Mettre en place la méthode Lean
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Mettre en place la méthode Lean

Dernière mise à jour : 6 oct. 2023

Avec Jonathan Vidor, Président Fondateur de JVWEB



Jonathan Vidor, Président fondateur de JVWEB, a choisi de mettre en place la méthode Lean dans sa startup. Il nous explique ici comment il a choisi Lean puis comment JVWEB a su évoluer en intégrant les principes du Lean.


Jonathan Vidor est le Président Fondateur de JVWEB, entreprise qu’il a créée en 2004. Pendant ses études, Jonathan créait ses propres sites internet qu’il référençait à l’époque sur AltaVista et Lycos, puis Google. Ces référencements lui ont apporté des milliers de visiteurs, qu’il a pu transformer en revenus. C’est donc tout naturellement qu’il s’est mis à son compte à la fin de ses études, et avoir ses premières entreprises clientes. En 2006, il a commencé à embaucher pour pouvoir répondre à la demande, et aujourd’hui JVWEB comprend 90 personnes.


JVWEB est là pour aider les e-commerçants et les marques à être présent sur Google en publicité ou en naturel, sur Facebook, avec pour objectif de leur faire augmenter leur chiffre d'affaires et augmenter la marge par vente.


Jonathan définit JVWEB comme une agence, une PME de croissance, plutôt qu’une start-up. Jusqu’en 2021 l’agence a été développée sur fonds propres, et puis l'année dernière 25 millions d'euros ont été levés avec le fonds Capital Croissance, dans le but de créer des bureaux à l'étranger et de dupliquer le modèle en faisant aussi des build-ups à l'étranger.


DÉFINITION DU LEAN


Le lean a été créé et développé par l'entreprise Toyota, et est resté longtemps dans le milieu automobile. Puis au début des années 2010 des entreprises de services ou de production hors automobile ont commencé à l’utiliser. L’objectif de Toyota était de faire grandir l'humain et le rendre plus fort.


Bien sûr, tout le monde n'a pas les mêmes capacités ni le même savoir-faire de base, mais l'idée c'est que jour après jour, mois après mois, année après année, chacun devient de plus en plus fort avec son propre système de progression. Et c'est basé sur le volontariat et l’envie des gens, c’est parce qu’ils essayent qu’ils y arrivent. Ce n’est pas parce qu’ils sont obligés ou formés.


Qualifié parfois de méthodologie ou d’organisation du travail, le lean est plutôt une stratégie qui se rapproche du mindset, d’un état d’esprit, d’une philosophie. Il y a des outils à utiliser, mais ce qui est intéressant, c'est :

  • comment ils sont déployés,

  • comment on discute avec les gens,

  • comment on visualise la progression des gens.

Et cela demande d’aller vraiment sur le terrain.


Le lean s’inscrit dans une logique d'amélioration continue basée sur l'amélioration de l'humain, donc la valorisation de l'humain. L'objectif est que chacun se développe en améliorant ses pratiques, en faisant des résolutions de problèmes, et du coup chacun avance régulièrement par petits steps et améliore chaque semaine 1% de sa production.


Donc ce n’est pas du tout l’esprit d’une entreprise qui, une fois tous les 3 ans, décide une grosse réorganisation où une grande partie des gens changent de poste. Ici, la personne est à son poste et avec l'aide de son n+1, appelé le team leader chez JVWEB, elle fait progresser ses pratiques, les partage avec ses collègues du même niveau ou du même poste, et du coup tout le monde progresse ensemble. Donc si quelqu’un a une bonne idée, elle est partagée au reste de l'équipe. Donc avec 90 personnes, si chacune a une bonne idée une fois par mois, ça veut dire 90 pratiques qui changent par mois, soit 1000 pratiques sur une année. L’impact est donc vraiment énorme.


LES DÉBUTS ET LA MISE EN PLACE DU LEAN CHEZ JVWEB


En 2016, l'entreprise se porte bien, elle fait de la croissance et gagne de l'argent, mais Jonathan et son DG dorment de plus en plus mal parce qu'à chaque embauche, à chaque nouveau client, c’est un problème de plus à gérer. Même si ce ne sont pas forcément de gros problèmes, c’est leur accumulation qui pèse. En plus, c’était bien souvent les mêmes problèmes qui revenaient, de façon cyclique sur 6 / 12 / 18 mois. En effet, c’est un business où ils embauchent beaucoup de gens qui sortent de l'école, donc ils arrivent, ils sont formés et progressent, pour partir ensuite.


