PARIS 2024 : L'APPRENTISSAGE RH DES JEUX OLYMPIQUES
- Alexis et Philippe
- il y a 11 minutes
- 15 min de lecture
Avec Alexandre Morenon-Condé, spécialiste RH dans l'événementiel sportif

Alexandre Morenon-Condé est un spécialiste des ressources humaines dans l'événementiel sportif depuis près de 20 ans. Son parcours l'a mené du sport - sa passion - aux médias, aux cosmétiques et aujourd'hui à l'univers du luxe. Mais c'est son expérience aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 qui marque un tournant dans sa carrière : responsable du programme des volontaires et des opérations workforce.
Paris 2024, c'est une organisation temporaire d'une ampleur inégalée. Le comité d'organisation, créé en 2018 et dissous en juin 2025, avait pour mission d'organiser les compétitions, d'accueillir les athlètes, les médias et les spectateurs. Aux côtés de la Solideo (chargée des infrastructures pérennes), cette machine de guerre a transformé Paris et la France entière en théâtre olympique. Au pic de l'événement, lors de la cérémonie d'ouverture du 26 juillet 2024, l'organisation mobilisait près de 4 500 salariés, 45 000 volontaires et plusieurs centaines de milliers de prestataires - un défi logistique et humain sans précédent.
Dans cet épisode du podcast du Human Factor de Yaniro, Alexandre Morenon-Condé, spécialiste des ressources humaines dans l'événementiel sportif depuis près de 20 ans, nous partage son expérience unique d'une organisation temporaire à grande échelle, et en particulier les apprentissages RH d'une expérience hors normes :
PARIS 2024 : L'APPRENTISSAGE RH DES JEUX OLYMPIQUES
Un laboratoire pour repenser le leadership, la diversité et l'engagement dans nos organisations.
En effet, organiser un événement de cette ampleur, c'est bien plus qu'un défi logistique : c'est un laboratoire grandeur nature pour explorer les fondamentaux du management et des RH. Dans un contexte où le changement est permanent, où la vision doit fédérer des dizaines de milliers de personnes et où la motivation intrinsèque prime sur tout le reste, Alexandre a vécu une expérience unique. Ses apprentissages bousculent les codes RH traditionnels et offrent des pistes concrètes pour repenser le leadership, la diversité et l'engagement dans nos organisations.
CONTEXTE - L'EXPÉRIENCE JO 2024 : UNE ORGANISATION HORS NORMES
Derrière la magie des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 se cache une réalité organisationnelle fascinante : celle d'une entreprise temporaire qui a grandi de manière exponentielle pour devenir l'une des plus complexes jamais créées en France.
Le défi organisationnel : de 70 à 4500 salariés en 6 ans
L'aventure commence modestement. Quand Alexandre rejoint Paris 2024 en 2019, l'organisation compte à peine 70 personnes. Six ans plus tard, au pic de l'événement, ils sont 4 500 salariés - une croissance de 6400% qui défie tous les standards entrepreneuriaux classiques.
"Gérer une entreprise de 70 personnes, ce n'est pas du tout la même chose que gérer une entreprise de 4500 salariés avec énormément de parties prenantes", explique Alexandre.
Cette croissance s'accompagne d'une transformation profonde des modes de fonctionnement. Au début, dans les bureaux sympathiques du boulevard Haussmann, tout se réglait "à la machine à café" - l'équipe était suffisamment réduite pour que chacun connaisse tout le monde. Puis l'organisation grossit : 100, 200 personnes...
Le Covid arrive en 2020 et bouleverse tout. Du jour au lendemain, l'équipe se retrouve en télétravail - heureusement bien équipée avec ordinateurs et téléphones portables - tout en continuant à recruter massivement. Il faut alors apprendre à travailler différemment, à accueillir des nouveaux collaborateurs à distance.
Au retour, impossible de connaître tout le monde. Les réunions révèlent des visages inconnus, la comitologie évolue, les modes de reporting se complexifient. L'organisation a franchi tous les seuils sociologiques en quelques années seulement.
Pour Alexandre, c'est un terrain d'observation sociologique unique :
"J'ai appris énormément de choses, ça a été vraiment une belle école et d'ailleurs quand j'étais encore dans l'organisation, je me disais que si on voulait étudier la vie d'une entreprise et d'un point de vue aussi sociologique, il fallait vraiment s'intéresser à un comité d'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques."
