Yaniro Podcast - Revendre une boîte qui tourne toute seule
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Revendre une boîte qui tourne toute seule

Dernière mise à jour : 12 juin 2023

Yannick Namia - Fondateur de Nabl



"Je considère que le rôle du CEO est de construire une équipe de rockstars et de ne pas être une rockstar lui-même dans un sujet en particulier." Yannick Namia

Aujourd’hui, c’est au tour de Yannick Namia de se prêter au jeu du podcast Yaniro. Ce serial entrepreneur est notamment à la tête de Nabl, une solution alternative de recueil d’avis client qui permet aux lieux de commerces de reprendre le contrôle sur leur note TripAdvisor. Dans ce nouvel épisode, Yannick nous parle notamment de ses différentes entreprises ainsi que de son expérience en termes de revente de son entreprise


Alexis Eve : Bienvenue sur le podcast Yaniro. Tu es le fondateur et le président de Nabl, une solution qui permet aux enseignes de recueillir les avis de leurs clients directement sur place, et ce par différents moyens. Pour les sociétés, cela va notamment leur permettre de reprendre le contrôle de leur réputation en ligne et de remonter leur score sur TripAdvisor.


Yannick Namia : En effet, c’est exactement ce que l’on fait. On existe depuis un peu moins de trois ans et on a passé la barre des 500 clients avec une équipe d’une dizaine de personnes. On est principalement basé en France, mais on a une petite partie aux USA que l’on développera par la suite.


Tu es aussi le fondateur de Pélikant, un catamaran autonome qui collecte des déchets flottants. Tu as aussi été président de plein d’autres entreprises telles que, Asolution, NetinUp, ou encore Manger dans le quartier qui se regroupent sous un système de société mère.


Exactement. Par exemple, j’ai créé ma première société, Devyn, en 2004, en sortant de l’école d’ingénieurs. Devyn est devenu par la suite une holding et j’ai fait remonter toutes mes parts dans cette société. Ma première « vraie » société a été Asolution qui consistait à créer des sites web. Elle a été créée en 2006 et revendue en 2017. En résumé, on faisait des sites internet personnalisés, mais avec une grande partie d’industrialisation. En quelques heures, on pouvait proposer un travail qui prenait plusieurs jours à un graphiste ou à un développeur. On a également voulu apporter une partie conseil que la majorité des sociétés dans le secteur ne proposaient pas.


Il y a aussi eu NetinUp qui, en 2013, s’est traduit par un réseau de franchises afin d’avoir une présence plus locale. On s’est retrouvé avec une quarantaine de franchisés. Pour Manger dans le quartier, l’idée était de faire un guide papier des restaurants à moins de 5 minutes à pied du lieu de travail des personnes. Après ça, on distribuait le guide dans les bureaux. C’était un très beau projet, mais, malheureusement, on ne peut pas tout faire, donc on l’a arrêté. Au même moment, en 2016, on a commencé à travailler sur Nabl et c’est sur ce projet que j’ai décidé de me focaliser.


Même si tu dis que l’on ne peut pas tout faire, tu as fait beaucoup ! Parmi les recherches que j’ai faites, j’ai vu que sur le profil que tu as mis en ligne sur la plateforme Couchsurfing il y a plusieurs années tu disais « J’ai 31 ans, j’ai créé une compagnie il y a quelques années, j’essaye de faire en sorte que ça marche et je suis un couchsurfing virgin ». Est-ce que tu arrives à reconnecter avec cette période où la création de société était encore quelque chose d’assez nouveau pour toi ? Et est-ce que tu te considères toujours comme un couchsurfing virgin ? (Rires)


Je suis effectivement toujours un couchsurfing virgin, je n’en ai jamais fait et je n’ai jamais été contacté, mon profil n’était peut-être pas très attirant. (Rires) Quand j’avais 31 ans, j’étais dans Asolution qui venait de passer le million de chiffre d’affaires. Je venais juste de racheter les parts de mon associé et je suis devenu seul capitaine à bord. Pour en revenir au couchsurfing, on peut dire que ce sont les voyages qui ont formé mon envie d’entreprendre, comme une envie de liberté !


Tu as donc repris les parts de ton associé et tu possédais une boîte qui a fait ses preuves, tout en ayant envie de passer au stade supérieur. Cette notion d’entreprendre en solo, d’être le capitaine, comment tu le vis ?


