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Comment structurer la fonction RH en startup et entreprise ?

Dernière mise à jour : 21 janv.

Avec Céline Méchain, VP People Ops chez Platform.sh




Céline Méchain est VP People Ops chez Platform.sh, une entreprise française créée en 2010 qui offre une solution d’hébergement cloud pour les sites web et les applications Internet.


Cela fait 20 ans qu’elle travaille dans les ressources humaines dans l’industrie de l'informatique, un secteur dynamique dans lequel il existe en France beaucoup de petites structures à forte croissance.


Céline a rejoint Platform.sh il y a 4 ans et elle a été la première personne recrutée au service RH pour mettre en place l'ensemble de la fonction.


A l'époque Platform.sh était une startup répartie sur 10 pays différents et qui comprenait 50 personnes. Aujourd'hui c’est une scaleup présente dans 30 pays. Elle emploie 250 personnes, en comptera plus de 300 à la fin de l'année 2021 et sa croissance n’est pas près de ralentir.


Sur la base de ses expériences, Céline aborde aujourd’hui, étape par étape, le sujet de la création de la fonction RH dans une petite structure qui grandit vite.


Mission et profil du premier responsable people


Chaque entreprise est unique, mais pour toutes, la fonction RH, que Céline Méchain préfère appeler “fonction people”, est structurante.


Quand un(e) responsable people arrive dans une société qui grandit vite, il(elle) a deux grandes missions :

  • une mission opérationnelle : assurer le quotidien

  • une mission stratégique : faire un état des lieux et mettre en place l'ensemble de la politique RH (rémunération, formation, carrière etc) pour pouvoir accompagner la croissance.

Pour cela, il(elle) peut recruter soit des profils assez seniors qui ont parfois du mal à assurer le côté opérationnel, ou au contraire des profils plus juniors à fort potentiel, ou encore des gens qui viennent de l'activité recrutement et développement et qui vont grandir sur d'autres aspects de la fonction RH.


Conseils au nouveau RH pour prendre le train en marche


Les deux écueils à éviter


Le premier responsable people est généralement recruté trop tard et se voit contraint de “prendre le train en marche”. Il doit alors éviter deux pièges :


  • Etre englué dans l'opérationnel et ne pas prendre le temps de faire l’analyse nécessaire, ne pas réussir à mettre en place les outils et les process qui vont permettre de scaler et de gagner du temps.


  • Etre trop dans la stratégie et ne pas montrer les résultats, parce qu'il y a toujours un petit décalage entre la mise en place des mesures et les résultats. Or quand le premier responsable people arrive, il est déjà attendu sur des résultats visibles.

Répartir son temps


Céline explique que l’arrivée du premier RH est souvent liée à la croissance de l’entreprise, quand le volume de recrutements à réaliser est tel qu’il n’y a plus d'intérêt à faire appel à des prestataires tel que des cabinets de recrutement. Or le recrutement prend du temps et il ne s'arrête pas au moment où le candidat accepte une offre. Il ne suffit pas d’attirer les bons candidats, il faut aussi travailler sur l'expérience d'onboarding.


Par conséquent il faut mettre en place une phase de structuration, l’objectif est de trouver le juste équilibre pour montrer qu'on sait faire les choses et que ça va aller de plus en plus vite, mais aussi pour mettre en place les bons processus rh qui libèrent du temps pour tout le monde. La charge de travail est souvent importante pour un nouvel RH.


La bonne pratique serait donc à la fois de prendre des dossiers en cours (Tâches administratives, recrutement, onboarding…) tout en commençant en parallèle à lancer le travail d'audit sur la vision à long terme de l’entreprise, ses valeurs, l’harmonisation des salaires....

Aux yeux de Céline, cette dualité fait la richesse de la création de fonction. C'est intense mais très intéressant.


Elle conseille de commencer par organiser entre trois et cinq rendez-vous individuels par jour. Ils vont permettre au responsable people de découvrir qui sont les collaborateurs, de comprendre leurs motivations au travail, leur quotidien, leurs projets pour le futur… En même temps, le(la) RH en profite pour se présenter et expliquer à quoi il(elle) sert.


C’est une bonne façon de comprendre la culture dans l'entreprise et d’avoir la bonne posture en recrutement.


