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Churn RH : Rester sous 5% ?

Dernière mise à jour : 6 oct. 2023

Avec Zoé Blanchard, Head of People chez Ovrsea





Zoé Blanchard est Head of People chez Ovrsea depuis juin 2021. Ovrsea est un commissionnaire de transport digital, qui organise le transport international de marchandises. Ovrsea est une "’agence de voyage B2B pour le transport de marchandises à l'international”. La particularité d’Ovrsea : être 100% digital et permettre à ses clients de gérer leurs transports de manière complètement automatisée et en ligne.


Ovrsea compte aujourd’hui 120 personnes, et se trouve en fin de période de croissance avec encore 80 recrutements à faire pour clôturer 2022. Présente en France, cette année Ovrsea a ouvert 3 nouveaux pays : États-Unis, Italie et Espagne.


Le sujet de la rétention / de la fidélisation et donc en miroir du turn-over / du churn / des départs, est un sujet important en start-up : si l’accent est souvent mis sur le recrutement, la rétention est toute aussi essentielle pour garantir la croissance. S’il est sain d’avoir un roulement de ses collaborateurs, il faut aussi que les gens qui partent le fassent pour de bonnes raisons.


DÉFINITION ET CALCUL DE LA RÉTENTION


Zoé définit la rétention comme la capacité d'une entreprise à savoir fidéliser ses salariés, et du coup à être en capacité de maîtriser des départs trop importants et de pouvoir garder le maximum de temps ses équipes dans les effectifs de l’entreprise, surtout les profils talentueux.


Bien sûr, un taux de turn-over trop élevé n’est pas sain, mais s'il est proche de 0% ce n’est pas non plus très bon puisque cela signifie qu'il n’y a aucun renouvellement dans les effectifs. Et concernant les départs, pour Zoé c’est important pour l’entreprise d'être en capacité de distinguer les départs regrettés de ceux qui ne le sont pas.


Quand Zoé est arrivée, le taux de turn-over n'était pas un indicateur particulièrement suivi, tout simplement parce qu'il n’y avait pas beaucoup de départs et beaucoup d'arrivées. Le taux de turn-over se calcule ainsi : nombre de départs + nombre d'arrivés, divisé par 2, le tout divisé par l’effectif moyen. Et donc s’il n’y a pas beaucoup de départs mais beaucoup d'arrivées du fait d’une forte croissance, le taux de turnover sera mécaniquement supérieur à 50%, ce qui n’est pas pertinent. Chez Ovrsea, on a donc choisi de suivre le taux de rétention et le taux de départs, soit le nombre de départs sur l'effectif moyen, à l’année. Par exemple, 5 personnes qui partent sur un an pour un effectif de 100 personnes, donne un taux de départ de 5%. Ces chiffres peuvent être intéressants à calculer pour visualiser la “fuite des cerveaux”, surtout pour les entreprises en forte croissance.


Pour donner quelques chiffres chez Ovrsea, en 2020 le taux de rétention était de 93% et le taux de départs de 3,7%. En 2021, le taux de rétention était de 91% et le taux de départs de 7%. En chiffres bruts, cela donne environ 60 à 70 personnes qui ont été recrutées en 2021, et 3 personnes qui sont parties.


On constate donc une très bonne qualité de la rétention chez Ovrsea.


DE L'IMPORTANCE DE TRAVAILLER SUR LA RÉTENTION


Ovrsea a une vision people qui se rapproche de celle des “sales”, notamment sur la partie acquisition et rétention : en effet, entreprise avec une très forte croissance, Ovrsea a besoin de solidifier cette croissance et de la pérenniser. Et pour cela, il faut être capable de retenir les personnes, ou de les garder de manière assez durable dans le temps. La stratégie de rétention est donc essentielle dans une logique de forte croissance.