L'occasion rare d'observer la naissance, la vie et la mort d'une entreprise qui passe de la toute petite structure à la grosse PME.
45 000 volontaires et une machine logistique sans précédent
Les chiffres donnent le vertige : 45 000 volontaires mobilisés pendant l'événement, issus de plus de 300 000 candidatures. Sans compter les centaines de milliers de prestataires qui gravitent autour de l'organisation. Pour donner une idée de l'ampleur, Alexandre utilise cette comparaison saisissante :
"Si tu prends juste les Jeux Olympiques, 32 sports, 32 compétitions, 32 championnats du monde, 32 Coupes du monde en même temps."
Cette complexité logistique transforme Paris 2024 en véritable cas d'école sociologique. D'autant plus fascinant que cette organisation naît, grandit et disparaît de manière vertigineuse : l'équipe d'Alexandre passe de 100 à 8 personnes une semaine après la fin des Jeux Paralympiques, puis termine à 2 en octobre.
Le rôle d'Alexandre : des opérations workforce au programme volontaires
Au cœur de cette machine, Alexandre pilote un périmètre impressionnant. Son job est de s'assurer que toutes les typologies de personnes mobilisées - volontaires, salariés, prestataires - puissent collaborer efficacement pendant l'été 2024.
Concrètement, cela signifie :
Former les différentes populations
Définir les politiques et procédures communes
Gérer les espaces : travailler avec les équipes restauration pour nourrir tout le monde sur site, coordonner les transports, l'hébergement
Coordonner les uniformes avec Decathlon et Le Coq Sportif - pas seulement pour les volontaires et salariés, mais aussi pour les arbitres et les relayeurs de la flamme
Et surtout, réaliser un travail de workforce planning : projeter les besoins en ressources humaines "à la journée près, à la demi-journée près" sur chaque site
Un défi unique qui le place aux premières loges pour observer comment une organisation peut s'adapter en permanence tout en gardant le cap sur un objectif commun.
La transmission comme mission finale
Une fois les Jeux terminés, Alexandre consacre ses deux derniers mois à une mission cruciale : rédiger un rapport détaillé, une sorte de Paris 2024 : l'apprentissage RH des jeux olympiques, rédigé avec son équipe ou ce qu'il en reste pour transmettre l'expérience. L'objectif ? Aider les futurs comités d'organisation - Los Angeles 2028, Brisbane et surtout les prochains JO d'hiver dans les Alpes françaises.
"On a vraiment voulu donner un maximum de détails notamment sur la partie organisation, on avait vraiment à cœur de transmettre."
Ce travail de transmission oblige à une introspection profonde : qu'est-ce qui a bien fonctionné ? Qu'est-ce qui aurait pu être fait différemment ?
APPRENTISSAGE N°1 : LE CHANGEMENT COMME MOUVEMENT NATUREL
Contrairement aux entreprises traditionnelles où la "conduite du changement" fait souvent grincer des dents, Paris 2024 révèle une approche radicalement différente : et si le changement n'était pas un obstacle à gérer, mais un mouvement naturel à embrasser ?
L'adaptabilité permanente des leaders
L'un des éléments les plus frappants pour Alexandre, c'est d'avoir vu l'équipe dirigeante grandir avec l'organisation. Tony Estanguet, Étienne Thobois et Michaël Aloïsio ont dû complètement réinventer leur style de management au fur et à mesure de la croissance.
"La façon dont ils ont mené cette organisation a été vraiment l'une des clés du succès des Jeux et de voir nos patrons aussi apprendre et grandir avec nous dans cette organisation était un élément important."
Cette adaptabilité se manifeste concrètement : au début, ils pouvaient s'intéresser à l'ensemble des sujets. Progressivement, ils ont dû s'entourer d'équipes solides et apprendre à déléguer, à faire confiance pour mener les projets à bien. Un lead by example permanent qui inspire toute l'organisation.
Grandir avec l'organisation : de 1 à 100 personnes dans l'équipe d'Alexandre
Alexandre vit la même transformation à son échelle. Il démarre le programme des volontaires à "un et demi" - lui plus une collaboratrice qui lui consacrait une partie de son temps. Il termine avec une équipe d'environ 100 personnes.