A l’époque avant le lean :

  • il n’existait pas de plan de carrière,

  • il n'y avait pas de méthodologie pour régler les problèmes,

  • aucune méthode ou façon de faire universelle dans l’entreprise n’existait,

  • les gens avaient du mal à discuter ensemble, n'avaient pas les mêmes points de vue,

  • et les solutions trouvées n’étaient pas pérennes car les équipes changeaient régulièrement, et elles étaient oubliées car il n’y avait pas de documentation, et donc les problèmes revenaient.


Et ces problèmes récurrents étaient très impactants pour les clients car ils leur faisaient perdre de l’argent ou rater du chiffre d'affaires. Donc ces clients soit menaçaient de partir, soit demandaient un dédommagement, soit réclamaient du travail supplémentaire.


L’objectif à cette période était donc de trouver une solution pour pouvoir continuer à grossir sans s'épuiser. C'est le contexte de départ.


Jonathan et son DG ont alors lu un livre dont les solutions leur semblaient intéressantes. Après quelques recherches et une discussion avec leur ami, patron de Theodo, celui-ci leur a présenté Regis qui était en fait un Sensei. Dans l’approche lean, le Sensei est en quelque sorte un référent, un mentor. C’est quelqu’un de très important qui maîtrise le lean, qui maîtrise le Toyota Production System, appelé aussi le Thinking People System (TPS). Cette personne n'est pas là pour donner les solutions contrairement à un consulting classique, la personne est juste là pour faire prendre conscience de ce qui se passe dans l’entreprise, mettre en lumière des choses qui passaient inaperçues.


Regis ne connaissait pas le business model de JVWEB, ni la sensibilité et les préférences de leurs clients, même si bien sûr il avait eu quelques explications au début. Il ne connaissait donc pas les solutions pour l’entreprise. Sa méthode était d’aller sur le terrain, de poser des questions assez vagues quand il voyait des situations qu’il trouvait surprenantes, pour amener les dirigeants à les voir.


Travailler avec son sensei consiste en un accompagnement régulier. Regis suit JVWEB depuis 2016, au départ il venait trois jours par mois, maintenant c’est moins souvent, environ une journée par mois (avec quelques appels par mois). Et s’il continue, c’est parce qu'il apporte toujours de la valeur, car lui aussi progresse, donc il fait progresser l’entreprise. Sur certains gestes, il apporte toujours une nouvelle vision et permet donc d'être de plus en plus efficace. Il apporte donc un perfectionnement permanent.


Des plans de production ont été créés : un plan de production permet à la personne de savoir ce qu'elle doit faire aujourd'hui et ce qu'elle doit faire demain. Et en comparaison avec les premières versions, les connaissances du plan de production sont bien meilleures aujourd’hui, ils sont donc beaucoup plus utiles et efficaces pour la personne.


LES PRINCIPAUX OUTILS / MÉTHODOLOGIES DU LEAN


La satisfaction client

La satisfaction client, c'est vraiment le point de départ : le client est-il satisfait ou pas ?


En 2016, Jonathan pensait que ses clients étaient satisfaits, et que si vraiment ils ne l’étaient pas, cela venait d’eux. Et en appelant les clients, en regardant les emails, il s’est aperçu que les problèmes venaient plutôt de JVWEB…


Donc comment parvenir à mieux satisfaire les clients ? Chaque pièce (dans le langage JVWEB, une pièce = une mission, par exemple : trouver des mots clés, écrire un email, optimiser une campagne publicitaire, rédiger une annonce, etc) qui est fabriquée est évaluée selon 4 axes :

  • la qualité,

  • le délai de livraison entre la commande et la livraison,

  • le coût, donc le temps passé en production dans l’entreprise,

  • et le confort pour le collaborateur : est-ce que produire la pièce que demande le client c'est confortable ou c'est pénible à faire pour le collaborateur ?

