Avec Maxime Le Bras est responsable du recrutement (Talent Lead) chez Alan
Au moment où les startups doivent faire face à une crise violente, la fonction recrutement se retrouve ballotée, devant dépasser les clichés et démontrer son importance au sein des organisations . Maxime Le Bras nous partage ses clés pour mieux valoriser le rôle de recruteur en interne.
Maxime Le Bras est responsable du recrutement (Talent Lead) chez Alan depuis 2 ans.
Au niveau de l'organisation du pôle recrutement chez Alan, Maxime est responsable du recrutement pour son équipe (appelée la Talent Community chez Alan) comprenant 10 personnes. Depuis un an, il a un rôle spécifique appelé Community Lead, il est en effet en charge :
de faire grandir les membres de son équipe,
de maintenir des standards élevés en termes de délivrabilité et d'excellence opérationnelle,
et de maximiser leur impact lorsqu'ils soutiennent les autres équipes.
Ce dernier point est important, car chez Alan l'environnement de travail est distribué en termes d’ownership. Chaque trimestre, ils vont ainsi regarder quels sont les défis de recrutement, quelles sont les équipes qui recrutent, et comment accélérer au maximum ces défis de recrutement.
Selon la taille des défis, la taille des équipes, l’urgence et la priorité de ces recrutements pour eux, ils peuvent proposer 3 offres de services qui sont - si on prend une métaphore médicale :
L'offre infirmier : c’est l’offre classique d’un recruteur dans une scale-up, consistant à owner du sourcing jusqu'au closing, owner les relations candidats, donc l’équipe porte la majorité de la charge de travail des recrutements.
L’offre médecin : là, Maxime ne va pas s'occuper de faire les offres, sourcer, ou closer les candidats. Il est là pour aider à surmonter des problèmes, donc donner des conseils, comme un médecin qui délivre une prescription. Ils se revoient ensuite régulièrement pour suivre l’évolution.
L’offre chirurgien : ici, l'équipe a un gros problème (le sourcing, le closing, ou encore comment gérer un haut volume et un gros défi en une période très courte, etc). Dans ce cas, c'est l'intervention chirurgicale : il prend tout le temps nécessaire - plusieurs heures ou plusieurs journées - pour aller au fond du problème et y remédier.
Dans cet épisode, nous allons parler du recrutement vu sous cet angle en particulier :
Comment augmenter la valeur perçue du rôle des recruteurs par les autres équipes, afin qu’elle soit considérée à sa juste valeur ?
En effet, bien souvent les fonctions RH (y compris le recrutement) sont considérées comme une “fonction support”, terme dont la connotation est un peu négative. Contrairement aux commerciaux, ces fonctions ne sont pas considérées comme "productives", car elles ne rapportent pas directement de l’argent à l’entreprise (même si personnellement, Maxime perçoit plutôt ce mot “support” d’une manière positive, dans le sens encourager, soutenir). Pourtant, la valeur apportée par les RH est primordiale pour l'organisation.
Et malheureusement, dans un contexte où une entreprise freeze ou doit licencier, comme parfois en ce moment où la tech vit une crise du financement, les premières victimes sont les recruteurs.
Ce n'est pas du tout la représentation que Maxime a de son métier, les recruteurs ont vraiment de l’impact sur le terrain. À travers cet épisode, il aimerait donc changer cette perception, en montrant que les recruteurs ne sont pas simplement là pour pourvoir des postes vacants, mais qu'ils peuvent également être perçus comme des conseillers sur lesquels on peut s'appuyer pour construire de véritables équipes. Sans équipes, l’entreprise n’existe tout simplement pas… Les recruteurs ont donc un rôle critique dans le développement et le succès d'une entreprise.
Maxime va donc nous proposer 3 axes actionnables pour augmenter cette valeur perçue du rôle des recruteurs / recruteuses auprès des autres équipes.
AXE 1 : AUGMENTER LA CAPACITÉ DU RECRUTEUR À POSER DES QUESTIONS PERTINENTES
Pour Maxime, les bons recruteurs n'exploitent pas assez leur capacité à poser des questions - les bonnes questions. Pourtant, à de nombreux moments les recruteurs ont l'opportunité de poser des questions pertinentes : lors de la définition des postes, des stratégies de sourcing, dans la définition d’un top ou low performer, dans la définition du process, etc - et demander par exemple :
pourquoi on mesure ça,
pourquoi on cherche vraiment ça,
pourquoi cette personne-là est le bon persona,
pourquoi il y a autant de must have et aussi peu de nice to have,
pourquoi on met la barre aussi haute sur ce candidat,
pourquoi on veut autant de seniorité, etc.