Comment faire l’audit de l’entreprise ?


Avant d’effectuer son audit, le RH a réuni toutes les informations externes disponibles concernant l'entreprise, donc il voit très bien s'il y un décalage entre l'image qu’il avait de l'extérieur et ce qu’il rencontre en discutant avec les gens.


S’il y a un décalage, il faut travailler sur la communication interne et externe pour que les valeurs de la société et l'image affichée à l'extérieur soient bien alignées.


Qui sont les premiers interlocuteurs du responsable people ?


Les fondateurs


Le(la) DRH discute généralement avec les fondateurs avant son arrivée dans l’entreprise afin de vérifier que les valeurs de la société sont bien alignées avec ce qu’il(elle) recherche et sait faire.


Le service financier


A son arrivée, la fonction RH est dispatchée. Il(elle) est en contact avec l'ensemble des collaborateurs, avec les managers, et souvent avec le service financier.


Soit, quand la société est petite, le service RH est inclus dans le service financier, soit elle est déjà une fonction à part.


Souvent il y a le côté finances qui a en charge la gestion du personnel, la paie et qui a ces informations concrètes donc tu prends les contrats, tu les relis, tu vérifies s'ils sont bien homogènes.[...]”, explique Céline. “Et ça te permet de vérifier si tu as des bases solides [...]. Donc tu discutes avec les gens, tu vérifies l'aspect légal et conformité.


Etendue et limites de la fonction people en startup


L’étendue de la fonction RH est généralement mal comprise parce qu’une partie de son travail n'est pas visible et qu’elle a plusieurs facettes. Par conséquent, les startups recrutent souvent leur RH quand elles sont dépassées par le recrutement, la fonction se créant ensuite pas à pas.


Concrètement, la fonction people recouvre une grande variété de champs :


  • Tous les aspects de conformité juridique sur toutes les localisations où sont basés les gens;

  • Les relations sociales;

  • Le management, parce qu’une startup qui a pour ambition de grandir a besoin d'avoir des gens qui sont capables de driver d'autres personnes;

  • La fonction rémunérations et avantages : définir la politique pour attirer et retenir les talents;

  • Le recrutement;

  • La formation et l’intégration avec la mise en place des processus internes qui permettent aux gens de se sentir bien quels que soient les événements de la vie auxquels ils font face;

  • Le bien-être au travail : faire en sorte que les gens se sentent reconnus, valorisés et en sécurité pour travailler et pour s'exprimer. (par leur environnement de travail, l'ergonomie du poste, l'accès à des formations…);

  • La communication interne et externe parce que la fonction people est aussi là pour parler de la société à l'extérieur, par exemple aux candidats.

Les premiers pas du nouveau DRH


La documentation


Lorsqu’elle arrive dans une entreprise, Céline commence par collecter les données qui sont accessibles, mais il n’est pas rare qu’il n’existe pas de documentation écrite.

A ce sujet, elle raconte l’une des ses expériences dans une entreprise d’envergure internationale.


Je me suis aperçue très vite qu'il n'y avait absolument aucune documentation écrite donc l'un des premiers gros investissements a été de regarder [...] comment est-ce que les pratiques people se font dans cette société, vérifier que ça fait sens et que c’est scalable et formaliser la chose. [Par exemple], il y avait des gens sur plus de 10 pays où on n'avait aucune information sur quels étaient les jours fériés dans ces différents pays”.


C'est des choses simples et de bon sens mais qu'il faut prendre le temps de documenter”, conclut-elle.


L’outillage


Le nouveau responsable people se rend compte de ce qui existe et qui n'existe pas en matière d'outils. Par exemple, on ne peut pas envisager qu’une société IT distribuée n’ait pas de politique de zéro papier. Il faut donc rapidement travailler sur cet aspect.


Pour le recrutement, cela peut prendre la forme d’entretiens avec des managers pour voir comment ils présentent la société et évaluent les compétences techniques et les valeurs des candidats.


Le DRH apprend ainsi à les connaître individuellement et à repérer qui a besoin d'accompagnement, l'un des grands piliers de la fonction people étant de permettre aux managers de savoir manager de façon sereine.