Tout Pour Réussir



Le deuxième axe c’est de regarder si le collaborateur a tout pour réussir, et ce “tout pour réussir” qui s’appelle aussi le respect for people, englobe de nombreuses choses sur les aspects humains, méthode et matériel. Par exemple quand une mission est confiée à un collaborateur :

  • Quelqu'un a t’il pris le temps de lui expliquer comment réaliser cette production ?

  • A t’il eu un exercice dessus ?

  • Est-ce qu’il a le temps de le faire ?

  • Le matériel avec lequel il va travailler est-il adapté à son besoin ?

A l’époque, ils se sont par exemple aperçus qu’en faisant ce bilan, 8 personnes sur les 40 collaborateurs avaient un ordinateur qui fonctionnait très mal. Elles auraient pu en parler, mais le fait est qu’elles ne l’avaient jamais signalé. Et donc du coup ça les ralentissait dans leur journée, alors qu’un ordinateur c’est la base de ce métier, et que le prix d'un ordinateur n’était pas important comparé à un salaire.


La chaîne d’aide

Pour cela, le lean utilise un outil qui s’appelle l‘Andon. A l'origine, il s’agissait du bouton rouge sur les chaînes d'assemblage Toyota pour signaler une difficulté, par exemple un retard. En fait c'est un appel à l'aide.


Les Andons pour ne jamais être bloqué


Dans une équipe, il y a un team leader pour 5 personnes. L’emploi du temps du team leader est réparti comme suit :

  • 50% de son temps est passé à produire, ce qui est nécessaire pour qu’il garde la connaissance de la production,

  • et 50% de son temps est consacré à aider ces cinq personnes. Donc une demi-journée tous les jours, il est disponible pour son équipe, ce qui représente un temps non négligeable sur la semaine. Et sur ce temps disponible, dès qu’un collaborateur à la moindre question, il peut lui poser. Ces questions tournent en général autour de ces quelques thèmes :

    • j'ai trop de travail,

    • je ne sais pas faire ce qu'on m'a demandé de faire,

    • j'ai un doute. Même si souvent les collaborateurs savent faire, parfois ils ont un doute parce que le contexte varie beaucoup d’un client à l’autre (vente de services RH, vente de mobilier, vente de fleurs sur internet, etc). Donc même si la campagne est créée de la même façon, une personnalisation fine est nécessaire et donc faite de façon différente à chaque fois.

Comme le team leader est disponible la moitié de son temps, il peut tout de suite venir aider. Et c’est ce qui fait que les collaborateurs ne sont en principe jamais ou très rarement bloqués, c’est vraiment le premier Tout Pour Réussir. Et au cas où le team leader ne serait vraiment pas disponible, derrière il y a les autres team leader (il y en a 10 au total), puis le DG, puis Jonathan.


L’avantage côté clients c’est qu’avec ce système d’appel à l’aide, les pièces sont quasi toujours délivrées à la fois dans le délai voulu et en qualité voulue.


Mais demander de l’aide n’est pas forcément naturel pour les gens, surtout pour ceux embauchés à bac+5, parce qu'à l'école ils ont surtout appris à chercher et à apprendre par eux-mêmes. Mais pour respecter les délais clients, ce n’est pas la meilleure solution : en cherchant sur internet on peut trouver une méthode mais qui n'est pas forcément la meilleure, ou parfois on peut se tromper et devoir ensuite rappeler les clients.


Des checks réguliers pour inciter à faire des Andons


Les collaborateurs sont donc incités à faire l’Andon, et finalement ils le font car :

  • souvent ça va plus vite que de chercher sur internet, quand c'est bien rodé,

  • tous les jours ils ont un plan de production qu’ils font eux-mêmes, en estimant ce qu’ils pensent pouvoir produire ce jour. Ensuite le midi et le soir ils ont un small talk avec le team leader, et s’ils ne sont pas dans les délais, cela signifie qu'ils ont eu un problème sur une pièce, il peut y avoir par exemple un besoin de formation. A partir de là, le team leader soit va prendre le temps de le faire dans la journée, soit le lendemain, mais il va apporter son aide au collaborateur. Et donc le fait d'avoir des checks réguliers pousse le collaborateur à faire cet appel à l'aide, parce que de toute façon le team leader va le voir.

Tout cet ensemble, c’est ce qui est appelé la chaîne d’aide chez JVWEB : on part du team leader, puis il y a les autres team leaders, puis le DG, puis Jonathan, et on pourrait même ajouter au-dessus, le Sensei.