On pourrait faire ici le parallèle avec le framework AARRR (acquisition / activation / revenu / rétention / referral) utilisé en growth marketing : la croissance côté client consiste à avoir des clients, les garder, avoir un bon niveau de revenu et faire en sorte qu'ils recommandent d'autres personnes. Pour les peoples, on pourrait transposer cela de la manière suivante :

  • Acquisition = Talent Acquisition

  • Activation = Onboarding : aider les personnes à comprendre l’entreprise pour qu’ils aient envie d’y rester

  • Revenu = ce serait la capacité à aider les gens à monter, améliorer la performance

  • Rétention = comment faire en sorte que les gens se plaisent et restent

  • Referral = cooptation, bouche à oreille : faire en sorte que les collaborateurs aient envie de recommander leur entreprise à leurs connaissances pour les convaincre de venir y travailler.


Zoé et les fondateurs d’Ovrsea ont la même vision : la partie talent acquisition et la partie talent dev ne doivent pas être décorrelées, même si ce sont 2 pôles distincts dans l’entreprise. Sinon, c’est comme remplir un seau percé, cela ne sert à rien. Recruter des gens talentueux ne suffit pas, il faut ensuite les garder, la croissance ne peut pas se faire avec un taux de churn élevé.


LES DIFFÉRENTS LEVIERS DE RÉTENTION


Zoé applique différents leviers efficaces chez Ovrsea :


Identifier les attentes des candidats et les aligner avec l’offre

Au niveau du recrutement, il s’agit d’avoir la capacité d’identifier les attentes des candidats, leurs drivers de manière vraie et pragmatique, et les TAM (Talent Acquisition Managers) sont choisis et formés à cela. L’objectif est de pouvoir travailler l'adéquation entre ces drivers et ce qu’Ovrsea est capable de leur offrir réellement.


De nouveau, si on fait le parallèle entre le growth d'un point de vue business et la croissance côté people, le levier numéro 1 de rétention en growth business, c'est le produit, et plus précisément le product market fit : si un produit est excellent et correspond très précisément à ce dont les gens ont besoin, le produit se vendra tout seul et la rétention se fera naturellement. Côté people, on pourrait parler de job talent fit : si ce qu’offre l’entreprise (la culture, la job offer, la rémunération etc) correspond aux drivers des candidats, la rétention se fera là aussi beaucoup plus naturellement.


Quand Zoé est arrivée chez Ovrsea, elle a remarqué que les gens étaient tous là pour une même raison, ils restent parce que l’entreprise arrive à leur donner quelque chose qui est incrémental dans leur personnalité et dans leur driver : c’est la possibilité d’apprendre continuellement. Au niveau du recrutement, ils recherchent des gens qui ont soif d'apprendre, et qui ont la capacité de pouvoir se remettre en question, évoluer. Ovrsea s'engage à leur offrir cet environnement pédagogique qui leur permettra d'apprendre tous les jours. La plupart des gens n’étant pas issus du domaine du transport, de fait ils ont déjà beaucoup de choses à apprendre sur cette activité. Par ailleurs, par nature l’activité de transport international est très liée à des contextes et des enjeux géopolitiques, c’est donc un moyen condensé d’en savoir plus sur ce qui se passe dans le monde, ce qui est passionnant.


Pour arriver à avoir le bon job talent fit, il faut jouer à la fois au niveau du process de recrutement, et au niveau de l’offre, de la culture, de la promesse faite par Ovrsea sur ce qu’elle peut offrir concrètement :

  • Au niveau du process de recrutement : il est extrêmement bien structuré chez Ovrsea, chaque étape du recrutement évalue quelque chose de bien précis, et le candidat ne va pas se répéter, il va voir des gens différents pendant tout son process. Le premier entretien est très orienté business sense, le deuxième entretien est orienté hard skills, donc sur le métier avec un cas pratique, et le troisième entretien est plus orienté soft skills et culture, ce qui va permettre de bien définir les drivers de la personne, de savoir ce qui la fait vibrer et ce qu'elle attend de son métier au quotidien.

  • Au niveau de l’offre : quand Zoé est arrivée, elle a commencé à écrire avec son équipe le culture book. Cela a permis de poser derrière chaque valeur ce qu’Ovrsea pouvait offrir concrètement aux candidats, en étant sincère, et ainsi définir une promesse.

