégiques ?"


  • Étape 3 : Revoir son organisation pour être aligné sur les priorités


    L'importance de calibrer ses moyens

Une fois les objectifs définis, il faut se poser la question cruciale : "est-ce qu'il faut ou pas que je revoie un peu l'orga de mon équipe ? Est-ce que j'ai les bons profils ? Est-ce que j'ai les bons skills dans mon équipe à moi pour répondre à ces besoins ?"

Pascaline insiste sur cette étape souvent négligée : "Est-ce que, d'une certaine manière, j'ai les capacités, les compétences, la bande passante pour adresser vraiment ces sujets ?" Car le piège, c'est de se dire "Ah, ok, c'est ça ton problème, vas-y, c'est bon. Je suis forte, je sais faire, je me lance dans le truc, bille en tête."


Les 3 “D” de Pascaline : Design, Digital, Delivery

Pascaline a eu une chance unique : arriver chez Accor juste avant une fusion de régions qui lui a permis de "bâtir l'organisation de cette nouvelle équipe Académie Europe et Afrique du Nord en fonction des priorités stratégiques." Elle avait eu "ces cinq, six mois pour faire justement mon analyse et mon étape un et deux, pour faire mon écoute des besoins et pour définir un peu mes objectifs."


Sa restructuration s'est articulée autour de trois piliers, qui - coïncidence - commencent par la lettre D :

Le Design (conception pédagogique) : "J'ai vraiment compris qu'on avait un problème d'offre". Par exemple, "on avait très peu de formation sur le B.A.BA du management au quotidien" alors que les hôteliers remontaient des "gros problèmes de turnover" sans avoir "aucun support à leur apporter sur ce management du quotidien."

Le Digital Learning : Face aux contraintes opérationnelles, "j'ai parfois des vrais problèmes réglementaires par exemple, je dois faire passer des tonnes de formations réglementaires". Le digital permet de répondre à un vrai "besoin opérationnel à risque" car "si je n'ai pas les certificats réglementaires, je dois fermer l'hôtel."

Le Delivery : "L'excellence opérationnelle dans la facilitation, l'animation des formations" avec les meilleurs formateurs et un réseau de partenaires externes pour "offrir des expériences formation bien plus impactantes."


La réorganisation de l'équipe Académie Europe & Afrique du Nord

Cette restructuration s'est traduite concrètement dans l'organigramme : "Tu as trois équipes, avec à chaque fois un manager d'équipe et quelques personnes en dessous." Chaque équipe avait "une feuille de route relativement large" et devait identifier "les 3 à 5 actions prioritaires sur lesquelles il voulait bosser sur les 12 prochains mois."


Gérer les résistances au changement (5 départs la première année)

Pascaline ne cache pas la réalité : "J'ai eu tous les cas de figure." Face à cette transformation, elle a identifié trois profils :

  • "Ceux qui ont tout de suite adhéré, qui ont dit : Ok, génial, l'organisation, elle est claire, elle permet effectivement de répondre de manière directe à des problématiques clients, j'y vais, je fonce."

  • "Ceux qui se sont dit : Oui, oui, très bien, Pascaline vas-y. Oui, oui, on sait déjà, on était là avant… Donc, en gros, ils m'ont fait une espèce d'adhésion de façade, mais qui, in fine, n'ont pas changé grand-chose dans leur manière de faire."

  • "Et puis, ceux qui, carrément, n'ont pas voulu."

Bilan : "Dès la première année, il y a eu cinq personnes qui sont parties, soit volontairement, soit non." Une purge nécessaire car ‘'it takes two to tango' comme on dit. Donc s'ils n'étaient pas parties prenantes, c'était normal aussi de respecter ça."


  • Étape 4 : Remporter des victoires rapides pour gagner la confiance


    L'importance des "premières victoires" pour l'équipe

"Moi, je pense qu'il faut assez vite remporter des succès. Il faut assez vite aider l'équipe à avoir ses premières victoires", insiste Pascaline. Parmi les 3 à 5 priorités de chaque équipe, "moi mon obsession, ça a été ok, il faut qu'il y ait une de ces priorités-là qui se transforme très vite en victoire."

Pourquoi cette urgence ? "Déjà, l'équipe en a besoin. Tu as un nouveau management, tu as une nouvelle manière de voir les choses, tu es dans un contexte qui bouge. On t'a demandé quand même pas mal d'implications personnelles." L'équipe a besoin d'une "récompense" - pas financière, mais de "fierté". Elle a besoin "d'une victoire pour te montrer que c'est possible, te rassurer sur le fait que tu en es capable, avoir un moment de célébration, reprendre un grand shoot d'énergie et d'oxygène positif."