Le Gemba

Le Gemba est un outil qui marche bien et qui est très important, notamment pour les entreprises qui grossissent et commencent à dépasser 20 personnes. Cela signifie : aller sur le terrain, et voir la vérité vraie.


Beaucoup de patrons ont des Head of, des directeurs, et du coup ne vont plus sur le terrain. Jonathan consacre entre une demi-heure et une heure et demie par semaine pour aller s'asseoir avec des collaborateurs et regarder comment ils travaillent. En général ils se mettent d'accord sur une pièce, et Jonathan observe comment ça se passe, les difficultés qu'ils rencontrent etc.


Au début (maintenant c’est beaucoup moins le cas), il s’est aperçu qu’il y avait un écart énorme entre ce qu’il pensait et la réalité vraie qu’il observait sur le terrain. Et donc avant d’aller sur le terrain, les décisions qu’il prenait de son bureau :

  • d’une part étaient souvent modifiées, dupliquées et transformées avant d’arriver sur le terrain,

  • et d’autre part, ce qu’il pensait du terrain était faux par rapport à la réalité.

En conséquence, les mesures prises étaient plutôt contre-productives et elles n’aidaient pas les équipes.


De même, si quelqu’un vient dans un des bureaux d’un responsable pour expliquer un problème sur une pièce, finalement il parle souvent dans le vide. Et c’est humain, on répète, on déforme, on oriente son discours. Dans ce cas, il est demandé au collaborateur de montrer la pièce dont il parle, de voir par exemple l’email, la campagne publicitaire… Et en allant concrètement sur le terrain, la réalité “vraie” est bien souvent différente de la situation décrite à l’oral.


Le fait d'aller sur le terrain régulièrement a permis à Jonathan :

  • de prendre des décisions beaucoup plus facilement, sachant ce qu’il s’y passe et ce que les clients pensent,

  • mais aussi de faire grandir le collaborateur : dans la discussion, par exemple le collaborateur explique ses choix, et Jonathan peut apporter un autre point de vue plus stratégique, plus entreprise, ou lui expliquer autre chose. Du coup cette personne en sort grandie, et Jonathan grandit aussi en même temps, tout le monde est donc plus fort à la fin de ce processus.

Et suite à ces Gembas, Jonathan est souvent amené à prendre de nombreuses petites décisions, des multi-décisions plutôt que de grandes décisions stratégiques.


Quand Jonathan va sur les Gembas, c'est pour voir la vraie vie des collaborateurs, donc cela englobe une réalité multiple, de celui qui répond au téléphone quand il est au service satisfaction, au développeur qui va développer les features du Scrum Master ou du Product Owner. Ou encore pour voir par exemple comment le Product Owner choisit sa feature, comment il va rédiger ses specs, comment il va le placer sur le panneau de développement, etc. Il regarde tout en fait, et vérifie si le collaborateur :

  • a les moyens pour réussir,

  • sait comment tenir ses délais,

  • a son n+1 qui vient aider en cas de besoin.

Et pour Jonathan, plus l’entreprise grossit et plus il est nécessaire d'aller sur le terrain, car le risque augmente que l’écart se creuse entre ce qui est imaginé et ce qui se passe en pratique sur le terrain.


C’est d’ailleurs pour cela qu’il amène tout son Codir sur le terrain un jour par mois : ils font 3 Gembas sur la journée, et après ils discutent de ce que ça veut dire et définissent ce qui doit changer dans les pratiques de l'entreprise pour continuer à débloquer les gens. Le but, c’est que les gens ne soient jamais bloqués.


Le management visuel

Le management visuel est souvent associé au reporting excel, mais il y a une grande différence entre les deux : alors que le reporting excel est là uniquement pour reporter et constater éventuellement que tout se passe bien, le management visuel est un véritable outil d’orientation pour prendre les prochaines décisions.


Par exemple, pour vérifier si l’objectif du client est respecté (c’est souvent une volumétrie, en termes de leads ou de coût d'acquisition par leads), il existe 5 ou 6 indicateurs à analyser sur l'ensemble des clients d'une cellule, soit 6 personnes. Les résultats, qui traduisent à combien est respecté l’objectif du client (80%, 90-95% etc), permettent :

  1. de décider avec le team leader sur quels aspects il doit travailler : la qualité, les délais, la formation etc.