Une rémunération juste et above market

Une des 2 principales raisons pour lesquelles les personnes démissionnent, c’est une question de rémunération, et donc de désalignement de salaire (la deuxième raison est liée au management).


Zoé conseille vraiment aux start-ups de décider très vite de leurs principes de rémunération, au sens large (salaires, equity, benefits…), et c’est ce qu’a fait Ovrsea. Leur stratégie est simple : se positionner légèrement above market. Pour cela, ils ont utilisé l’outil Figures qui compile toutes les données salariales sur un marché donné, et ont décidé de se positionner au 75e percentile (pour plus de détails, voir l’épisode avec Virgile Raingeard de Figures, et celui avec Adeline Bodemer de Gorgias). Car pour avoir un effet positif sur la rétention, il faut bien sûr être compétitif par rapport au marché, surtout dans un contexte pénurique où les gens n'hésiteront pas à partir ailleurs s’ils sont payés en-dessous du marché.


Pour Zoé, le fait d’être au clair sur sa rémunération, et que les gens se sentent rétribués à leur juste valeur, permet vraiment de s’enlever une épine du pied, et de pouvoir commencer à travailler sur d’autres choses très intéressantes, comme le talent development, qui vont faire aussi en sorte que la personne soit complètement engagée.


Former les managers

Comme mentionné précédemment, les problèmes liés au management sont une des principales raisons de démission en entreprise, soit parce que ça se passe mal avec le manager, soit parce que la personne n’a pas l’impression de grandir (par exemple elle n’a pas assez feedback, n'a pas la sensation d'être coachée ou de progresser aux côtés de son manager). Pour Zoé, former les managers est donc quelque chose qui est indispensable aujourd'hui, et c'est une des premières choses qu’elle a faite en arrivant chez Ovrsea. Une formation manager va bénéficier à toutes les équipes, puisqu’un bon manager va à priori bien manager son équipe, et aura tous les outils pour voir les signaux faibles d'une équipe qui est désengagée par exemple, et pour pouvoir mener les actions nécessaires si besoin.


Souvent en start-up les managers sont des primo-managers, ils ne connaissent pas le métier à la base, et il est donc indispensable de les accompagner car c’est un métier difficile. Cela demande en particulier du leadership, et c’est quelque chose qui n’est pas inné et donc s’apprend.


Chez Ovrsea, les managers sont systématiquement formés. Comme ils recrutent beaucoup, ils ont une intervenante externe qui vient systématiquement au moins 2 fois par an, et ensuite l'objectif c'est de faire venir aussi d'autres d'autres experts sur différentes thématiques. Ils animent également souvent des workshops sur différents sujets : le talent acquisition, le feedback, etc.


D’ailleurs, si les dirigeants ne veulent pas mettre beaucoup de moyens dans leur équipe RH, Zoé conseille à minima de former les managers pour qu’ils pallient un peu ce manque.


La culture

La culture, placée du côté Talent Acquisition, est aussi un vrai levier qui permet de garder ses équipes. Ce qui marche très bien chez Ovrsea, c'est la culture de la remise en question, de la pédagogie, mais aussi de la fiabilité, qui sous-tend une notion de confiance très présente chez les salariés de l’entreprise. Le fait d'apprendre tous les jours, de recevoir du feedback et d'être aussi en capacité d'en donner, de se remettre en question, de sentir qu’on a confiance en nous et qu'on fait confiance à notre management, ce sont de forts leviers de rétention.


Offrir de la flexibilité au travail

Chez Ovrsea, proposer de la flexibilité au travail (en particulier le remote), a réellement motivé certaines personnes, dont de très bon éléments, à rester, car cela leur a permis de mixer projet pro et perso : certains sont à temps partiel, une personne est totalement en digital nomade à temps partiel également, une autre personne vit à Dubaï, etc.