Créer la confiance avec les partenaires business

Mais ce n'est pas que pour l'équipe interne. "Tu en as besoin aussi pour tes partenaires stratégiques, les fameux ! Puisqu'en fait, en l'occurrence, moi, en tant que chef de cette équipe-là, j'ai besoin d'aller leur montrer que ça marche quoi."

L'objectif n'est pas de "fanfaronner", mais de créer "une forme de confiance qui s'instaure". Il s'agit de démontrer : "Tiens, regarde, tu m'avais parlé de ça. Je reviens à l'étape besoin client. Tu m'avais parlé de ça. Moi, qu'est-ce que j'ai fait ? Je l'ai traduit dans cet objectif avec ce KPI. J'ai telle et telle personne de mon équipe qui ont bossé dessus. Regarde le résultat aujourd'hui, et viens, on fête ça ensemble."


Déclencher le bouche-à-oreille positif

Cette approche crée un effet boule de neige. "Quand tu fais ça, tu commences à gagner la confiance, et puis tu as assez vite quand même un bouche à oreille" qui génère de nouveaux besoins : "Ah bah tiens, c'est intéressant, l'académie est capable de m'aider, moi, à avoir un meilleur RPS. Ah, mais donc, s'ils sont capables de faire ça, peut-être qu'ils peuvent aussi m'aider sur telle ou telle autre problématique dont je n'avais pas parlé ?"

C'est à cette étape que "tu commences à te repositionner comme partenaire" : "Je ne suis pas dans un centre de formation qui coche les cases et qui compte le nombre d'heures de formation. Je suis dans une dynamique où on va parler de mes problématiques stratégiques, et peut-être je vais avoir un peu de répondant, voire même un peu de proactivité pour m'aider à aller plus loin."


  • Étape 5 : Mesurer les KPIs business (pas les métriques RH hors-sol)


    Tracker les vrais indicateurs opérationnels (RPS, NPS, GSS)

La dernière étape, c'est "évidemment l'étape de la mesure du succès". Mais attention aux pièges habituels ! Pascaline se bat contre "la culture de métrique RH" traditionnelle : "'Oui oui, je sais te dire combien de personnes ont fait la formation, et je peux te mesurer la satisfaction à chaud et à froid.' Ah, super…"

Le problème ? "On était encore une fois un petit peu en train de se regarder le nombril". Car "si tu prends ta métrique satisfaction du stagiaire à chaud ou à froid, tu es encore une fois en train de lui demander d'évaluer ton produit. C'est la même chose que mon sac à main rouge ou bleu. En fait, tu lui demandes de te parler de toi."

La vraie mesure, c'est celle des "fameux KPIs opérationnels cités en amont au moment de la collecte des besoins" : "je vais venir effectivement mesurer, je l'ai cité tout à l'heure, mon RPS, mon NPS, mon GSS". Pascaline précise : "je ne vais pas te sortir le jargon, mais en l'occurrence, ce n'est pas mon jargon à moi RH, c'est le jargon des opérationnels de mon entreprise."


Amélioration continue vs communication des succès

Une fois les données collectées, deux scénarios possibles :

Cas numéro un : "la métrique n'est pas favorable, amélioration continue, je rebosse et là-dessus, il faut être assez exigeant." C'est le moment de prendre "le pouls", d'identifier "les signaux faibles" et de corriger le tir.

Cas numéro deux : "les KPIs sont positifs, je communique. Je communique en interne, et je reviens sur mon histoire de bouche à oreille et de gagner la confiance et d'aller développer encore un peu plus et créer de la valeur."


Se mouiller avec des objectifs mesurables

Alexis met le doigt sur un point crucial : "je pense qu'une des raisons pour lesquelles on préfère des KPI RH un peu hors sol, c'est parce qu'on ne se mouille pas." Si vous promettez que "le NPS, il passe de X à plus 30%. et qu'après, le NPS, il n'a pas bougé d'un iota. Eh ben c'est pour toi, quoi. Tu as foiré, ça n'a pas marché et c'est comme ça."

Pascaline acquiesce totalement : "Tu as tellement raison. Et c'est d'ailleurs pour ça que je reviens à mon étape numéro 2, c'est aussi pour ça qu'il faut avoir été réaliste dans ses objectifs." Cette exigence de résultats "t'oblige aussi, puisque tu sais qu'il va falloir mesurer et partager les résultats, tu as intérêt à ne pas avoir mis la barre trop haut non plus."

Et in fine, la boucle est bouclée : "Une fois que tu es arrivé à l'étape 5, tu recommences. Tu n'arrêtes jamais d'écouter le besoin client." C'est un "cercle vertueux" où la mesure nourrit en permanence la connaissance client.