  2. de voir où le team leader a besoin d’aide et comment Jonathan peut lui apporter son aide. En fait, comme ils discutent concrètement de la situation et qu’ils la voient en direct ensemble, ils parlent la même langue et cela permet de tout de suite voir ce qui va mieux ou moins bien. C’est un gros gain de temps, qui évite des discussions inutiles et qui permet de se consacrer sur la résolution du problème ou sur l'amélioration qui sera faite avec ce team leader.


L’amélioration continue, l’innovation

Chez JVWEB, les gens sont incités à être eux-mêmes dans l'amélioration continue et à innover. Grâce au management visuel qu'ils ont parfois personnellement, ils savent où est-ce qu'ils ont des problèmes, ils arrivent à les identifier. Et avec une petite méthode de résolution de problèmes appelée PDCA (Plan Do Check Act), ils sont capables de le résoudre à leur niveau.


Et cela va même plus loin, s’ils sont devant une autre situation qui n’est pas forcément un problème, ils voient comment ils pourraient s'améliorer, par exemple changer une façon de produire.

Et donc le collaborateur est toujours en mouvement, puisqu’il est toujours dans ce triptyque qui s’enchaîne :

  • soit il résout un problème,

  • soit il fait une amélioration,

  • soit il produit.

LA MESURE DE LA SATISFACTION CLIENT


Comme on ne peut améliorer que ce que l’on mesure, comment est mesurée la satisfaction client chez JVWEB ?


Au début, le seul indicateur pris en compte était le nombre de résiliations, donc globalement ils considéraient que tant que le client partait pas, c’est qu'il était satisfait. Ce qui est faux : des clients peuvent être mécontents mais rester pour plein de raisons, ou ne sont pas complètement mécontents mais pas pleinement satisfaits non plus.


Désormais, la satisfaction client est mesurée de 2 façons :


Un email trimestriel aux clients

Chez JVWEB, ils utilisent un outil qui envoie tous les trimestres un email aux clients pour savoir s’il les recommanderait, ce qu’on appelle un NPS (Net Promoter Score).


Sur une échelle de 1 à 10, si la note est :

  • de 9 ou 10 : c’est ok.

  • de 8 : c’est la limite, c’est une note qui déjà n’est pas satisfaisante.

  • en dessous de 8 : c'est mauvais, et une note de 6 / 7 / 8 déclenche un appel du team leader dans la semaine pour connaître les raisons de cette note, car même si le client peut laisser un message écrit avec sa note, c’est rare qu’il le fasse. Une fois sur deux, c'est seulement un détail à changer qui n’est pas grand chose. Le sachant, ils peuvent faire la modification, et donc après la note augmente un petit peu.

  • de 3 / 4 / 5 : de temps en temps, environ une fois par trimestre, ils ont une note très basse, et dans ce cas-là forcément cela signifie qu'il y a un facteur manquant. Cela peut paraître surprenant dans la mesure où les consultants parlent toutes les semaines quasiment à leurs clients, pourquoi ces clients ne leur disent pas ce qui ne va pas ? En fait, comme JVWEB réalise un pourcentage du chiffre d'affaires de ses clients qui varie entre 10 et 50 %, ils ont un vrai impact sur leur business, et donc parfois les clients n'osent pas dire les choses, de peur qu’ils aient moins envie de travailler pour eux. Mais via ce NPS, ce formulaire, ils se sentent plus libres de s’exprimer. Et de même, comme ils vont ensuite parler à un team leader qui n'est pas directement leur consultant, ils se sentent aussi un peu plus libres. Dans ces cas-là, généralement cela requiert de faire une action correctrice.


L’objectif de ces méthodologies de mesure et de mise en place d’actions correctrices est de résoudre l'insatisfaction des clients et donc d’éviter le churn (la résiliation de clients). Et cette méthodologie fonctionne vraiment : au cours des 5 dernières années, sur l’ensemble des notes inférieures ou égales 6, seuls 10% des clients ont churné, ce qui est assez faible. Et sur les 90% restants, au trimestre suivant, la note a progressé à 7 ou + dans 80% des cas. Deux trimestres après, il avaient tous une note égale ou supérieure à 8.