Entretiens avec les collaborateurs


Discuter avec tous les collaborateurs permet de voir si la formalisation des valeurs est correcte et surtout de bien appréhender la rétention des gens : pourquoi ils restent, quelles sont leurs attentes.”, déclare Céline.


Certains moments sont susceptibles de provoquer le départ des talents, comme une phase de forte croissance par exemple, et il faut pouvoir les anticiper.


La rémunération et les avantages


Quelle politique de rémunération adopter quand les collaborateurs sont dans plusieurs pays : une politique globale internationale (on verse le même salaire à tout le monde) ou localisée ? Quel est l’impact de l'expérience professionnelle sur la rémunération ? Quels sont les avantages en place ? Qu'est-ce qui manque ? (tickets restaurants, accès à des activités sportives…). En parlant avec les collaborateurs, le DRH voit ce qu’il peut mettre en place pour leur faciliter la vie.


Il fait aussi l’état des lieux des salaires, de l'ancienneté et met en place des indicateurs. Il repère très vite, en fonction du nombre de postes vacants, si le recrutement va lui prendre beaucoup de temps ou si la société connaît un fort turnover et pourquoi.


Les rendez-vous individuels permettent également au responsable people de mesurer la satisfaction des employés et de connaître leurs éventuels griefs.


Fluidifier la communication


Le rôle de la fonction people est aussi de vérifier les canaux de communication :

  • Est-ce que les informations sont bien remontées au niveau de la hiérarchie ?

  • Est-ce que les décisions et informations sont correctement transmises à l'ensemble des salariés?

Il(elle) mesure les indicateurs habituels et voit s’il y a des choses à rectifier.


Un travail centré sur l’humain


Choisir de parler de fonction “people” plutôt que de “RH, au-delà de la dimension internationale du mot anglais, souligne bien la logique de process en startup dans une logique de scale. Ça doit fonctionner quand l’entreprise va grandir donc il faut structurer, documenter.


Le mot ”people” représente aussi les personnes. Ce process se nourrit de rencontres avec les collaborateurs qui permettent au DRH d’avoir une vision globale et d’élaborer un plan d’action.

Il faut connaître les gens pour pouvoir mettre en place les process qui vont bien. Tu ne mets pas les mêmes process d'une société à l'autre.”, affirme Céline.


Céline Méchain a vécu plusieurs fois l’expérience d’être la nouvelle DRH. Plutôt que de suivre une grille récapitulant les différents sujets à traiter, elle préfère organiser son travail d’après les rencontres avec les gens (fondateurs et employés)..


Je pars vraiment de l'humain c'est-à-dire que je regarde ce qui existe, je regarde si les gens sont satisfaits, de quoi ils sont satisfaits et pourquoi, et je bâtis la fonction RH autour de ça.”, explique la DRH de Platform.sh.


Elle considère que la politique salariale n'est qu’un prisme parmi d'autres et conseille plutôt de regarder la globalité : l'environnement de travail, la culture de l'entreprise, les possibilités d'évolution, la curiosité intellectuelle sollicitée, l'autonomie sur le poste, le niveau de responsabilité...


Boîte à outils pour créer la fonction RH en startup :


L’univers startup est par nature disruptif et on peut être tenté d'innover sur tous les sujets même quand il existe des outils dont l’efficacité a été prouvée, comme la méthode Who pour le recrutement.


Aller à l’essentiel


En startup, on mène toujours plusieurs projets en même temps donc il faut savoir aller très vite à l'essentiel. C’est d’autant plus vrai dans l’IT où le responsable people a essentiellement affaire à des ingénieurs qui aiment aller droit au but.

Le meilleur outil que je puisse donner, et qui me sert tout le temps, c'est : “Tu dis ce que tu fais et tu fais ce que tu dis””, déclare la VP People Ops de Platform.sh.


Communiquer sa vision


Son expérience lui a prouvé que le responsable people devait être à la fois opérationnel et stratégique mais qu’il devait absolument faire l’effort de partager sa vision avec les managers et les collaborateurs et leur expliquer :


  • ce qui va être mis en place

  • les résultats attendus

  • le temps que ça va prendre

  • les priorités du moment et les outils qui vont être implémentés.


Une fois que le paramétrage est validé et que le travail manuel a été automatisé, alors on peut passer au sujet suivant.