Mais cette croissance ne se fait pas de manière linéaire : "On est peut-être passé de 1 à 2 en un an, puis de 2 à 10 en 2 ans, et dans les deux dernières années, de 10 à 100." Chaque palier impose une remise en cause permanente, une adaptation constante des méthodes de travail.
La comitologie évolue, les modes de reporting changent, la coordination entre projets se complexifie. Tout doit s'adapter en fonction de l'arrivée des ressources et des nouvelles contraintes.
Repenser la conduite du changement : quand le mouvement devient la norme
C'est là que l'analyse d'Alexandre devient particulièrement éclairante. Paradoxalement, Paris 2024 est peut-être l'entreprise où il a le moins entendu parler de "changement" :
"C'est marrant parce que j'en parlais la dernière fois avec des collègues de l'entreprise dans laquelle je travaille aujourd'hui. Et je leur disais qu'en fait, quand on était à Paris 2024, finalement, c'est peut-être l'entreprise dans laquelle j'ai le moins entendu parler de changement. Parce qu'en fait, le changement était permanent."
Pourquoi ? Parce que quand le mouvement est permanent, la notion même de changement perd son sens. On ne se pose plus la question de "comment conduire le changement" - on apprend, on s'adapte, on itère naturellement.
Cette approche transforme complètement la perspective : le changement ne doit plus être vu comme une difficulté, mais comme quelque chose de normal, de naturel. Comme Alexandre le souligne avec cette comparaison parlante : "Dans notre vie de tous les jours, on évolue. Dans notre vie de famille, le changement, c'est en permanence. Quand on déménage, on ne voit pas ça comme un énorme obstacle."
La clé ? Aborder le changement de manière positive en gardant en tête qu'à chaque évolution, on se rapproche de l'objectif fixé. Et cultiver une culture de l'apprentissage permanente, comme le rappelait régulièrement un directeur de Paris 2024 :
"Dans cette entreprise, personne ne sait organiser les Jeux de Paris 2024, puisque personne n'a jamais organisé les Jeux de Paris 2024."

APPRENTISSAGE N°2 : LA PUISSANCE D'UNE VISION CLAIRE ET PARTAGÉE
Dans un monde où beaucoup d'entreprises peinent à donner du sens à leurs équipes, Paris 2024 offre une masterclass en matière de vision partagée. Quand 4 500 salariés et 45 000 volontaires travaillent dans la même direction, c'est rarement le fruit du hasard.
"Ouvrons grand les jeux" : une vision qui guide chaque décision
Paris 2024 disposait même d'une direction de la vision - un luxe que peu d'organisations s'offrent. Cette équipe avait pour mission de s'assurer que la vision se retrouve dans chacun des projets de l'organisation.
Au départ, l'ambition était d'organiser des jeux "spectaculaires, révolutionnaires, durables". Puis, en se rapprochant de l'événement, la signature a évolué vers quelque chose de plus fort encore : "Ouvrons grand les jeux".
"Comment est-ce qu'on ouvre les jeux à tous ? Et ça, c'était très important parce que cette direction-là, elle avait pour rôle de s'assurer que dans chacun des projets de l'organisation, on intégrait finalement cette vision, cette façon de faire."
Cette vision n'était pas qu'un slogan marketing. Elle se traduisait concrètement : pourquoi organiser une cérémonie d'ouverture sur la Seine ? Pourquoi mettre les Jeux dans la ville plutôt que dans des stades pérennes ? Parce que cela incarnait cette volonté de "casser les codes" chère à Tony Estanguet et d'ouvrir l'événement au plus grand nombre.
L'intérêt supérieur commun comme boussole organisationnelle
L'un des atouts majeurs de Paris 2024, c'est d'avoir un objectif commun évident : tous devaient arriver sur la ligne de départ au même moment. Cette clarté simplifie considérablement la prise de décision et les arbitrages.
Alexandre en tire une leçon fondamentale pour toute organisation : "Il faudrait chaque fois se poser la question de : qu'est-ce que l'intérêt supérieur commun ?" Parce que si chacun a ses intérêts selon son rôle et ses responsabilités, garder en tête cet intérêt supérieur permet de trancher plus facilement.
Cette approche permet même d'anticiper les situations de crise. Par exemple, en cas de problème de transport, quelle population prioriser ? L'organisation avait déjà la réponse : sans surprise, les athlètes sont en tête de liste - puisque les Jeux sont organisés pour eux, suivis des autres populations selon leur importance pour le bon déroulement de l'événement. Un cadre simple mais efficace pour naviguer dans la complexité.