Ces statistiques sont très importantes, car elles ont permis de faire la levée de fonds. En effet, généralement les fonds d'investissement n’aiment pas trop les business people, ils pensent qu’investir dans des business où tout repose sur des gens, ce n’est pas fiable. Et le fait qu’ils prouvent qu’ils arrivaient à résoudre l'insatisfaction des clients, des fonds se sont décidé à investir chez JVWEB.


Un rendez-vous trimestriel

Tous les trimestres, un rendez-vous est fixé avec le client qui dure de 2h à 2h30. Les questions sont plus précises et approfondies, elles portent essentiellement sur la qualité et les délais : qu'est ce qu'il y aurait à changer en termes de qualité et de délais. Cela s’inscrit dans le processus d’amélioration continue.


MISE EN PRATIQUE DE LA RÉSOLUTION DE PROBLÈMES ET DE L'AMÉLIORATION CONTINUE


Les standards

Il existe chez JVWEB une série de standards : c'est la meilleure façon de produire une pièce, et aussi normalement la façon la plus rapide.


Si on prend l’exemple concret d’un client qui met un 6, la résolution de problème suit les étapes suivantes :

  1. Le client est appelé pour savoir pourquoi il n'est pas satisfait,

  2. Puis ensuite est vérifié comment le collaborateur en charge de la pièce se situe par rapport aux standards, et là, 2 cas sont possibles :

    1. Soit Il ne maîtrise pas le standard, parce qu’il n’avait jamais été formé / parce qu’il l’applique mal / ou parce qu’il n’a pas compris quelque chose : il lui faut donc de la formation.

    2. Soit le standard a bien été respecté, mais malgré cela le client n'a pas eu la qualité voulue : là cela nécessite une résolution de problème pour améliorer les standards et produire d'une meilleure façon. Le team leader va alors tester l’amélioration avec la personne sur une ou deux pièces pour voir si ça fonctionne. Si c’est le cas, le team leader va modifier le standard, et à partir de ce moment, tous les gens dans l'entreprise vont produire en se référant à ce nouveau standard. Si la modification est mineure, ce sera juste une note sur le standard. Si c’est une modification majeure, chaque team leader revoit ses équipiers pour expliquer la nouvelle façon de faire. C'est ce qui permet de construire et de transférer le savoir à tout moment. Mais ce transfert est difficile, et même au bout de 6 ans de lean, il ne fonctionne pas toujours très bien.

Les rituels
  • Coté clients


La satisfaction client est au cœur des préoccupations chez JVWEB et l’organisation générale autour de cela fait consensus, sans avoir besoin de beaucoup de process ou rituels.


Un des rituels consiste à regarder les indicateurs de satisfaction client, de réussite :

  • une fois par semaine avec son équipe,

  • et une fois par mois Jonathan avec toute l'entreprise


En dehors de ce rituel il n’en existe pas beaucoup d'autres, puisque que tant que les clients sont satisfaits et qu’ils trouvent des idées pour s'améliorer quand c’est nécessaire, c'est suffisant. Il n’y a pas besoin de réunions, chacun avance avec son team leader et lui-même avance avec le DG.

  • Coté interne

Avant la mise en place lean, ils avaient testé Supermood, un internal NPS, mais les résultats n’étaient pas pertinents. A l’époque, Supermood consistait en un mail par semaine avec 3 questions, qui pourraient se résumer par : qu’est-ce que vous voulez ? Formulée de cette façon, cela créait artificiellement des envies et beaucoup de frustration qui n’avaient pas lieu d’être dans le cadre du travail. Au bout de 2 mois les réponses aux questions sont devenues farfelues et donc inutiles. Ils ont donc arrêté Supermood et se sont mis au lean, embauché la RH, et c’est cela qui a changé la donne.


Désormais chaque semaine les collaborateurs remplissent le TPR : la personne a-t-elle “Tout Pour Réussir” ? Le collaborateur indique ce dont il a besoin, par exemple un besoin de formation. Si quelqu’un répond non au TPR, ils se donnent une semaine pour résoudre le problème, et ils y arrivent dans 50% des cas environ. Mais à l’inverse si tout le monde répond oui, c’est qu’il y a aussi un problème et que les gens ne disent pas la vérité, parce que c'est impossible d'avoir tout pour réussir en permanence sur toute une année. Donc la formulation de la question du TPR, comparé à celle de Supermood, est beaucoup plus pertinente et efficace. Elle amène la personne à se questionner en profondeur sur ses besoins pour que tout se passe bien.