C’est totalement aligné avec la culture de la pédagogie d’Ovrsea, avoir ce droit de pouvoir à la fois gagner de l’argent, vivre sa passion et sa vie perso. Les gens se sentent libres, ils peuvent travailler d’où ils veulent quand ils veulent, le remote est totalement accepté et même encouragé, d’ailleurs Ovrsea n’a que 60 places dans ses bureaux pour 120 personnes.


Les perks

Les perks, terme qui désigne les avantages, font aussi partie des éléments de rétention en start-up. Pour Zoé, c’est comme la rémunération, il faut être à minima au niveau du marché, (c’est-à-dire les tickets restaurants, la mutuelle, et les RTT), et si possible aussi above market. Par exemple, un bonus qui est très demandé par les candidats, mais qui n’a pas encore été mis en place chez Ovrsea, c’est l’accès au sport (abonnement à une salle de sports, etc).


Zoé émet une petite réserve très personnelle sur les perks de santé mentale au travail, elle considère que c’est plutôt une responsabilité RH de se pencher sur les causes d’un mal-être au travail.


Résumé et conclusion sur les leviers de rétention :

Pour résumer, si les personnes sont reconnues d'un point de vue financier et managérial, et qu'on les laisse aussi assez libres par rapport à leur vie personnelle, leur propre passion et leur vie de bureau, il y a beaucoup de chances qu'une bonne partie de la rétention soit validée. Et cela permet après la possibilité de travailler sur d’autres sujets très intéressants, comme les parcours de carrière etc.


Le point commun de tous ces leviers de rétention, c’est qu’ils demandent beaucoup d’investissement, que ce soit en temps / énergie (par ex. écrire les principes de management, les infuser chez les managers et les équipes), ou en budget (par ex. payer des intervenants pour former les managers, constituer une forte équipe RH - chez Ovrsea, l’équipe RH est constituée de 10 personnes sur un effectif total de 120 personnes). Il n’y a donc pas de recette miracle pour garder les gens, il faut simplement s’en donner les moyens.


RED FLAGS / FAUSSES BONNES IDÉES…


Mettre l’accent uniquement sur le recrutement

Comme expliqué précédemment, mettre uniquement les moyens sur le côté recrutement, sans que rien ne soit mis en action derrière côté rétention dans l’entreprise, cela ne sert à rien. Les gens finiront par partir.


Vouloir garder à tout prix ses équipes

Un taux de turnover à 0% n'est pas du tout sain, il ne faut donc pas à tout prix garder les gens enfermés dans des cages dorées, par exemple en les payant largement au-dessus du marché. Il vaut mieux trouver le bon niveau concernant la rémunération.


Ne pas analyser ses départs

C’est très important d'analyser ses départs, de faire des feedbacks d’offboarding constructifs avec l'équipe RH, d’une part pour que les personnes se sentent ok de pouvoir tout lâcher, et d’autre part pour que l’entreprise puisse analyser et éventuellement changer certaines choses. Chez Ovrsea, ils gardent une trace écrite de ces exit interviews à des fins d’analyse par l’équipe RH et l’équipe dirigeante.



LE MOT DE LA FIN

Pour Zoé, la première chose à faire est vraiment de se poser sur les sujets culture / valeurs, pour les décliner ensuite en grands principes de management (management book par exemple). A partir de là, ils pourront être traduits en actions concrètes qui vont pouvoir accompagner la croissance : grilles de rémunération, formation des managers, positionnement par rapport au marché, etc.



Vous pouvez retrouver et contacter Zoé Blanchard sur Linkedin, ou par mail : zoeblanchard@ovrsea.com

et le site d’Ovrsea ici: https://www.ovrsea.com/


Les ressources recommandées par Zoé :


  • Les podcasts Le coeur sur la table et Les couilles sur la table de Victoire Tuaillon (également disponibles en livres)

  • Le podcast Génération XX de Siham Jibril


Les outils recommandés par Zoé :


  • Figures de Virgile Raingeard concernant la rémunération

  • Le slack First Talent de Judith Tripard


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