LES CLÉS DU SUCCÈS : SIMPLICITÉ ET EXIGENCE

Au-delà de la méthode en 5 étapes, Pascaline partage les principes fondamentaux qui sous-tendent sa vision du L&D stratégique. Entre obsession de la simplicité héritée de L'Occitane et refus du divertissement déguisé en formation, elle dessine les contours d'une approche exigeante mais pragmatique.


  1. Parler le langage du business, pas le jargon RH


    La simplicité comme obsession

Pour Pascaline, tout se résume à une règle d'or : "Il ne faut pas aller sortir effectivement un jargon RH ou un jargon d'experts. Vraiment pour moi, c'est la première erreur. C'est de se draper dans une espèce de fierté d'expert et d'aller un peu embrouiller les gens."

Cette obsession de la simplicité lui vient de son passage chez L'Occitane : "J'avais un CEO qui parlait toujours de maîtrise de la complexité, il faut maîtriser la complexité. Et je crois que ça m'a énormément marquée, cette notion-là, ce concept-là." Le principe : "Tout ce qu'on fait, on peut le faire de manière plus ou moins simple et complexe. Et je trouve qu'il vaut mieux, surtout dans les process, les rituels, les orgas, il vaut mieux faire le plus simple possible."


La lisibilité des 3 “D”

Pascaline est particulièrement fière de ses fameux 3D : "Mes 3D, j'en suis hyper fière parce qu'ils sont très lisibles." Quand elle explique son travail, même en interne chez Accor - "c'est une nébuleuse Accor" - le message passe immédiatement : "Moi, c'est simple, je fais trois trucs. Des super programmes de formation avec la conception. On les digitalise pour avoir un accès direct aux hôtels et industrialiser certaines thématiques quand il y en a besoin. Et puis ensuite, on fait du super delivery pour avoir des expériences de formation marquantes et impactantes dans les hôtels. Point."

Le test de vérité ? "Je dis ça, les gens comprennent ce qu'on fait." Et surtout : "Quand tu racontes une histoire et qu'ensuite, tu montres ton organigramme et que les gens ne comprennent pas, c'est déjà un moment de vérité. Tu es déjà en train de voir si ton orga répond vraiment à l'histoire que tu viens de raconter."


Éviter le piège de la sur-expertise

Par ailleurs, les dirigeants n'ont pas de temps à perdre avec du jargon technique. "Je trouve que les patrons de direction dans des groupes comme Accor, ils le voient assez vite et ça les fatigue. Ça les saoule, ils n'ont pas le temps pour ça." Certes, "ça fait beau dans les rapports de fin d'année extra financiers, etc., de mettre les heures de formation et tout, mais dans les faits, ça les encombre plus qu'autre chose."

La clé, c'est de "parler le même langage juste pour s'assurer qu'on se décode rapidement et qu'on ne se raconte pas des histoires."


  1. Digital vs présentiel : pas de dogme, que du pragmatisme


    La fausse querelle du tout digital vs tout présentiel

Pascaline s'amuse de cette question récurrente : "Je n'en reviens pas du nombre de fois où on me pose la question : Pascaline, toi, tu es plutôt digital learning ou tu es plutôt présentiel ? Et en plus, c'est drôle parce que quand les gens te posent la question, tu sens qu'ils ont déjà un petit avis."

Sa position est claire : "Il est évident, moi, je n'ai aucun dogme sur la question. Et d'ailleurs, en fait, si, mon seul dogme, c'est que les gens qui ont une réponse figée sur cette question se trompent."


Adapter le format à l'objectif

Pour Pascaline, le choix du format dépend entièrement de l'objectif pédagogique :

Pour le comportemental : "Si tu touches par exemple au comportemental, tu vois par exemple moi dans les formations pour les hôtels, tout ce qui va toucher à la qualité de service, à l'attitude relationnelle, à l'accueil des clients, je préconise quand même qu'il y a au moins un atelier en présentiel. Il faut quand même un peu s'entraîner, un peu voir, faire des erreurs."

Pour l'information descendante : "Quand c'est pour former sur RGPD, sur la politique RSE du groupe, sur des thématiques comme ça, j'ai besoin rapidement de former beaucoup de monde. Et sur des choses, en plus, qui ne sont pas négociables, qui sont de l'ordre du descendant, où j'ai juste besoin de partager de l'information." Dans ce cas, "bien entendu que je vais faire du digital."


L'exemple concret des formations réglementaires

Pascaline illustre parfaitement cette approche pragmatique avec les formations de compliance : "Si on ne le fait pas en digital, je suis obligé de faire monter votre équipe à Paris. C'est chiant, non ? Bon, on va le faire en digital et ça va prendre une heure et pas 24 heures et on coche la case."

Donc pas de sophistication inutile, juste une solution efficace à un problème concret.