En bref, s’intéresser à pourquoi certains critères ont été choisis, pourquoi certains profils sont privilégiés, et pourquoi certaines compétences sont considérées comme essentielles. Et pour actionner cela, Maxime invite à aller voir en ressource les First Principles Thinking, un concept qui permet de revenir à la racine des problématiques, en demandant pourquoi.
Par exemple, en scale-up on a parfois demandé à Maxime de trouver quelqu'un qui a de l'expérience en management, qui a participé à la croissance de plusieurs scale-ups différentes, qui a un fort sens business, mais disposé à accepter une baisse de salaire (car il serait très motivé à travailler pour eux).
Au lieu d'accepter cette demande sans la remettre en question, Maxime a posé la question pourquoi, dans le but de soulever les difficultés et les éventuelles contradictions liées à ces exigences. En répondant qu’avec autant de must have, il sera sur un pool de seulement 100 personnes en Europe, il challenge son interlocuteur en lui faisant comprendre que ce sera une recherche extrêmement difficile : il faudra déjà trouver ces top performers, puis les convaincre alors qu’ils sont certainement déjà très bien, notamment niveau salaire, là où ils sont.
Il met ensuite en lumière qu’en enlevant un ou plusieurs critères, le talent pool sera élargi, peut-être à 200, 1000 ou 2000 personnes. Ce qui va permettre de recruter plus rapidement, de staffer l'équipe plus vite, et donc de sortir plus vite des projets, ce qui se traduira par une croissance plus rapide pour l'entreprise.
L’idée c'est donc revenir au premier principe, en posant la question pourquoi, et mettre ainsi en lumière les potentielles difficultés, avec si possible des opinions qui viennent d'insights marché. Avec cette approche interactive, le recruteur n’est alors plus un simple exécutant, mais devient un véritable interlocuteur, et cela permet aux recruteurs de montrer leur connexion avec la stratégie de l'entreprise. En revenant aux principes premiers, ils explorent différentes options, ce qui permet à l’interlocuteur de prendre une décision éclairée en fonction des objectifs de l'entreprise.
Lorsqu'il aborde ces questions avec les managers, Maxime utilise souvent le framework “prix / rapidité / qualité”. Généralement, les managers demandent les trois en même temps, mais Maxime précise que ce n’est pas possible et qu’ils ne peuvent avoir que 2 de ces critères au maximum. À eux de choisir lesquels. Après, il peut toujours aller chercher la pépite dans le vivier restreint de 100 candidats, mais cela prendra probablement beaucoup de temps et sera très coûteux en termes de ressources...
Pour les aider, Maxime leur pose souvent cette question :
si la personne arrive demain, qu'est-ce qu'elle a besoin de savoir faire ?
Cela permet de ramener vraiment les choses sur terre, et donc de faire des choix sur les critères qui sont vraiment importants.
Par ailleurs, en connectant toujours ce que l’on fait à un "pourquoi", on sera capable d'avoir une vision très claire de la valeur qu'on apporte à l’organisation, et d’être bien intégré dans les équipes. Avoir cette vision permet de ne pas suivre les bonnes pratiques aveuglément, mais de les replacer dans leur contexte. Par exemple, dans cette période de récession qui touche la french tech, il est important de comprendre pourquoi il ne faut pas tout freezer même si l’entreprise n’est pas encore rentable : si elle n’embauche pas, elle ne pourra pas montrer d’ici un an ou deux des indicateurs de croissance, ce qui l’empêchera de lever de nouveaux fonds. Il faudra recruter mais sûrement différemment, peut-être plus quali etc.
AXE 2 : PRODUIRE DE LA DATA ET DÉVELOPPER DES MÉTRIQUES
Les métriques, en apportant des chiffres et de la data sur les process de recrutement, sont un élément indispensable pour montrer de manière objective la valeur apportée par les RH. Par exemple, s’ils montrent qu’ils font gagner tant de temps aux équipes, c’est équivalent à tant d’argent “gagné” pour l’entreprise.
Quand on est capable d’avoir ces discussions-là avec les équipes, cela change la façon dont l'équipe de recrutement est perçue.
Les métriques de monitoring
Ces métriques permettent de suivre finement ce que font les équipes Talent Acquisition. Depuis un an, ils ont mis en place un format appelé "hiring performance review" qui leur permet d’évaluer leur processus de recrutement au prisme de 3 objectifs :
Embaucher de manière qualitative :
Pour cela, ils ont créé un dashboard qui compare la performance d’un candidat dans le hiring process (avec une note de 1 à 4 dans leur ATS, Lever), avec sa performance review une fois embauché après un certain temps (3 mois, 1 an…) notée aussi de 1 à 4. Ils peuvent ainsi voir quelles équipes performent bien et lesquelles ont besoin d’un accompagnement pour améliorer la qualité de leur recrutement.