LES PRINCIPAUX CHANGEMENTS AVANT / APRES LEAN


Un niveau de stress moins élevé

Le patron est beaucoup moins stressé et il dort beaucoup mieux ! C’est important car, par effet domino, il implique d’autres métriques de succès au niveau des équipes.


Plus de rapidité et de flexibilité


Deux exemples démontrent un niveau de rapidité et de flexibilité plus importants après la mise en place du lean :

  • Un collaborateur qui avait quitté la société juste avant la mise en place du lean, revenu 3 ans en tant que client, et il avait l’impression que tout était plus flexible qu’avant. Et pourtant pendant ce laps de temps l’entreprise était passée de 40 à 60 personnes. Entendre cela était vraiment un critère de réussite pour Jonathan.

  • Cette rapidité se remarque aussi au niveau innovation. En effet, chaque collaborateur est incité à faire des améliorations, à les partager avec son team leader. Et si cette amélioration est pertinente, une fois par mois Jonathan la présente à toute l’entreprise. Au début il présentait 1 ou 2 améliorations par mois, maintenant il en présente entre 8 et 15, sachant en plus que de nombreuses autres sont faites mais ne sont pas présentées. L’innovation se fait donc beaucoup plus vite, et cela sans responsable innovation, sans faire de grands pas régulièrement, mais seulement en faisant de nombreux petits pas en permanence.

Des collaborateurs opérationnels plus rapidement


Jonathan embauche essentiellement des gens qui sortent de l’école. Auparavant, quand il embauchait quelqu'un en janvier, il était capable de gérer son premier client en octobre / novembre. Maintenant quelqu'un embauché en janvier est opérationnel pour un premier client dès le mois de mars, avec en plus un NPS meilleur qu’avant.


Côté collaborateurs, c’est plus agréable et satisfaisant pour eux car ils sont plus rapidement en production avec un client, la formation étant passée de 10 à 2 mois.


Côté patron, c’est beaucoup plus facile de répondre aux besoins en production : en effet, en moyenne il faut entre 1 et 3 mois pour signer un prospect, et avec 2 mois de formation pour un nouveau collaborateur, il est possible de répondre tout de suite à la demande. En termes de business à scaler, c'est donc beaucoup plus facile.


Une reconnaissance de la progression des collaborateurs


Les collaborateurs étaient très contents de leur job, par contre ils n’avaient pas la reconnaissance régulière sur le fait de franchir des steps. C’est avec le lean en allant sur le terrain que la RH, Tiffany, s’en est rendu compte. Les gens en parlaient pas ou peu, ou l’exprimaient mal. Par exemple, un chargé de compte va gérer de plus en plus de gros clients au fil des années, mais il n'y avait pas de choses palpables, concrètes, pour marquer cette progression.


Désormais, JVWEB valide que le collaborateur a progressé et acquis certaines compétences. C’est ce qu’ils appellent des Ups, et une fois par an le collaborateur passe son Up.


Une RH au plus proche des équipes sur le terrain


Le rôle de RH a été vraiment transformé avec le lean : à force d’aller sur le terrain, Tiffany est devenue proche des équipes et est capable de détecter toutes les préoccupations et problèmes des collaborateurs, sans que ceux-ci aient eu besoin de venir se plaindre dans son bureau.


Elle voit par exemple quand une personne a des difficultés en production et qu’il n’appelle pas son team leader, parce que celui-ci n’explique ou ne forme pas correctement, et donc que ce team leader a besoin d’aide. Ou encore que ce collaborateur a un PC trop lent.


La RH est donc devenue vraiment la pierre angulaire entre la direction et les équipes.


NIVEAU DE DIFFICULTÉ POUR METTRE EN PLACE LE LEAN


La méthode lean semble être faite de bon sens, et il n’y a rien de “magique” ni de secret. D’ailleurs Toyota disait : Venez voir nos usines, il n'y a pas de technique secrète, il n'y a pas d'espionnage industriel à faire… Mais pour autant, est-ce difficile à mettre en oeuvre, car cela semble être un vrai projet d’entreprise qui demande un véritable engagement ? Organiser le bon sens de 90 personnes paraît difficile.