  1. Exigence vs Formation “entertainment”


    Le fléau de la médiocrité assumée

Le sujet qui fait vraiment monter Alexis au créneau, c'est la médiocrité assumée dans le secteur de la formation. Il raconte cette anecdote révélatrice : une DRH lui demande le "taux de drop-off" de ses formations - combien abandonnent en cours de route. Sa réponse : "Bah zéro."

La DRH s'étonne : "Comment ça, zéro ?" et explique que "le dernier que j'ai vu, qui faisait des MOOC, m'a dit, on a un taux de drop-off génial de 57%." Pour Alexis, c’est aberrant : "On en est à être content du fait que tu as 57% des gens qui sont allés jusqu'au bout du truc. Mais ça me fume !"

Cette dérive s'explique par des organismes "qui se sont spécialisés dans les montages Opco, comment on fait un truc pourri mais gratuit, parce qu'on tape dans l'argent de l'État. Comment est-ce qu'on fait des leviers sur le digital et sur le MOOC et sur l'asynchrone qui sont géniaux pour la marge brute des sociétés, mais pas forcément pour l'apprentissage !"


Éviter la cosmétique pédagogique

Pascaline partage ce constat : "Tu as des plateformes qui se créent, tu as des contenus, tu as des formateurs qui font plus de l'entertainment et du market de façade, que d'adresser des problématiques de fond."

Le piège de l'entertainment part pourtant d'une bonne intention : "Ça part d'une sorte de bon sentiment, pas forcément bien pensé, mais ça part d'un bon sentiment, de se dire, allez, on va leur faire plaisir, il ne faut pas que ce soit boring, donc on va faire un truc un peu sympa, ludique, etc."

Mais "ça se retourne contre toi, en plus, ce genre de choses, parce qu'en réalité, si le fond n'est pas assez courageux, les gens vont quand même dropper au milieu." Résultat : "ça va les amuser deux secondes, le truc un peu entertainment, sympa, vidéo, etc. Mais en fait, ça ne va pas les tenir sur la durée."


Ne pas créer une clientèle passive

Le vrai danger, c'est de transformer les apprenants en "consommateurs" passifs. "Tu passes ton temps à lui dire : ça va, tu as aimé ? Pouce en l'air ou pas ? Tu notes combien ta formation ?" C’est une approche "prendre le bâton pour te faire battre" car elle place la satisfaction immédiate au-dessus de l'apprentissage réel.

Alexis pousse le raisonnement plus loin : "Ne créez pas une clientèle passive de vos formations !" Il donne l'exemple de leurs screening interviews en amont : "On va tous les rencontrer pour voir qui a le feu sacré ou pas. Parce que ceux qui n'ont pas le feu sacré, je n'arriverai pas à en faire des bons managers."

Le principe, c’est d'instaurer "un contrat de coaching où tu signes un vrai contrat à deux voire à trois en tripartite, et les règles du jeu sont claires dès le démarrage". L'apprenant doit avoir "de la responsabilité dans la réussite également". "Sinon, c'est de l'entertainment."


  • L'exigence comme moteur d'engagement

Pour Pascaline, cette exigence n'est pas contradictoire avec l'engagement : au contraire, elle le renforce.

L'enjeu, c'est de retrouver le sens du vrai apprentissage, celui qui transforme réellement les pratiques professionnelles plutôt que de simplement divertir pendant quelques heures.


EN CONCLUSION : comment faire de la formation un outil stratégique du business ?


À travers son expérience chez Accor, Pascaline nous montre qu'il est parfaitement possible de transformer le L&D en véritable business partner, même à l'échelle de 350 000 collaborateurs. La clé ? Arrêtez de compter les heures de formation et commencez à tracker les vrais KPIs business. Ne laissez plus jamais un dirigeant vous dire que la formation, c'est du nice to have : avec la méthode en 5 étapes de Pascaline, vous avez toutes les cartes en main pour démontrer votre impact sur les résultats opérationnels.

Comme le résume si bien Pascaline : "Il ne faut pas inventer des histoires, il ne faut pas inventer des KPIs. Il faut vraiment être super aligné sur les enjeux de la boîte. Et mon boulot, c'est ça, c'est d'aider les uns et les autres à les atteindre." Alors, prêts à troquer vos métriques RH contre des objectifs business ? À dire adieu à la formation entertainment pour créer de vrais programmes qui transforment ? L'heure du changement, c'est maintenant.


Vous pouvez contacter Pascaline sur LinkedIn


Outil recommandé par Pascaline :

  • Le WBS (Work Breakdown Structure) : une méthode de structuration de projets sur un one-pager avec le why, le how et le what, permettant une vision claire des objectifs, moyens et actions prioritaires



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