La communication répétée : Tony Estanguet et le martèlement positif de la vision
Point remarquable : pendant six ans, pas un mois ne s'est écoulé sans qu'Alexandre entende Tony Estanguet rappeler la vision, les objectifs et la façon de les atteindre. Loin d'être de la répétition stérile, cette constance était vitale.
"On a eu aussi la chance d'entendre tous les mois, voire, si je ne dis pas de bêtises, tous les 15 jours pendant la période Covid où on était à la maison, notre président, notre directeur général s'exprimer directement devant l'ensemble de l'organisation."
Cette communication directe était d'autant plus importante que l'organisation était très exposée médiatiquement. Face aux commentaires parfois inexacts des médias, il fallait régulièrement rappeler aux équipes pourquoi on était là, quelles étaient les priorités et où en était l'avancement.
Mais Tony Estanguet ne répétait pas la vision simplement pour la répéter. La force de cette approche, c'est qu'elle était connectée à chaque étape de la vie de l'organisation. Quand Alexandre travaillait sur la diversité du programme des volontaires, il était facile de faire le lien avec "ouvrons grand les Jeux". Cette cohérence entre vision et actions concrètes rend le message crédible et mobilisateur.
L'importance de l'exemple dans d'autres secteurs
Cette approche de la vision partagée dépasse le cadre olympique. Alexandre partage l'exemple frappant d'un échange avec un collaborateur de la Banque Populaire Caisse d'Épargne (partenaire de Paris 2024) :
"Il nous disait, en fait, nous, nos conseillers dans nos agences, en fait, ils changent finalement la vie des gens et ils contribuent à changer la vie des gens. Quand on va voir son conseiller bancaire pour faire un prêt immobilier, pour acheter une résidence principale, pour vivre avec sa famille, avec ses enfants, en fait, grâce à cette personne, ça change notre vie."
L'enseignement est double : d'abord, la vision doit être alignée avec la réalité de ce qu'on fait. Ensuite, il faut accepter que cette vision soit rappelée constamment - c'est comme le refrain d'une chanson, ça revient parce que c'est structurant, pas parce que c'est répétitif. Et surtout, aller chercher le sens même dans des activités apparemment plus neutres.
APPRENTISSAGE N°3 : LA DIVERSITÉ PAR NÉCESSITÉ, UNE RÉVÉLATION
Parfois, les plus belles leçons naissent de contraintes qu'on n'a pas choisies. Pour Paris 2024, le besoin de recruter massivement a forcé l'organisation à sortir de sa zone de confort - et à découvrir la richesse insoupçonnée de la diversité.
L'assèchement des viviers traditionnels du sport
Le monde de l'événementiel sportif français, c'est un écosystème relativement petit et fermé. Beaucoup de structures vivent grâce au bénévolat, et les professionnels du secteur sont limités en nombre. Quelques grands événements, quelques structures importantes, mais au final un vivier contraint.
Problème : quand il faut recruter 4 500 salariés, ce vivier atteint rapidement ses limites. D'autant qu'Alexandre soulève un paradoxe :
"Tu vas chercher chez les autres, tu as besoin d'eux. Eux aussi ont besoin de se renforcer parce que forcément, un événement comme celui-ci engendre de l'activité qu'ils n'ont pas dans leur quotidien."
Impossible de “piller" les concurrents puisqu'on a besoin d'eux comme partenaires ! Cette contrainte oblige Paris 2024 à recruter massivement en dehors du secteur sportif.
La richesse des regards extérieurs : quand la contrainte devient un atout
Ce qui aurait pu être vu comme un problème se transforme en formidable opportunité. Les profils venus d'autres horizons apportent des perspectives inédites, des questionnements salutaires, des méthodes différentes.
"Cette confrontation des idées, je pense, a été très forte et nous a nourris, et nous a permis de faire naître des projets, des idées auxquelles on n'aurait pas pensé si on avait été limité finalement aux personnes qui ont l'habitude d'organiser des événements sportifs."
Alexandre questionne d'ailleurs une habitude bien ancrée dans le recrutement : pourquoi chercher systématiquement son clone ? Pourquoi privilégier automatiquement l'expérience sectorielle ? Sa conviction : il y a ce qu'on est (personnalité, motivations) et ce qu'on peut apprendre (les compétences techniques).