Pour évaluer la qualité du recrutement, ils regardent aussi simplement le nombre de personnes qui restent plus d'un an chez Alan. Maxime considère en effet que l'équipe de recrutement est redevable de la qualité du recrutement pendant au moins un an.
Ils examinent également la cohérence des évaluations entre les différentes équipes et l’impact éventuel sur les performances ultérieures. Ils cherchent des corrélations entre la performance du processus de recrutement et la performance réelle des candidats.
Embaucher rapidement :
Les métriques Time to Hire et Time to Fill permettent directement de connaître le temps passé pour suivre le process de recrutement et pourvoir le poste. Ils regardent également les screening per hire, c’est-à-dire combien de personnes ils vont devoir screener, donc en entrée de process, pour embaucher une personne. Cela donne beaucoup d’insights sur la qualité de leur sourcing.
Embaucher à moindre coût :
Le Cost to Hire leur permet de savoir combien leur coûte un recrutement par équipe. Globalement, cela correspond au coût de l’équipe impliquée + le tooling nécessaire pour embaucher, divisé par le nombre de recrutements.
Maxime aimerait bien pouvoir également calculer le coût de l'attrition, le coût des missing opportunities : si un candidat n’est pas pris car il ne correspond pas parfaitement au profil recherché, et que du coup le poste n'est pas pourvu pendant 3 mois, quel est le manque à gagner pour l’entreprise de n’avoir personne sur ce rôle pendant ces 3 mois ? Cela permettrait de prendre des décisions plus éclairées.
Les métriques organisationnelles
Ce sont les métriques que Maxime présente aux autres équipes pour qu’ils puissent mieux s’organiser, qui sont donc aussi une démonstration de valeur apportée. Il y en a principalement trois :
Une vue temps réel du pipe :
Connaissant le taux de conversion, ils peuvent dire de manière prédictive combien de personnes il est possible d’embaucher avec le nombre de personnes qui sont dans le pipe au moment présent.
Une vue stock :
C’est une vue qui leur permet de savoir comment ils performent par rapport à l’année précédente en termes de stock. Par exemple, si en 2022 pour embaucher 10 personnes, ils avaient besoin de sourcer 1000 personnes, ils vont partir de ce stock de 2022 pour construire la campagne 2023, et mesurer l'effort qu'ils vont devoir produire pour aller embaucher 10 personnes. Chaque semaine, ils updatent ce stock, ce qui leur permet de voir s'il leur reste du stock, et s’ils sont en retard / en avance par rapport à ce qu'ils avaient fait en 2022, et donc d'identifier d’éventuels problèmes.
Et une vue planning production :
Par semaine, selon les objectifs fixés en termes de volume, ils estiment la date à laquelle la campagne de recrutement va s'arrêter.
À travers ces métriques, ils peuvent donc donner une estimation aux équipes sur la date à laquelle ils pourront avoir leur personne pour le poste recherché.
Cela leur permet également d'identifier très vite les challenges qu'ils rencontrent, pour mettre en place des actions correctives, qu’il s’agisse d’améliorer le processus, le sourcing ou de résoudre des problèmes spécifiques à certaines étapes du processus de recrutement.
AXE 3 : RENFORCER LA CONNEXION DU RECRUTEUR AVEC LES ÉQUIPES
Pour augmenter encore la valeur perçue des efforts d'une équipe Talent Acquisition, Maxime mentionne un aspect important qui est une qualité naturelle des bons recruteurs : ce sont de bons “imposteurs" ! Par ce terme, Maxime veut dire qu’ils sont capables de parler le langage, d’avoir un minimum de connaissances sur le domaine d’expertise de leur interlocuteur.
Ainsi, en engageant une conversation approfondie avec un sales leader ou un ingénieur par exemple, le recruteur :
établit une connexion profonde et empathique avec les challenges réels auxquels ces personnes et leurs équipes sont confrontées,
gagne en crédibilité,
et gagne ainsi la confiance des équipes pour lesquelles il recrute.
Évidemment, les recruteurs ne peuvent pas être experts dans tous les domaines, mais il est possible de lisser ce sentiment d'imposture, construire cette empathie, il suffit de s’intéresser, poser des questions. Une compréhension fine des enjeux que vivent les équipes fait une énorme différence, cela montre que les recruteurs sont conscients des défis en cours et sont là pour les aider à y faire face. Ils sont là pour trouver les meilleurs candidats qui contribueront rapidement aux performances de l'entreprise, dans la limite des ressources de l’entreprise. Cet engagement des recruteurs est très apprécié par les équipes.