Ensuite, le DRH peut bâtir un reporting automatisé sur tous les outils mis en place puis travailler sur les ajustements et sur les sujets plus stratégiques business pour la société.


La conduite du changement


Il ne faut pas sous-estimer la conduite du changement qui accompagne la création d’une fonction people. Chaque nouveau process, chaque nouvel outil ou le revamping (refonte) de choses qui existent déjà représente un changement fort pour beaucoup de collaborateurs. Il est important de communiquer clairement sur ce qui est en train de se passer pour calmer les attentes et pour que tout le monde fasse son deuil. Une organisation même en mode start-up reste toujours difficile à faire évoluer.


Le difficile choix des outils


L’adoption d’outils en startup se heurte à deux grandes difficultés :


  • Les petites structures comme Plateform.sh n’ont pas accès à certains gros outils tout en ayant un niveau d'exigence important.


  • Il n’est pas aisé de trouver des outils disposant de toutes les fonctionnalités requises mais utilisables dans tous les pays. Or la fonction people a en général une culture très locale.

Céline constate au quotidien des différences culturelles fondamentales avec ses interlocuteurs en Asie, aux Etats-Unis…, et ça se ressent dans les droits sociaux. Le but du responsable people est d’harmoniser et de standardiser les process de façon à ce que les différences locales soient des exceptions.


Pour la gestion de personnel, par exemple, Platform.sh a choisi BambooHR, qui paraissait plus personnalisable, plus adaptable que d’autres outils. Mais c’est quand même un outil américain et même il montre ses limites sur des sujets typiquement français ou très internationaux.


Donc l'outil qui sait tout faire et qui répond à tout, malheureusement ça n'existe pas.”, conclut Céline Méchain.


Par conséquent, les petites structures combinent plein de petits outils mais très vite elles ont besoin de consolider leurs données avec un outil plus généraliste qui les oblige à conserver une part de travail manuel. Jusqu'au jour où l’entreprise est suffisamment grande pour pouvoir adopter un outil plus important et plus cher, mais là c'est encore une autre façon de travailler.


A quel moment intégrer une dimension internationale ?


Les startups françaises ont du mal à penser international contrairement, par exemple, à celles de Tel Aviv pour qui c’est évident dès le premier jour, et de très bons outils français montrent leurs limites à l'international.


Vaut-il mieux commencer avec un outil local et l’adapter à l’international ou bien penser international dès le début ?

La question est particulièrement pertinente d'un point de vue RH car la fonction people cherche à créer une homogénéité entre toutes les personnes et tous les sites en tenant compte des cultures et des lois locales, très différentes d'un pays à un autre.


Selon Céline, on adopte naturellement les habitudes locales et on ne se pose la question de l'international qu'au moment où on veut attaquer le marché américain, anglais, japonais.... Quand un DRH commence à recruter dans un autre pays, les employés lui font des demandes qui reflètent les habitudes de travail et la culture de leur pays, ce qui l’oblige alors à s'adapter. A l’inverse, on imagine mal des fondateurs adopter des process universels en prévision de leur croissance internationale.


Ce sont les personnes qui t'apportent des idées, des envies”, explique Céline,”[ ...] et là tu prends la décision d'adopter [l’idée] parce que tu penses que ça fait sens. [ ...] Ca vient d'en bas en fait”.


Ainsi, on n'est pas obligé de penser dès le début à l’international, l’adaptation va se faire par étapes.


Rejoignez Céline Méchain sur LinkedIn où elle aime discuter avec des collègues d'horizons différents.


Les ressources recommandées par Céline :


  • Le livre incontournable : Les 7 habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu’ils entreprennent”, de Stephen R. Covey.

  • Le site medium parce qu'il parle de RH mais aussi de business, d’entrepreneuriat…

  • Les podcasts, celui de Yaniro, bien sûr (!), mais aussi Le Gratin de Pauline Laigneau que Céline aime bien parce que c'est un entrepreneur qui interroge des entrepreneurs. "Ça me sort du quotidien purement people et RH et ça me permet de me souvenir de l'objectif business

  • Sur le recrutement, le podcast de l'Ecole du Recrutement (Radio LEDR). Il n’y a pas beaucoup d'épisodes mais c'est souvent intéressant.

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