"Ce qu'on peut apprendre, ça s'acquiert par l'expérience. Donc, ce n'est pas grave pour moi si on n'a pas forcément toujours une expérience dans le secteur d'activité dans lequel on a envie de travailler, tant qu'on a les fondamentaux."
Le matching par la personnalité plutôt que par l'expérience
Cette philosophie, Alexandre l'applique de manière radicale dans le programme des volontaires. Plutôt que de demander aux candidats quelles missions les intéressent, l'équipe fait l'inverse : "On va aller chercher ce qu'ils sont pour leur faire la meilleure proposition."
Concrètement ? 180 questions dans deux questionnaires de personnalité et de motivation. Beaucoup prédisaient que personne ne répondrait à un parcours si long. Eh bien non : la très grande majorité l'a fait !
Cette approche permet d'orienter chaque volontaire vers les missions qui lui correspondent. Exemples parlants :
Une personne qui aime la routine sera plus épanouie sur la distribution des cartes d'accréditation que quelqu'un qui a besoin de variété
Pour porter les plateaux de médailles devant les caméras du monde entier, mieux vaut quelqu'un qui accepte d'être regardé ET qui respecte scrupuleusement les règles protocolaires : "Si la personne, dans sa personnalité, elle a des difficultés à être regardée par les autres, alors qu'elle va se retrouver devant les caméras du monde entier, c'est plus compliqué."
L'enseignement dépasse le cadre des JO : en période de difficultés de recrutement, la diversité devient une réponse élégante. Plutôt que d’essayer de pêcher dans le même petit lac avec tous les concurrents, pourquoi ne pas explorer d'autres bassins ? Des candidats qui n'ont peut-être pas l'expérience exacte, mais qui ont les aptitudes, les capacités et les motivations pour réussir.
Cette approche transforme aussi le regard sur le recrutement : passer du "Est-ce que cette personne a déjà fait ce job ?" au "Est-ce que cette personne a le potentiel pour exceller dans ce rôle ?" Une nuance qui ouvre des possibilités infinies.
APPRENTISSAGE N°4 : LA MOTIVATION INTRINSÈQUE À L'ÉTAT PUR
Avec 45 000 volontaires, Paris 2024 devient le plus grand laboratoire de motivation jamais créé en France. Sans rémunération, sans contrainte, ces bénévoles offrent un terrain d'étude unique pour comprendre ce qui pousse vraiment les humains à s'engager.
45 000 volontaires : un laboratoire de motivation sans contrainte financière
Le constat d'Alexandre est sans appel : dans le bénévolat, on va chercher les gens sur leur motivation intrinsèque. Et ça change tout. Contrairement aux entreprises qui peuvent s'appuyer sur des "cages dorées" pour retenir leurs talents, les volontaires peuvent partir à tout moment.
"Je rappelle que les volontaires sont des bénévoles, ils n'ont pas du tout l'obligation de revenir le lendemain."
Cette liberté totale oblige l'organisation à vraiment comprendre ce qui motive chaque individu. Pas de filet de sécurité, pas de chantage financier - juste l'engagement pur. Et les résultats parlent d'eux-mêmes : plus de 90% de taux de présence pendant toute la durée des Jeux, contre 70% en moyenne dans les entreprises classiques.
Comprendre ce que chacun vient chercher individuellement
La grande révélation d'Alexandre ? Chaque volontaire est là pour des raisons différentes. Quand la direction de la vision lui demande ce qui ferait la réussite du programme, sa réponse est limpide : "Si chaque volontaire trouve dans son expérience des jeux ce qu'il est venu chercher."
Les motivations sont multiples :
L'expérience unique : vivre les Jeux de l'intérieur
La fierté territoriale : représenter Paris, la France, sa région
Le lien social : notamment chez les néo-retraités qui cherchent à maintenir des interactions
Le développement professionnel : acquérir de l'expérience pour les plus jeunes
L'apprentissage : développer de nouvelles compétences
L'impact peut même être transformateur : certains volontaires ont démissionné de leur emploi après les Jeux, réalisant que leur travail quotidien ne les épanouissait pas.
"On a quand même des gens après les Jeux, véridique, qui ont démissionné de leur job parce qu'en fait, ils se sont rendus compte, en étant volontaires des Jeux, que ce qu'ils faisaient au quotidien ne leur plaisait pas en réalité dans leur emploi."