Pour Jonathan, l'avantage avec le lean c'est qu’il n’est pas obligatoire de tout faire. En fonction des problématiques du moment, il est possible de ne faire qu’une partie du lean et cela fonctionnera quand même : les Gembas, ou les Andons, ou encore uniquement les plans de production. D’ailleurs, lors d’une visite au Japon chez une entreprise très avancée en lean, Jonathan et son équipe ont découvert qu’ils n’avaient pas de plans de production. Ils n’en avaient pas besoin, car en 35 ans, grâce au lean et en particulier à l’Andon, ils n’avaient jamais eu un seul retard dans les délais de livraison.


Donc on ne peut mettre qu’une partie du lean en œuvre, même si bien sûr cela fonctionne mieux avec tous les éléments du lean. Par contre, ce n’est pas facile de faire vivre le lean, même une partie. D'où l'importance de lire des livres, de discuter avec un Sensei qui va aider à améliorer en permanence ce qui est en train d'être installé.


GESTION HUMAINE ET PERSONNALITÉS COMPATIBLES LEAN


Le lean est aussi une philosophie, un état d’esprit lié à l'amélioration continue. Selon les personnalités, certains profils de personnes peuvent s’épanouir dans ces challenges d’amélioration continue. D’autres au contraire peuvent ne pas se sentir à l’aise avec cet esprit et trouver cela fatigant. Ces remises en cause permanentes demandent de ne pas prendre les choses trop à cœur ou personnellement, une certaine humilité en fait.


Gestion humaine lors de la mise en place du lean


Au départ, le lean a été mis en place uniquement avec des volontaires qui en avaient envie. Par exemple, les Gembas ont été faits avec ceux qui étaient très forts dans l'entreprise pour que le Gemba soit confortable pour eux et confortable pour Jonathan aussi.


Il y a deux départs vraiment liés au lean, dont la DAF à l'époque qui ne supportait pas que les problèmes soient montrés au grand jour, c’était trop stressant. Pour elle, il fallait les cacher et les traiter en secret.


Gestion humaine lors des recrutements


En recrutement, le but étant que tout le monde soit dans un environnement de travail épanouissant, les profils recherchés doivent être compatibles avec l’esprit lean et donc disposer des 3 qualités suivantes :

  • l’humilité,

  • l’envie d'apprendre, car le lean est un processus où on apprend et où on se challenge en permanence,

  • aimer partager avec les autres, travailler seul dans son coin n’est pas du tout possible dans le lean.

Gestion humaine au cours de la vie dans l'entreprise


Le lean ne va pas être appliqué avec la même intensité selon l’ancienneté des gens dans l’entreprise :

  • Une personne avec trois mois d'ancienneté qui n’a pas encore fait d’Andon, ce n’est pas grave, cela lui sera expliqué.

  • Par contre une personne qui a trois ans d'ancienneté et qui ne fait pas d’Andon par rapport à un gros projet, ce sera plus grave.

Par ailleurs, comme il y a beaucoup de choses à faire, appliquer, transmettre, il peut y avoir des erreurs, des mauvais choix qui peuvent faire mal aux gens. Il faut donc impérativement que le patron s’implique totalement : il doit croire en sa stratégie, aller sur le terrain, vérifier comment elle fonctionne, accompagner ses directeurs pour les aider à expliquer aux équipes les améliorations, donner l’exemple en fait. Il n’est pas possible d’envoyer sur le terrain les directeurs faire simplement des go and see, ce serait destructeur pour les équipes. Le lean version Toyota est quelque chose qui doit être bienveillant.


CONCLUSION


En conclusion, le lean est vraiment à l’inverse d'une logique qui exige de son personnel une qualité totale écrasante, c’est plutôt une philosophie qui transforme l'entreprise en entreprise apprenante grâce aux gens, en se base sur l’écoute, l’entraide, le respect, en donnant aux gens les conditions de succès.


Vous pouvez retrouver Jonathan Vidor sur Linkedin,


Les ressources recommandées par Jonathan :

  • Learning to scale de Regis Medina


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