Certains cabinets de recrutement cherchent même parfois des profils de recruteurs qui ne sont justement pas issus du recrutement, mais issus du domaine dans lequel ils vont avoir besoin de prospecter. Si c’est dans le retail par exemple, ils préféreront avoir quelqu’un qui a 15 ans d’expérience dans le retail, parce que cette personne-là va avoir un réseau dans le retail, elle va comprendre parfaitement les enjeux, le contexte, la réalité des gens etc.
Petit tip concret qui augmente réellement la valeur perçue : Maxime conseille de s'asseoir à côté des équipes qu'ils aident. C’est tout bête, mais grâce à cette proximité, l’équipe se confie beaucoup plus, cela renforce la confiance et permet d'obtenir une meilleure connaissance du contexte.
C’est aussi l’occasion pour les recruteurs d’expliquer la difficulté de leur métier, les défis auxquels ils vont être confrontés pour trouver les profils dont les équipes ont besoin. Certes, c'est difficile de trouver des clients pour un commercial, les gens en ont bien conscience, mais trouver des profils talentueux l’est également, et ça, les équipes ne le perçoivent pas toujours. Maxime était auparavant commercial, et pour lui, recruteur est un métier légèrement plus facile dans la mesure où les recruteurs ont quelque chose à offrir : un job, un salaire, un environnement de travail, des opportunités etc. D’où peut-être ce décalage de perception entre ces 2 métiers.
Maxime estime qu’il a beaucoup de chance, car chez Alan les gens comprennent la difficulté du recrutement. Ils savent ce que c’est, car parfois eux-mêmes sont amenés à sourcer, contacter des candidats, et ils vivent des émotions lorsque des candidats sont retenus ou non…
TIPS : COMMENT DEVENIR UN RECRUTEUR D’EXCEPTION !
Pour qu'un recruteur soit perçu comme exceptionnel, Maxime propose qu’il endosse deux costumes :
celui d'un agent secret :
si le recruteur est capable de débloquer une campagne de recrutement, de recruter LE candidat exceptionnel alors qu’on ne l’attendait pas, l’effet “wahou” est assuré ! Bien sûr, ce candidat n’est pas sorti de nulle part sans effort, c’est le résultat d’infos uniques : par exemple des referrals issus de son réseau, des infos dont il a connaissance sur des entreprises qui ne vont pas très bien dans lesquelles il peut sourcer des talents, etc.
et celui d'un lobbyiste :
le recruteur a aussi pour rôle d'animer une communauté de talents et d'influencer positivement la marque employeur de l'entreprise, pour pouvoir attirer des candidats de façon naturelle. Ils doivent donc encourager les collaborateurs à prendre la parole, partager du contenu et animer leurs propres réseaux de communauté de talents.
C’est donc une invitation pour les recruteurs à s’autoriser à avoir une ambition forte quant à la valeur qu'ils apportent en tant que personnes, au-delà de leur rôle de recruteur. Être connecté, avoir un réseau profond, posséder des connaissances uniques et avoir une influence sur les réseaux sociaux comme LinkedIn, sont d’excellents leviers qui contribuent à une valeur réelle et perçue très élevée, bien supérieure à celle d’un recruteur “lambda”.
C'EST QUOI ALAN ? (Au cas où vous ne sauriez vraiment pas)
Alan est une start-up dans le domaine de la santé, couvrant :
depuis le pré-care : il s’agit de la prévention, de l'aide à la navigation au sein d'un système de santé, et la diffusion de conseils de santé via du contenu fiable ;
le care : ce sont des services innovants de santé, comme l’accès à des thérapeutes directement depuis l'application Alan ;
jusqu’au post-care : une fois que les gens ont vu leur médecin ou leur thérapeute, Alan propose une assurance santé qui rembourse rapidement, avec un service client top qualité.
Alan opère actuellement en France, en Espagne et en Belgique, avec plus de 400 000 membres. Ils ont pour ambition de continuer à se développer et à impacter la vie de centaines de millions d'Européens en devenant leur partenaire de santé. Le rôle de Maxime est donc de placer des talents dans l’entreprise afin d’aller nourrir ces objectifs-là.
Vous pouvez retrouver Maxime sur Linkedin
Ressources recommandées par Maxime :
le livre Scaling People de Claire Hughes Johnson
ET MAINTENANT ? DÉCOUVREZ LES SECRETS RH DES PLUS BELLES STARTUPS SUR LE WIKI YANIRO 👇
Pour découvrir les meilleures pratiques RH des plus belles Startups sans passer par la lecture de 100+ articles, demandez votre accès gratuit au Yaniro Wiki.
Comments