Cela faisait six ans que l’on tenait la société à deux avec des rôles bien définis et, avec des moments de vies qui pouvaient être différents. On n’avait pas forcément la même énergie à donner pour faire grandir la société. Je me disais que je verrais bien une boîte qui passe à 100 millions de chiffre d’affaires et mon associé n’avait pas la même ambition. On s’est alors dit que c’était peut-être le moment de séparer nos chemins et cela s’est fait de façon très sereine. Il s’agit d’un moment assez effrayant, car tu te dois de gérer de nouvelles choses. Ce sont des moments à la fois excitants et remplis de doutes. C’est un exercice complexe de passer de plusieurs à tout seul.


Comment tu l’as géré ? Avec le recul, qu’est-ce qui t’a permis de faciliter la transition ?


À ce moment-là, j’ai beaucoup parlé avec mon comptable qui a été très présent et qui m’a expliqué beaucoup de choses. Il y a une chose qui est quand même importante : on était une boîte qui marchait bien, en croissance, avec une très bonne équipe. Au final, ça n’a pas été très douloureux en termes de management.


Avant l’interview, tu as évoqué le fait que tu aimerais bien retrouver un associé, mais, entre temps, tu as monté des projets où tu étais le seul capitaine. Comment tu expliques ce besoin de t’entourer de quelqu’un d’autre ?


C’est vrai que, même si on était plusieurs sur le projet, j’ai été seul à fonder Nabl. Dans les faits, il y a rarement des projets que tu montes intégralement seul. De nos jours, je constate vraiment que, avec des associés, tu vas plus vite. J’avais beaucoup de lacunes, dans beaucoup de sujets, j’ai donc voulu m’entourer de gens compétents. Il y a un moment dans ma vie d’entrepreneur où j’ai réalisé qu’il y avait plein de sujets où il était mieux que ce ne soit pas moi en charge. Je considère que le rôle du CEO est de construire une équipe de rockstars et de ne pas être une rockstar lui-même dans un sujet en particulier.


Cette notion, tu l’as découverte en cours de route ou c’est quelque chose que tu avais en toi depuis le début ?


Au début, quand tu créés ta boite, tu vas souvent dans l’ « économie ». Par exemple, on ne compte plus le nombre de sociétés qui recrutent des stagiaires. À mes débuts, j’ai fait l’erreur de vouloir tout gérer moi-même. Toutefois, tu te rends compte rapidement que, si tu le fais toi-même, tu vas le faire moins bien et aller beaucoup plus lentement. Aujourd’hui, mon objectif quand je monte une boite, c’est de monter une équipe où les gens sont très compétents dans leur domaine et où je vais pouvoir leur faire confiance. Ces gens ont les compétences et ils savent ce qu’ils font.


Tu es quand même un archétype du modèle « la semaine de quatre heures ». Tu as tout automatisé, tout tourne, et tu as, par exemple, la capacité d’aller voyager. Est-ce que c’est une heureuse coïncidence ou il y a eu une véritable intention de ta part ?


De façon générale, je déteste faire la même chose deux fois donc je vais essayer d’automatiser au maximum. En plus de cela, une fois que tu constitues une équipe de personnes dans lesquelles tu as confiance, tu leurs donnes les rennes. La clef de la réussite d’une boîte, c’est d’arriver à constituer une équipe dans laquelle tu as entièrement confiance. J’ai la chance avec Nabl d’avoir réussi à constituer une équipe comme ça.


Comment on vit cette position dans une société ?


Lorsque j’étais chez Asolution, j’ai quitté Lyon sur un coup de tête pour partir vivre en Bretagne et j’ai pensé au côté business seulement après. Je me suis alors rendu compte que j’avais une équipe de direction très autonome et l’organisation faisait que je n’avais pas besoin d’être là au quotidien. Une des caractéristiques omniprésentes chez le CEO est le besoin d’être toujours présent. Cependant, en étant loin, j’ai pu ouvrir les yeux et constater que, même si je n’étais plus là physiquement, la boîte continuait à tourner. À mon sens, c’est encore plus valorisant pour l’équipe en place. J’ai pu prendre conscience que le rôle du CEO n’était pas d’être là 24 heures sur 24 à tout contrôler.


Lors de ton déménagement en Bretagne et au moment où tu te rends compte de ça, y a-t-il eu une remise en question ?


Au début, tu vas faire du « présentéisme à distance », notamment en passant ta journée sur tes mails. Ensuite, j’ai dû faire face au décalage horaire lorsque j’ai passé un peu de temps aux USA. Au final, tu te rends compte que, même si tu n’es pas là pendant la matinée française, le monde ne s’arrête pas de tourner et tu peux gérer tes mails plus tard. Tu vas donc pouvoir réorganiser totalement la façon dont tu travailles.