Les limites de la rémunération variable et l'importance de l'environnement
Cette expérience conforte Alexandre dans ses convictions sur la motivation en entreprise. À partir du moment où on a une activité qui nous plaît et un environnement agréable (physique ET humain), "ça fonctionne".
Il questionne d'ailleurs l'efficacité de la rémunération variable, devenue omniprésente dans les entreprises :
"Aujourd'hui, on a plein de fonctions de cadres dans des entreprises qui ont de la rémunération variable. Je ne sais même pas si les gens, au cours de l'année, se posent une fois la question dans leurs actions, si l'action ou si la façon dont ils mènent leur projet va avoir un impact sur leur rémunération variable ou pas."
Alexandre en est convaincu : la transparence dans la communication est bien plus efficace que les incentives financiers. D'où l'importance du podcast "Dans l'uniforme d'un volontaire" lancé avant même l'ouverture des candidatures, pour expliquer concrètement ce qu'allait être l'expérience de volontaire.
Le cercle vertueux : quand les "clients" célèbrent les collaborateurs
Un élément clé du succès : la reconnaissance du public. Les volontaires étaient constamment félicités par les spectateurs, les athlètes, les journalistes. Cette célébration créait un cercle vertueux formidable.
"Moi, toutes les personnes que je croisais, qui me parlaient du programme des volontaires, me disaient, mais les volontaires sont géniaux, les volontaires sont souriants, etc. Et qu'est-ce qui se passait dans ces cas-là ? Eh bien, en fait, le public le leur rendait et les célébrait."
Alexandre y voit une piste d'amélioration pour les entreprises : mettre plus en avant les collaborateurs face aux clients, créer cette dynamique de reconnaissance mutuelle. L'exemple qu'il donne ? Pourquoi ne pas afficher la photo de la personne qui a préparé le rayon dans les supermarchés ?
L'exemple du retail : réinventer un secteur par la motivation
Cette réflexion l'amène à questionner la désaffection du secteur retail. Au-delà des contraintes d'horaires (soirs, week-ends), Alexandre soupçonne un problème plus profond :
"Est-ce que le vrai sujet, ce n'est pas qu'un grand nombre de personnes qui sont dans le retail aujourd'hui n'y sont pas forcément pour la bonne raison, en tout cas intrinsèque, pour la bonne motivation intrinsèque."
Son hypothèse : si on allait chercher des gens vraiment passionnés par l'interaction client, par la satisfaction du client, on pourrait transformer ce secteur. Il a rencontré des professionnels passionnés qui ne veulent même pas devenir managers - ils préfèrent rester au contact des clients.
La comparaison avec l'événementiel sportif est parlante : ce secteur impose aussi de travailler les week-ends, souvent pour des niveaux de rémunération similaires au retail. Mais les professionnels y restent par passion, arrivés dans ce milieu par motivation intrinsèque.
C'est un enseignement important pour les RH : Investissez autant d'énergie à comprendre les motivations intrinsèques qu'à peaufiner les grilles de rémunération. Parce qu'au final : "On se trompe quand on considère qu'on règle les problématiques avec des questions de rémunération."
EN CONCLUSION
À travers son expérience aux JO 2024, Alexandre nous offre bien plus qu'un simple retour d'expérience : il nous révèle les fondamentaux d'un management moderne et humain. Dans cette organisation éphémère mais d'une complexité inouïe, il a testé grandeur nature des approches qui bousculent nos certitudes RH.
Le changement comme mouvement naturel, la vision partagée comme boussole collective, la diversité par nécessité qui devient richesse, et surtout cette motivation intrinsèque qui surpasse tous les artifices financiers - autant de leçons directement applicables dans nos organisations.
L'enseignement le plus fort ? Faire confiance à l'humain fonctionne ! Quand on comprend ce qui motive vraiment les gens, quand on leur donne un cadre clair et du sens, ils sont capables de se dépasser. Même - et surtout - sans contrainte financière.
Alors, prêt à transformer votre organisation en laboratoire de motivation ?
Vous pouvez contacter Alexandre sur LinkedIn.
Ressources recommandées par Alexandre :
Le livre Atomic Habits de James Clear
Le livre Alerte sur la banquise de John Kotter

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