Après avoir pris conscience que cela était « possible », quel effet ça a pu avoir sur toi ? Quand le fait d’être aux manettes est l’essentiel de ton identité professionnelle, comment tu réagis lorsque les choses fonctionnent bien quand tu n’es pas là ?


À un moment donné, tu as un déclic où tu comprends mieux ton rôle de CEO et où tu comprends que ton rôle n’est pas d’être là au quotidien. Tu deviens alors une autre personne et les champs des possibles s’ouvrent beaucoup.


Toujours sur le sujet du CEO d’une boîte autonome, qu’est-ce que tu fais quand tu le deviens ? A quoi tu occupes ton temps ?


Concrètement, lorsque tu te rends compte de ça, tu essayes de te mettre à niveau sur des sujets que tu ne maîtrises pas forcément. Dans tous les cas, tu ne vas pas "ne rien faire". Tu vas passer beaucoup de temps à te former, à écrire la vision de ta boîte ou bien à étudier les concurrents. Ce sont des choses que tu n’avais pas forcément le temps de faire au quotidien. Lorsque ton rôle de CEO change, tu deviens chef d’orchestre, tu vérifies que la boîte et les personnes vont dans la bonne direction. Quand tu as des personnes très autonomes et très compétentes, elles ont beaucoup d’idées et veulent faire beaucoup de choses, mais c’est ton rôle de les aider à garder le cap sur une même ligne directrice.


Comment le vivent les équipes lorsqu’elles se rendent compte que la boîte peut vivre sans le CEO ?


Pour les équipes, le fait de faire tourner la boite est hyper valorisant. Elles vont pouvoir avoir des idées et en prendre la responsabilité. On remarque des personnes qui arrivent à grandir d’un coup. Tous les collaborateurs sont des managers qui s’ignorent, c’est juste qu’ils n’ont jamais été mis en position de grandir. Ma stratégie de management est de prendre des gens qui ont du talent, chez qui je vais ressentir un gros potentiel, et les mettre au pied du mur en les laissant en autonomie sur leurs sujets.


Est-ce que tu as envie que l’on parle de la partie revente de ton entreprise ? Cela peut générer beaucoup de curiosité chez les entrepreneurs qui nous écoutent !


La revente est une étape très compliquée, mais très intéressante. Dans le registre des choses complexes, il y a les papiers qui doivent être en ordre. Cependant, tu vas te rendre compte qu’il y a souvent beaucoup de choses qui manquent. Cela prend beaucoup de temps et beaucoup d’énergie. Il peut également y avoir beaucoup de stress. De mon côté, les personnes qui ont repris étaient dans le même milieu donc, par conséquent, on se comprenait.


La vente de ma société a duré à peu près de neuf mois, ce qui est assez long. En plus de cela, il y a des moments où il ne se passe rien, car il y a plein de choses en attente.

Après le business, il y a un aspect psychologique qui reste assez inattendu, mais qui est très fort. Il y a une première partie qui concerne le « statut social », car tu passes de CEO d’un groupe de 65 personnes à CEO de toi-même. Tu te rends compte que, tout à coup, tu vas changer de statut.


J’ai l’impression qu’il y a un côté presque tabou lié au sujet de la revente.


Lorsque l’on parle de revente, il y a souvent quelques fantasmes, les gens veulent savoir combien tu as gagné. De ce fait, il y a une sorte de mystère qui peut créer une distance avec beaucoup de personnes, et ce même dans la vie familiale. Il est important de ne pas négliger cette partie. Je pense que, de mon côté, je l’ai mal fait, car je n’étais pas prêt à ça.

Il y aussi un deuxième aspect psychologique qui est que tu te retrouves avec de l’argent te permettant de voir venir et pouvant te faire perdre l’entrain que tu pouvais avoir avant. À ce sujet, j’ai fait une erreur. J’ai créé Nabl avant de revendre mon ancienne boite. Je pense qu'il faut vraiment faire un « break » entre la vente d’une boite avant de recommencer un projet. Je dirais deux ou trois mois de pause avant de recommencer.


Pourquoi avoir créé Nabl à côté ?


Étant donné qu’Asolution marchait, j’avais le temps de créer Nabl avec certaines personnes de la boîte. J’avais aussi l’envie de bosser sur autre chose. Toutefois, si c’était à refaire, je ne le ferais pas de la même manière.


Cela m’évoque une sorte de double-tension entre le plaisir d'une activité intense et le sentiment qu’il faut se reposer, tout en gardant une certaine « peur du vide ».


Quand je parle de « break », ça peut par exemple être partir aux USA pendant trois mois et s’imprégner de la culture start-up, cela ne veut pas forcément dire ne rien faire. Dans tous les cas, je pense que, en tant qu’entrepreneur, on n’est pas fait comme ça. Pendant ces trois mois, ça peut être l’occasion de faire un travail sur ses forces et ses faiblesses. Pour moi, l’échec n’est pas un problème, mais c’est vraiment une opportunité d’apprendre et d’aller plus vite après.


En parlant de Nabl et de Pélikant, qu’est-ce qui fait que tu a monté deux société en parallèle ?


Pélikant vient d’un constat simple : tous les soirs, je me retrouvais à ramasser des déchets plastiques venant de la mer. Lorsque tu passes de Lyon à la Bretagne, tu en viens à aimer l’océan d’une nouvelle manière et tu as envie de le protéger. Le projet Pélikant est un bateau totalement autonome basé sur les carcasses de catamarans sportifs. On enlève le mât, on met une pelle de récupération des déchets flottants, on met également un moteur électrique avec un pilotage par GPS. Le but est de ramasser les déchets flottants avant qu’ils ne coulent au large. Dans ce projet, j’ai trouvé plusieurs personnes de très bonne volonté qui s’y sont vraiment impliquées. Ce sont des projets qui ont un réel but et qui ont vraiment du sens. Concrètement, à quoi bon se battre pour être riche si, dans dix ans, la planète est dans un tel mauvais état que tu ne peux pas en profiter ?


Pourquoi Pélikant n’est pas le projet que tu as lancé directement après ta première boîte ?


À l’époque, je n’avais même pas l’idée ni même le courage d’y aller. Ce sont des projets où tu sais que tu ne vas pas gagner d’argent, qui pourront même s’avérer être un gouffre financier, mais, au fur et à mesure, tu te rends compte que ça intéresse vraiment les gens. L’objectif est souvent plus grand toi.


Est-ce que ça a été une gymnastique intellectuelle différente de piloter un projet qui ne va pas te faire gagner d’argent ?


C’est un projet que tu vas faire avec un état d’esprit totalement différent. Tu ne vas plus réfléchir de la même manière. Les levées de fonds se transforment en subventions. Au lieu de réfléchir chiffre d’affaires, tu vas finir par penser que tu préfères donner le bateau, car tu sais que ça va pouvoir aider. Personnellement, j’aime bien ce grand écart qui permet de mettre les choses en perspective. Tu te rends compte aussi qu’il y a beaucoup d’argent dans le monde de la protection de l’environnement. Cet argent n’est pas facile à aller chercher, mais il peut y avoir des fonds qui se débloquent.


Tu as réussi à faire cette gymnastique ou tu as gardé tes vieux réflexes ?


Au début, et même encore maintenant, je voulais avoir un business model. J’ai vu beaucoup de projets comme ça sans véritable réalité économique. La plupart des projets s’arrêtent, car les personnes n’ont pas anticipé ces aspects. De mon côté, je voulais apporter une vision business à un projet environnemental et voir comment le rendre rentable.


Pour finir cette discussion, quelle est la question que l’on ne te pose pas, mais à laquelle tu aimerais répondre ?


L’idée que j’ai est un sujet qui vient du groupe d’entrepreneurs dans lequel on échange avec Sylvain Tillon de Tilkee : il s'agit de la fixation d’un objectif personnel, et pour la société.

Si on a des associés, c’est une discussion aussi à avoir pour être bien aligné.

Je parle ici d’énergie et de temps consacré au projet, du moment où le versement d’un salaire sera obligatoire, des montants de rachats où tout le monde dit « oui », des milestones où on doit décider « stop ou encore », etc, etc… Cela peut être remis à jour tous les ans par exemple. C’est je pense indispensable pour ne pas se retrouver dans des situations de conflits entre associés !


Où est-ce que l’on envoie les personnes qui veulent te contacter ?


Sur mon compte LinkedIn : Yannick Namia !


Références :


La semaine de quatre heures : travaillez moins, gagnez plus et vivez mieux, écrit par Tim Ferriss édité par Pearson Education

Interview Yaniro de Sylvain Tillon de Tilkee : https://www.yaniro.co/blog/podcast04


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